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« Vous comprenez, c’est pas de leur faute. Mais ma journée avait été si stressante. Je leur avais souhaité bonne nuit, et insisté pour qu’ils ne me dérangent plus. Et là, alors que j’étais encore en pleine vaisselle, ma fille qui redescend pour la troisième fois, pour me dire qu’elle a très mal au petit doigt. Je lui ai hurlé dessus: « Je veux rien savoir. Je m’en fiche de ton petit doigt. Fous moi la paix ! »
J’étais vraiment en colère… »

J’ai raconté à mon thérapeute la suite de cette histoire, les raisons de mon stress, mes excuses à mes enfants, l’annulation de mon cercle d’écriture, ainsi que tous les apprentissages que j’avais retiré de cette journée là, dont je t’avais parlé dans cet article  (Sans retour)

– C’est pas de la colère, Namir, ce que vous avez exprimé à votre fille, ça s’appelle  de la violence.

– De la violence ?

– Dire à quelqu’un « Fous moi la paix », c’est de la violence. En plus à votre enfant, qui n’a pas le choix ni la possibilité de vous répondre, et qui est obligée de l’accepter, parce que vous êtes son père.

– Mais enfin, si je m’autorises à réagir comme cela, c’est aussi parce que je sais que notre lien ne sera jamais rompu : c’est ma fille. Et elle sait que je l’aime.

– Vous êtes en train de justifier votre réaction violente par le lien d’amour. C’est aussi ce que disent les gens qui battent leurs enfants. Je te frappe, mais c’est pour ton bien. Vous faîtes la même chose avec vos collègues de travail, ou vos clients ?

– Euh, non, bien sûr, je me permettrais pas.

– Oui. Vous le faites juste avec les gens sur lesquels vous avez un pouvoir. Et qui eux, n’ont aucun moyen de se défendre. Vos enfants. Or pour moi, l’amour et la violence ne peuvent pas être compatibles.

Bon, je fais une pause là. Parce que déjà à ce moment là de ma séance, c’était l’alerte intérieure. Tous mes mécanismes de défense s’étaient activés, mes voyants étaient au rouge vif, même si au plus profond de moi, dans une conscience enfouie, je pressentais bien que ce qui se jouait dans cet échange « anodin » avec mes enfants, était la partie immergée d’une relation banalisée à la violence dans laquelle j’avais grandi et que j’ai déjà évoquée, comme dans cet article que je t’invite à découvrir  (Être un homme)

 

 

Quand ma femme et moi avons appris, après l’échographie, que notre dernier enfant serait un garçon, je me souviens avoir ressenti une énorme tristesse à cet instant. Ma femme m’avait demandé ce que j’avais.

– J’ai peur. J’ai peur de rentrer dans une relation conflictuelle lui et moi. J’ai tellement pas envie de reproduire la relation violente que j’ai eue avec mon père.

– Mais il n’y a aucune raison. Si tu en as peur, parce que tu l’as vécu, bien c’est justement la confirmation que tu va être attentif à cela.  Je suis sur que tu vas être un bon père …

Ma femme ce jour la, avait su trouvé les mots pour dissiper mes craintes, et m’aider à accueillir ce nouvel enfant dans la joie. Et ce n’est pas avec mon fils que les relations ont été le plus conflictuelles, mais avec ma fille, sa sœur ainée.

– Qu’est ce que vous voulez dire par là ? Que je n’aime pas ma fille ?

– Je m’interroge. Je trouve intéressant de se poser la question.

– Et bien là, je ne sais pas si c’est de la colère ou de la violence que je ressens, mais je peux vous dire que vous êtes sacrément en train de l’activer. Remettre en question mon amour pour mes enfants !

– Je ne dis pas que c’est votre cas. Et puis, on n’est pas obligé d’aimer ses enfants. Ce n’est pas grave en soi. On peut être attaché a eux. Plein de parents n’ont pas le même rapport avec chacun de leurs enfants. Ils disent qu’ils les aiment « différemment ». Je trouve important de se demander ce que ça veut dire : aimer. Et je comprends aussi votre souffrance. On parle beaucoup de la souffrance des enfants, et c’est fondamental de les protéger, vu qu’ils ne peuvent pas se protéger tout seuls. Mais beaucoup de parents souffrent aussi. Ils ont tant d’injonctions à être des bons parents, à répondre aux sollicitations des enfants qui peuvent, je l’imagine, être fatigantes. Les parents doivent aussi se confronter à des injonctions d’amour inconditionnel, imposées par notre société, alors que cela ne correspond pas forcément à leur réalité intérieure. On n’est pas forcément quelqu’un de mauvais si on n’aime pas ses enfant, ou si on ne les aime pas de la même manière.  Ne voyez aucune connotation morale ni jugement, Namir dans ce que je vous dit. Je crois juste que les gens iraient beaucoup mieux et les relations seraient beaucoup plus saines dans les familles, si les gens arrêtaient de se mentir a eux-même, pour se regarder vraiment

– Euh… j’entends ce que vous dites. J’entends la nuance que vous faites entre colère et violence. Et peut-être qu’il y aune confusion chez moi, mais je vois pas le rapport avec le fait d’aimer.

C’est pas que je voyais pas le rapport. C’est juste que ça se bousculait trop à l’intérieur de moi. Je ne savais plus quoi penser. La violence et l’amour sont-ils incompatibles ? Peut-on dire d’un parent qui bat son enfant qu’il ne l’aime pas ? Où se situe la frontière entre colère et violence ? Et surtout, comment faire pour gérer tout ça ?

