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Dis-moi, toi qui me lis, quel âge as tu ?

Je ne te parle pas de ton âge officiel.

Toi et moi, nous savons parfaitement que notre réalité est subjective. Un mur peut faire jaillir des larmes, alors qu’il n’est qu’un amas de pierres sèches. Des mots peuvent lancer une révolution. Pourtant ils ne sont objectivement que du vent soufflé entre des cavités.

Qu’est ce que ça répond à l’intérieur de toi, quand tu te demandes :

– Je me sens quel âge ?

 

 

Parfois, le décalage est flagrant, et même apparent. Certains adultes ont une voix qui dénote avec leur apparence physique. D’autres ont un corps qui détonne avec leur âge biologique. Comme si une partie d’eux avait refusé de grandir, ou à l’inverse, avait murie trop vite.

Ton écriture aussi a un âge. Elle en a même plusieurs. Car tu n’écris pas toujours depuis les mêmes endroits.

Par exemple, au moment ou je t’écris, je me sens 52 ans. Et 37 ans aussi. En même temps. Il suffit que je me pose cette question :

– Depuis où j’écris, au moment ou j’écris ces lignes ?

Et ça répond.

Et toi, , toi qui me lis en ce moment, depuis où me lis tu ?

– Qui me lit, en toi ?

Pour le dire autrement

– Quel âge as-tu, ou quel âge te sens-tu, au moment où tu me lis ?

Si cette question te paraît bizarre, alors, permets moi de dire bonjour à ton esprit supérieur, bonjour à ton enfant intrépide, à ton critique intérieur, à ton parent sévère, à ton courageux explorateur, à ton vieux sage, à ton adolescent perdu, à ton adulte frustré, à ton dormeur éveillé, à ton clown fou, à toutes les facettes de ton être.

Bonjour.

Et tu peux observer avec curiosité, comment tu réagis à la lecture de ces mots. Qu’est ce qui réagis en toi ?

Tu es un brouillard diffus, et parce que l’infini te fait peur, tu contiens ton immensité dans une forme finie, et tu la limites aux contours de ton corps physique.

Mais ton corps n’a pas de limites.

Des particules de toi flottent dans l’air en ce moment, et se propagent partout. L’environnement se nourrit de ta présence, comme tu te nourris de la sienne.

Tu peux fermer la porte de ta chambre à double tour. L’air qui circule de chaque côté est le même.

Tiens, pense à une porte. Elle n’a même pas besoin d’être une porte secrète. Peu importe si c’est une porte qui existe déjà, ou une de ton invention. Choisis juste la première qui se présente à toi. Et approche toi d’elle.

Si elle t’apparaît fermée. Ne l’ouvre pas.

Toque à la porte, et attends de voir ce qui se présente à toi.

Certains appellent cela convoquer les génies, ou rencontrer ton maître intérieur. En fait, tous ces noms n’ont aucune importance.

Quand on dit « frappe et l’on t’ouvrira », l’important c’est surtout de savoir à quoi ressemble ce « on ».
Alors toque, et une fois que « on » se manifeste à toi, demande lui s’il est d’accord pour te guider.

S’il accepte, alors laisse toi guider.

Il t’emmènera peut-être dans des endroits de ton corps, à l’intérieur de ton ventre, d’une cuisse, dans l’épine dorsale, ou dans des contrées plus lointaines.

Il t’ouvrira peut-être la porte, et tu y verras un escalier, un pont, ou une caverne dans laquelle tu seras invité à pénétrer.

En général, soit ça descend, soit ça monte.

Alors suis le guide, et remonte avec lui à la source.

Ne cherche pas à comprendre, et ne sois pas surpris par les rencontres que tu feras sur le chemin : des animaux qui parlent, des ombres, des couleurs inconnues, et des langues étrangères. Parfois, le serpent de la peur viendra siffler a tes oreilles. Fais confiance à ton guide.

Si tu dois mourir, tu mourras. Et continue.

