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Hey, salut, on t’a déjà posé cette question existentielle :

Tu ferais quoi, toi,  si tu savais que tu allais mourir demain ?

C’est sûr que ta réponse sera pas la même, si t’es au cinquième round alcoolisé « d’action ou vérité » ou face à ton oncologue. Et si t’es bien dans ton corps, ou s’il hurle de douleur.

En général, moi je répondais souvent par une pirouette, du genre, euh…

– J’irai en discothèque, je baiserai à fond, je me taperai des pizzas neuf fromage et des glaces géantes, et je ferai la fête jusqu’au dernier moment…

Ça, c’est mon côté ado. Faut dire qu’elle est hardcore cette question. Parce que la mort, justement, c’est LE truc que tu ne peux pas imaginer, qui fout les chocottes, même si  t’as bossé sur toi, et que tu dis

– Pfff… meme pas peur….

Ouais, c’est ça. Attends que deux gros malabars armés s’approchent de toi, te choppent, et te trempent la tête dans une baignoire jusqu’à ce que tu manques d’air, et regarde comment  ton corps il réagit.

Si tu te demandes c’est quoi l’intérêt de cette question, je pourrais te dire de lire cet article jusqu’au bout et  découvrir par toi-même. Ou faire le bâtard et te spoiler la fin en te révélant que c’est con de devoir attendre le dernier jour de ta vie, pour enfin t’autoriser à faire des trucs que tu pourrais tout simplement faire dès aujourd’hui. Mais tu me connais,  je ferai pas  ça…

 

 

C’est là où les techniques d’hypnose sont vraiment bienvenues pour t’aider à répondre à ce genre de question : elles te permettent de vivre l’expérience, non pas intellectuellement, ou en te dissociant de tes émotions, mais en immersion, avec tous tes ressentis et tes sensations associés.

Et là, c’est sur que tu parleras plus de manger des pizzas neuf fromages.

 

Quand, ma mère est morte, en soins palliatifs, les infirmières m’ont assuré qu’elle était partie en paix. Qu’est ce qu’elles en savent ? Sa langue avait tellement gonflé qu’elle n’arrivait plus à fermer la bouche, et sa respiration était devenue de plus en plus difficile. Je l’ai parfois imaginée, dans la solitude de sa chambre, à 3 heures du matin, essayant de respirer une dernière fois, et n’y parvenant plus… et ben, rien que d’y penser, ça me terrorise, et ça m’attriste

 

Dans « La grande bouffe », un film de Marco Ferreri, quatre bourgeois se réunissent pour faire une orgie de nourriture et de sexe. Et ça commence plutôt de manière joyeuse. Puis tu sens que le truc dégénère, et là, tu te demandes pourquoi ils font ça.
Et arrive cette réplique de Philippe Noiret à son ami Michel Piccoli,  qui se force à manger, mais qui n’y arrive plus, tellement il a mal :

« Mange, Michel, mange. Sinon, tu vas pas mourir »

Alors, tu vois, hier, en faisant du tri dans mon ordinateur, je suis retombé sur un texte que j’avais écrit il y a 6 ans, en 2016, quand j’étais stagiaire dans une école d’hypnose. Nos formateurs nous avaient fait écrire une lettre à nous-même. Une fois la lettre écrite dans un état de transe, une amnésie était créée pour que tu te souviennes plus du contenu, et les lettres avaient été récupérées.

Un ou deux ans après, tu recevais par courrier une lettre bizarre dont tu n’avais aucun souvenir. Puis tu reconnaissais ton écriture, et tu découvrais qu’elle s’adressait depuis le toi du passé, à ton toi d’aujourd’hui. Gratitude et larmes assurées.

Même si je n’écrirai plus la même chose aujourd’hui, j’ai aimé la sincérité de ces mots que j’ai envie de te partager avec toi aujourd’hui.

“Si je devais mourir demain, je ferai mon testament pour que mes biens soient transmis à mes enfants de manière équitable. Et je laisserai un mot à ma sœur pour lui faire part de mes instructions.

Mais au-delà de cela, je laisserai un message à ceux qui me survivent en leur souhaitant d’être heureux, et espérant que les gens que j’ai aimés, côtoyés, retiennent de moi ce message :

“ Soyez confiants et aimez qui vous êtes, osez vous exprimer, et restez vrais avec vous. Mon amour pour vous me survivra. Merci de m’avoir aimé. Cela m’a fait du bien dans ma vie, même si je me suis senti souvent seul. »

Je n’irai pas sur la tombe de ma mère.
Je n’irai pas non plus voir mon père. Ou alors juste pour lui dire de bien s’occuper des plantes de notre appartement. Que maman aimait beaucoup les plantes, et qu’il en prenne soin lui aussi. Sans les arroser trop car cela risque de les noyer. Et sans les négliger, car elles risquent d’avoir soif. Je lui dirai aussi de parler avec les plantes, et de leur dire ce qu’il sent.

