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Bon, je dois bien l’avouer, j’aime être cet homme que je deviens.
Et j’apprécie ce privilège que j’ai, d’être père.
Non pas un père qui sait, mais un père qui apprend. Découvrir mes enfants, les voir grandir, me bousculer, échanger avec eux, et évoluer.
Et plus encore depuis ma séparation.
Parfois, tu dois attendre d’être tombé au fond du trou pour commencer à devenir l’homme, ou la femme que tu aurais aimé être.
Et moi, voir mes enfants grandir sans moi me donne de joie. J’aime les quitter chaque semaine.  Leur manque me plaît.
C’est ce qui donne tant de goût à nos retrouvailles.
J’en viens à me dire que les couples devraient apprendre à se manquer davantage : faire chambre à part, avoir leurs secrets, et cesser de croire qu’ils sont chacun la propriété de l’autre. Enfin j’imagine que c’est comme ça que j’ai envie de réapprendre à aimer, moi qui ai plutôt tendance à rechercher le confort, l’habitude et la sécurité.
La sécurité tue aussi parfois. Elle tue le désir. Elle tue le désir de vie.
Il y aurait un équilibre subtil à trouver avec la sécurité, qui consisterait à apprendre à laisser de la place à l’inconfort, l’insécurité, le risque, à l’inattendu. Et la peur aussi. Être confortable avec l’inconfort.
C’est peut-être cela aimer: apprendre à faire confiance à l’autre, y compris quand ils s’éloigne de nous, qu’il va se promener sur des chemins escarpés ou nous ne souhaitons pas qu’il aille, et lui laisser sa pleine responsabilité. Avec tous les risques qu’implique. Mais a-t-on vraiment le choix ?
Me reviens (ou revient ? j’ai un doute sur l’orthographe)  à l’esprit l’odyssée d’Ulysse, dans une autre version du mythe, dans laquelle Homère nous dirait comment Pénélope a occupé sont temps, et profité de l’absence d’Ulysse.
Dans cette version, Pénélope aime la solitude. Elle aime avoir du temps pour elle, pour des activités secrètes et solitaires, dont l’odyssée officielle ne dit pas un mot.
Pénélope aime ça. Elle en a besoin.
Alors, elle envoie Ulysse en mer.
Lui, n’a qu’une seule envie : rester auprès d’elle et de leur nouveau-né, Télémaque. Pénélope lui dit qu’elle a besoin de l’absence d’Ulysse pour être excitée par son retour. Alors il part malgré lui, bon gré mal gré.
Durant son voyage, il souffre et n’a qu’une seule envie : rentrer. Mais il fait traîner son retour, par amour pour Pénélope.
Elle est sa déesse, sa mère son épouse, sa fille. Elle est la douceur et la volupté, la tendresse et l’animalité insatiable.
Elle est libre. Elle est la forteresse imprenable, et l’agneau  tremblant.
Il en parle partout autour de lui, raconte cette histoire à tous ses matelots, et pour elle il se perd.
Voilà.
Et puis, vient le moment du retour. 
Ils se reconnaissent, pleurent ensemble, font l’amour comme ils le faisaient autrefois, et constatent l’un et l’autre que quelque chose a changé dans leur relation.
il faut bien l’admettre des fois, le temps passe et les gens évoluent.
Les retrouvailles ont été intenses, mais Pénélope a un aveu à faire.
Elle aimerait qu’Ulysse reste enfin. Et qu’il ne reparte plus. Elle le rejoint dans son besoin de sécurité. Ce qu’elle appelait autrefois liberté, était peut-être simplement de la peur. Elle voulait s’assurer qu’il l’aimerait toujours. Qu’il serait toujours là pour elle.
Elle dit tout cela en observant Ulysse. Ulysse devrait être heureux. Mais il ressent une petite pique dans son cœur. Un truc qu’il n’ose peut-être pas s’avouer à lui-même, et encore moins à Pénélope. Il y a pris goût, à cette odyssée.
En fait, c’est pas qu’l y a pris gout, c’est qu’il a toujours aimé cela.
Il hésite, tourne en rond pendant plusieurs jours, devant affronter la décision la plus difficile de sa vie : devra-t-il se confier à Pénélope ?
Il ignore que Pénélope est déjà au courant. Depuis bien longtemps.
Et qu’elle attend depuis tout ce temps, qu’il s’ouvre, pendant qu’elle secrètement, elle souffre. 
Et dans cette attente, leur couple rentre doucement dans une nouvelle phase. Une nouvelle histoire qui commence peut-être. Ou se termine.
Et comme une boucle qui se clôt, ou qui tourne sur elle-même, je réalise au moment ou je termine les lignes de cet article, que j’ai déjà raconté une autre version de cette histoire, dans cet article qui s’appelle, on ne pouvait pas l’inventer : la boucle

 

 

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1 réponse
  1. lili
    lili dit :

    Hmmm, amusante, ton interprétation de l’Odyssée, Namir 🙂 🙂
    Et pendant ce temps-là : que lit lili sous ces lilas-là? Lili lit l’Illiade (à dire 10x de suite de plus en plus vite)
    …à chacun son épopée ^^

    Répondre

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