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Nous étions au diner quand mon fils de 10 ans, m’a annoncé qu’il voulait mettre une jupe ce jeudi pour aller à l’école.

– Tu comprends, il y a trop de sexisme. On se moque de moi parce que je traine avec des filles. Et quand des filles jouent au foot on leur dit “ah… ben dis donc, tu joues bien…. pour une fille!”. C’est pas normal.

– Tu peux le dire, mais pourquoi porter une jupe ?

– Les filles ont le droit de mettre des pantalons. Les garçons devraient aussi avoir droit aux jupes. Si on veut l’égalité, chacun doit pouvoir choisir comment s’habiller. Mathilde, tu peux me prêter une jupe ?

Sa sœur a haussé les épaules, ironiques

– Tu le feras même pas !

– Si je le ferai !

– On parie ? Si tu le fais je te donne un euro

– Mathilde, s’il te plait, arrête…

– Je sais pourquoi il veut faire ça. C’est pour impressionner son amoureuse

Et Joachim s’est emporté.

Au moment du coucher, je suis allé lui souhaiter bonne nuit. Connaissant sa sensibilité, et sa difficulté à gérer ses émotions, j’ai tenté de le dissuader.

– Joachim, je comprends ce que tu dis, et je suis d’accord avec toi. C’est injuste le sexisme et le machisme. Mais t’es dans une école où il y déjà plein de problèmes, de bagarres, et d’intolérance. Et t’as du mal à supporter les moqueries. Alors, si tu viens en jupe, il va forcément y avoir des réactions négatives….

– Je veux que des garçons comme Kondo, Armel et Yassine arrêtent d’être sexistes, et de se moquer des filles.

– S’ils te voient en jupe, ils vont surtout se moquer de toi, mais ils ne vont pas changer d’avis sur les filles.

– Je veux essayer quand même, papa. Je veux être courageux.

– J’ai peur que leurs réactions te blessent. Celle des élèves, mais peut-être aussi des adultes. Elles sont chouettes tes idées, mais réfléchis, y a peut-être d’autres moyens de les faire passer ?

Joachim a acquiescé.

– Je vais réfléchir.

Je lui ai souhaité bonne nuit, espérant qu’elle lui porte conseil.

Au petit matin, j’ai retrouvé mon fils en pleine discussion avec sa sœur devant le miroir. Et en jupe.

– Alors ?

– Avec ton haut, la multicolore ira mieux.

– Hey, mais si y a du vent, on verra ma culotte ?

– Bienvenue dans le monde des filles, Jojo.

Sa sœur lui a alors proposé de mettre un legging en dessous pour le protéger du froid. J’étais rassuré. Au moins, s’il changeait d’avis, et décidait d’enlever sa jupe, il avait une alternative.

J’ai accompagné mon fils jusqu’au portail de la maison.

– Papa, même si Armel et ses potes se moquent de moi, Je vais m’entraîner à me contrôler aujourd’hui. Cette jupe, elle va m’aider à gérer mes émotions.

Des fois, à trop vouloir protéger nos enfants, on les empêche de grandir. Quelle que soit l’issue de cette journée, elle allait être riche d’apprentissages pour lui, même si je craignais de le retrouver en larmes le soir. Je lui ai souhaité bon courage, et l’ai regardé s’aventurer dans la rue avec sa jupe. A peine dehors, croisant le passage d’une maman et sa fille, il a remonté discrètement sa jupe pour la planquer sous son blouson, et s’est tourné vers moi.

– Je la ressortirai à l’école. Mais pas dans la rue…

– Pas de soucis, fiston. Fais ce qui est juste pour toi. Et si tu sens que t’en as marre, tu peux l’enlever. Il n’y a pas d’échec. Tu l’auras fait.

Je n’ai pas revu mon fils ce jour là. C’était ma femme qui prenait le relai pour la semaine. Impatient de savoir comment s’était passé la journée, je les ai appelé le soir. C’est mon fils qui a décroché.

– Alors ?

– Alors quoi ?

– Ta journée. Ça s’est passé comment avec Armel et ses potes ? Raconte.

– Bah, en fait, quand ils ont vu que je cachais un peu ma jupe sous mon blouson, ils m’ont dit. “Arrête de la cacher. Si t’as envie de porter une jupe, assume, mec”. Ils ont été super cools en fait.

– Ah ouais ? comme quoi…

– Ce qui m’a le plus surpris, ce sont les CP. Ils ont pas arête de se moquer de moi en disant “ah, c’est une fille”. Ils sont bêtes ? Je m’y attendais vraiment pas : ce sont les plus petits, tu vois…

Bah oui, parfois, les plus petits ont des choses à apprendre des plus grands. D’autres fois, c’est l’inverse. Comme aujourd’hui pour moi.

Mon fils avait appris ce jour-là, qu’avant de réussir à changer le regard des autres par des actions concrètes, le plus grand combat à mener, c’est celui contre ses propres démons.

Incarner le courage d’être soi, ça passe par la reconnaissance de ses peurs, de ses propres limites. L’accomplissement ne vient pas du résultat de l’action, mais du fait d’oser, et d’être ok  avec l’échec éventuel.

Et c’est là ou la connaissance de soi est indispensable.

Et toi, alors, qu’est ce que cet article t’a évoqué ? 

Je serai curieux de savoir quelles sont les actions, même minimes, que malgré ta peur ou ton appréhension, tu as le courage d’oser ?

Poste donc tes réponses en commentaire.

 

 

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