Je prendrai mes enfants dans mes bras, et jouerai avec eux. Je dirai au revoir à ma femme, et lui suggèrerai de chercher ce qui peut la rendre la plus heureuse dans sa vie.

J’écrirai un mot sympa sur Facebook, pour saluer les copains. Et j’aimerai écouter une voix chaleureuse me raconter une belle histoire.

Je dirai aussi merci au docteur Scotte qui a soigné maman, en lui souhaitant de continuer ainsi.

Je ferai du tri dans mes affaires.

Si je dois mourir demain, j’appellerai aussi ma tante Enayat pour lui céder une partie de mon argent.

Et curieusement, je préviendrai ma sœur que je vais mourir. Juste elle. Les autres, je leur dirai pas.

Ensuite, comme je n’aurai pas le temps de voyager, et d’aller dans un endroit très beau, où il y a des fleurs, comme le jardin de Christian Dior à Granville, je me rendrai dans un espace un peu fleuri à côté de chez moi. Un parc. Un jardin. Je regarderai le ciel. Et je ferai la paix avec moi-même. Avec le petit garçon turbulent que j’étais. Je me pardonnerai toutes les bêtises que j’ai faites dans ma vie. En me disant que je n’étais pas qu’un mauvais garçon. J’ai été un enfant seul, triste, et fragile. Mais un enfant qui aimait aussi jouer, rire, courir, faire des blagues, monter sur un âne, manger des raisins.

J’irai ensuite m’acheter les plus beaux fruits que je trouve. Hélas, je crois qu’aucun fruit n’est aussi bon dans mon cœur que les raisins d’Égypte, que l’odeur des clémentines et des citrons verts, ou que le gout des mangues de mon enfance, que je mangeais à Alexandrie avec mes parents, et tante Awatef.

Ensuite, mes pas me guideront vers une église à la recherche d’une statue de la vierge Marie, et j’irai la saluer. Je regarderai cette femme au regard triste, et je ressentirai tout l’amour qu’elle a porté pour moi. Pour nous.

Peut-être que j’appellerai quelques amis, que je boirai un bon vin, que quelqu’un sortira une guitare, et que nous chanterons quelques chansons, même faux.

Mais pardessus tout, je re-regarderai mes enfants vivre. J’écouterai leur voix , je sentirai leur odeur. Puis je me mettrai dans mon lit, sous une couette  chaude, et je me souviendrai de la voix de ma mère qui me disait :

Tessbah ala khair.

– Bonne nuit. Que ton réveil soit rempli de bonnesl’e choses.

Et je pleurerai de m’en aller, parce qu’elle était quand même sacrément belle cette vie qui est passée si vite.

Dans cette dernière journée, mon travail et mes films ne me paraitront pas si importants que cela. Ma vie s’est jouée ailleurs que dans ces films. Ils ont été pour moi un moyen, pas une finalité.

 Ce que j’ai cherché à travers cela,  c’est d’oser aimer, l’exprimer, et être en paix avec qui je suis.

Quand tu sais cela, la peur de ne pas savoir quoi écrire, la peur de faire un film raté, la peur de l’échec, la peur de déplaire aux autres, s’évaporent.

Aucun film, aucun livre, aucun écrit, n’est essentiel. Aucune œuvre n’est indispensable. Aucune création artistique ne manquera à l’humanité.

Rien ne sera jamais aussi fort que ce qui réveille ton amour de la vie, que ce soit l’odeur d’un citron, ou le regard d’une personne que tu aimes.

Et si un film, un article, un livre, une musique arrive à t’arracher un sourire, une larme, un moment de joie, ou de paix, c’est déjà énorme. Peut-être même  ce moment d’émotion t’accompagnera jusqu’au dernier jour de ta vie. Et qui sait, au delà. “

Voilà.

Alors, j’espère que cela te donnera envie à ton tour de répondre honnêtement à cette question, et que faire cette expérience va t’aider à prendre conscience de ce que tu ne fais pas, ou n’exprimes pas aujourd’hui dans ta vie alors que c’est peut-être ton désir le plus profond.

Je te souhaite que cela te donne le courage d’oser.

Au fond, j’aurais pas du intituler ce texte mourir demain, mais vivre aujourd’hui.

 

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