J’ai aussitôt repensé à mon enfance, à mes parents.  J’ai grandi, comme beaucoup d’enfants, dans un contexte où la violence verbale, parfois physique, les non-dits, l’absence de communication emotionnelle, faisaient partie du quotidien. J’en ai souffert. J’ai parfois douté de l’amour de mes parents. Mais ces doutes ont été balayés avec le temps par leurs actes, les sacrifices qu’ils ont faits pour ma sœur et moi, pour nous donner le moyen de notre réussite. Ils ont sans doute voulu nous conformer à une certaine image, espérant que nous devenions médecins ou ingénieurs, parce que c’était selon eux, les critères de la réussite, de la stabilité, et de la sécurité financière. Étaient-ils en train de nous aimer dans ces moments-là ?  De se rassurer sur le fait qu’ils avaient atteints leurs objectifs de parents ?

Je n’aurai jamais de réponses à ces questions. Les seules questions auxquelles il me serait possible de répondre sont celles me concernant, dans ma relation aux autres. Et j’avoue que cette honnêteté brutale face à moi-même me fait peur.  Je me suis aussi demandé quelle serait la réaction de mes enfants, si un jour ils tombaient sur cet article.

Et ça m’a fait sourire. Combien de fois ma fille m’a reproché d’être injuste avec elle, d’avoir le sentiment qu’elle et son frère n’étaient pas traités de la même façon. A chaque fois, je lui répondais

– Mais non, ce n’est pas vrai, je vous traite de la manière. C’est juste que vous êtes différents.

Récemment, j’ai fait l’inverse.

– Oui, tu as raison. C’est possible que je sois injuste. Et j’en suis désolé. Je fais vraiment du mieux que je peux.

 

Bizarrement, je l’ai sentie plus apaisée. Et cela a été l’occasion d’un échange entre elle, son frère et moi sur l’amour, sur la manière dont ils se sentaient aimés tous les deux, sur les différences de traitement qu’ils ressentaient vis à vis de moi. Et cela s’est fait dans l’apaisement.

Je me suis souvenu d’une phrase que j’avais écrite il y a quelques jours dans un article intitulé Artiste et père :

La plus grande source de violence pour moi, c’est le mensonge. Celui que tu te fais à toi-même quand t’arrives juste pas à admettre que tu n’es pas celui que, sur le principe, tu aimerais être. Et que tu nies à une part de toi le droit d’exister.

C’est peut-être justement parce que c’est tellement insupportable et difficile d’admettre notre violence intérieure qu’il nous est plus rassurant de la projeter sur le monde, et de la décharger sur autrui.

Voilà pourquoi la connaissance de soi, et le travail quotidien, patient, méticuleux sur l’écoute de tes ressentis, de tes pensées inavouées et inavouables, et l’apprentissage progressif de l’acceptation de toute les facettes de toi-même sont les meilleurs garants de ce chemin vers l’amour de toi, des autres et la construction de relations saines avec le monde.

Et pour cela rien de tel que de prendre le temps de répondre aux questions qui te dérangent le plus.

Moi, j’en ai un paquet.

Si toi aussi, il y a des questions qui te travaillent, qui te font peur, que tu n’oses pas aborder, je t’invite sincèrement à ne pas les fuir, et à trouver l’espace de sécurité dans lequel tu puisses les aborder. Que ce soit en thérapie, face à ta feuille de papier, ou en rejoignant un groupe bienveillant de réflexion. C’est pour toutes ces raisons que j’ai créé mes cercles d’écriture gratuits (si tu  sens que la présence d’un groupe peut t’aider à t’exprimer, tu y es le bienvenu) ou à travers mon programme en ligne Inspirateur (si tu préfères être guidé dans un travail que tu ne peux faire seul, tout en restant dans une relation intime et personnelle avec toi-même).

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5 réponses
  1. Élodie
    Élodie dit :

    j’ai l’impression d’avoir peur d’être en colère par peur de l’émergence d’une sorte de violence qui sommeille quelque part en moi. qu’est ce qui est violence, qu’est ce qui ne l’est pas ? Tout s’emmêle bien souvent

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  2. Valérie
    Valérie dit :

    La colère est une émotion, alors que la violence est une manière d’agir/de s’exprimer. On peut être en colère et que cela ne débouche sur rien de violent, ni envers soi, ni envers l’autre.
    Aujourd’hui, quand je sens que la colère monte et que je suis au bord de basculer dans la violence, je m’efforce de contrôler temporairement l’action (ou la parole) violente, et plus tard, dans un espace sécurisé, je fais mon possible pour écouter la colère.
    Et dans le vif de la situation qui déclenche la colère, je dis à mon conjoint (c’est avec lui que je me mets en colère) STOP ! Je ne suis pas en état de discuter, pas en état de comprendre. Et je m’isole quelques minutes.
    Bon. C’est plus facile avec mon conjoint que ça ne le fût avec mes enfants…

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    • Namir
      Namir dit :

      Oui, toute la subtilité est dans la bascule ressenti de colère et réaction. Et comme tu le dis, chez toi ca passe par un contrôle (conscient, donc) de l’action violente. Comme s’il fallait réprimer un truc qui voudrait sortir. Et je réalise à quel point c’est un travail long et difficile que de réapprendre à se familiariser avec la colère, et l’accueillir, tout en la dissociant du comportement violent. Ce que je constate chez moi, c’est que c’est souvent quand la colere n’est pas ecoutée, entendue ou accueillie, (parce qu’elle est interdite, ou non conenable, ou inappropriée) que ca se transforme en violence.

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Trackbacks (rétroliens) & Pingbacks

  1. […] En même temps, écouter sa colère peut sembler terrifiant, surtout quand tu ne sais pas faire la distinction entre colère et violence (j’en parle dans cet article). […]

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