Quand ma sœur est venue au monde, elle a été accueillie dans la joie. Une grande joie

Enfin, pour mon père. Pas pour moi.

Moi ce jour là, je me suis fait caca dessus.

J’avais quatre ans. Et le sentiment de vivre un deuxième abandon.

Je ne l’ai pas aimée. Comment le pouvais-je ?

Elle avait droit à l’accueil qui m’avait tant manqué, moi, le premier enfant non désiré.

Je ne pouvais pas voir à l’époque sa naissance comme un cadeau, ni réaliser que ce deuxième abandon, était peut-être une deuxième naissance par procuration, et qu’elle venait peut-être réparer les souffrances que j’avais connues, compenser les manques que j’avais vécus, et m’apprendre que même en étant désiré, on pouvait souffrir.

Ma sœur, pour moi, c’était juste l’obstacle à mon besoin d’exclusivité.

 

Un jour, que j’étais aux toilettes, elle a émis l’envie pressante d’y aller,  juste parce que j’y étais. Mon père est venu tambouriner à la porte, et m’a obligé à sortir parce que ma sœur attendait.

Heureusement, il y avait ma mère pour la dénigrer parfois, avec des phrases du genre :

– Réussis tes études, ma fille, parce qu’avec ton physique, tu ne trouveras personne pour t’épouser.

J’ai attendu avec impatience le moment où enfin, chacun de nous a eu sa propre chambre. Je devais avoir 15 ans. Du parasite que je méprisais, elle est alors devenue un grain de poussière insignifiant.

Un jour, elle n’est pas rentrée à la maison . Elle avait laissé une lettre à mes parents, parlant de souffrance, de son désir de fuguer et de suicide.

Mon père est allé la récupérer.

Et pour la première fois, je l’ai regardée. J’avais affaire à un être humain, fait de la même chair et du même sang que moi. J’ai entendu sa souffrance. Et ça m’a fait bizarre.

Quelques années après, j’avais quitté la maison.

Elle m’a appelé. Elle s’était brouillée avec nos parents. Et je lui ai proposé de venir loger chez moi.

J’habitais un studio, une seule chambre, mais plus grande que celle que nous partagions autrefois.  Et pour une fois, elle y était bienvenue.

Nous avons beaucoup parlé d’elle, de moi, de nous, de nos souffrances respectives. Nous avons réalisé que nous avions vécu les mêmes peurs, et les mêmes manques, sans jamais oser les exprimer

Derrière sa jalousie vis a vis de mon indépendance de caractère, il y avait de l’admiration.

Et derrière mon arrogant mépris vis à vis d’elle, un grand besoin d’amour et d’affection

Les maladresses de nos parents nous avaient dressées l’un contre l’autre.

Nous avons commencé à rompre le pacte du silence, et des non-dits, et réussir là ou nos parents avaient échoués

Aujourd’hui, dans les moments difficiles, je l’appelle. Elle me soutient, et m’encourage. Et notre relation est devenue solide, malgré nos différences, nos traits de caractère et la distance qui nous sépare.

Je m’en veux encore de n’avoir pas su être un grand frère pour elle, et e ne pas avoir su l’encourager, la soutenir, et la consoler dans ses moments de peine. Je lui en ai fait part récemment, et j’ai voulu m’excuser pour cela

Elle a souri et  m’a répondu que pour elle, c’était ok : elle savait que j’étais là.

Mais, il me manquait encore quelque chose dans cette relation.

 

– Tu vois, aujourd’hui, quand je t’appelle parce que j’ai besoin de ton aide, je sais que je trouverais toujours une oreille attentive. Mais pour me sentir ton grand-frère, j’aimerais que ce soit réciproque, et sentir que tu puisses aussi m’appeler, quand ça va pas, chez toi

Elle m’a répondu aussitôt :

– Oui, oui, mais chez moi, tout va bien en ce moment.

J’ai cru voir mon père, et sa pudique fierté.

– Petite sœur, pas à moi, s’il te plait. Tu parles quand même à un thérapeute…

Elle a rigolé.

– J’ai beaucoup de mal à demander de l’aide, tu sais j’ai appris a me débrouiller toute seule.

– Et bien, petite sœur, tu es libre. Mais sache que je suis ton grand frère, et que je veux être là pour toi. Comme le grand frère que j’aurais rêvé avoir.

 

C’était le vœu le plus cher de nos parents, de sentir, qu’après leur mort, nous pourrions compter l’un sur l’autre.

En cela, Dieu merci, ils ont réussi.

Enfin, je devrais dire, nous avons réussi.

Et il était temps que je te l’exprime.

 

 

 

 

 

 





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