Une fois arrivé à la source, convoque ce qui a besoin d’être convoqué. Et attends. Dans cette attente, rien n’est jamais rien, comme l’air qui est invisible et qui est pourtant source de vie.
Si tu ne vois pas, écoute.
Si tu n’entends pas, ressens.
Si tu ne ressens pas, appelle, et entends l’écho de ta propre voix.
Est ce encore la tienne ?
Remarque si tes mains sont encore tes mains
Dirige-toi vers une source ou d’un miroir pour découvrir ton reflet.
Est-ce encore toi ?
Ou plus exactement, sous quel apparence ce « toi » se manifeste ?

Après avoir pris le temps de vivre cette expérience simple, remonte ou redescends le cours du ruisseau, et reviens à ton point de départ, devant cette porte.

Il est temps maintenant de rencontrer le scribe.

Le scribe, c’est toi.  Laisse le s’exprimer directement à travers tes doigts. Prends une feuille et écris.

Parfois, le scribe attend que tu l’appelles. Alors, appelle le, et demande lui de te souffler les mots qu’il est venu t’apporter.

Voici ceux qu’il me transmet en ce moment même

« Souffle sur les braises.
Éteins la lumière.

Abime la terre.
Et pleurons nos frères.
Agite un drapeau, et souffle.
Le sang de la terre apaise le guerrier»

Tu sais parfois, ce sont des mots venus d’un autre âge. Tu les comprendras peut-être plus tard. Ou pas.

Un jour, dans mon enfance, je m’étais perdu dans la campagne, et j’ai rencontré un homme en djellaba, assis au pied d’un palmier. Il est resté silencieux, son regard plongé dans le mien. Des larmes ont coulé le long de ses joues. Ça m’a fait comme une décharge électrique dans tout mon corps. Je suis rentré chez moi, et j’ai demandé à ma tante qui était ce monsieur dans le désert.

Après la mort de ma tante, en ce début d’année, je suis retourné au village avec un de mes cousins. je suis allé voir sa tombe. Sur le chemin du retour j’ai demandé à mon cousin de me laisser seul quelques instants. J’avais besoin de marcher. Je me suis promené dans les champs, et j’ai eu envie de méditer un peu.

J’ai fermé les yeux. Et je suis parti, loin.

Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai vu un enfant en face de moi. Nous nous sommes regardés, et j’ai eu soudain le sentiment de le connaître. De le reconnaître. Mes yeux ne pouvaient pas se détacher des siens. Tout mon corps a été saisi d’une décharge électrique. Des larmes ont coulé le long de mes joues, et il est parti en courant.

Toi aussi, peut-être qu’au moment même ou tu lis ces lignes, tu es ici, et aussi ailleurs, dans un autre espace, avec un autre age.

Alors, appelle le scribe.

Et ouvre cette porte, qu’est l’écriture.

 

 

 

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2 réponses
  1. Daniel
    Daniel dit :

    Quel âge as-tu ?
    C’est curieux car les différentes parties de mon corps ne répondent pas la même chose.
    Mes muscles entraînés depuis quelques temps me répondent 15 ou bien 20 ans. Une légèreté qui fait bon vivre. Mon estomac contrarié crie à l’âge actuel. Quand je m’accroupis, j’ai l’impression d’avoir cinq ou six ans assis devant mon train électrique.

    J’ai l’impression que le temps est un habitant de la pièce voisine comme si de l’autre côté de la porte se trouver un étranger. Vais-je franchir le seuil et affronter cet inconnu. Qui d’ailleurs, n’est peut-être pas inconnu. Juste peut-être une peur qui cherche à me dire quelque chose. Un savoir, une connaissance à saisir, un peu comme dans le K, de Dino Buzzati.

    Je suis sans âge. Mais de combien d’année ? Riche en expérience de toutes sortes.
    Et toutes les parties de mon corps ne ressentent pas de la même façon. Il y a des paries de moi qui sont plus visuelles, d’autres plus à l’écoutent sans parler bien sûr de toutes ces sensations diverses et variés.

    Mon corps et une sensation dont j’essaie chaque d’écouter, de tenter de tendre à écouter du mieux que je peux. Ou pas ? Et bien sûr je peux me tromper.
    Et vous à quoi êtes-vous sensible ?

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