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Chaque semaine,  je donne la parole à des collègues, amis, hommes et femmes qui se racontent courageusement dans leur rapport à l’intime, au désir, à la sexualité, au regard de l’autre, à la honte, à la culpabilité. Qu’est ce qui les a fait évoluer, ce qu’il/elles ont réussi à dépasser, ou  avec quoi chacun bataille encore sur ce sujet qui nous appartient tous. Voici le témoignage d’Ulysse, 55 ans.

Pour moi l’amour est à la fois un mystère et un Graal, au sens de la coupe féminine originelle : désirable et inatteignable. Mais c’est aussi ma raison de vivre et d’être au monde.
Je le perçois comme un état passager : il y a des moments d’amour, et d’autres sans.
D’où ma quête. Et ma souffrance, inséparables.

L’Amour est un état énergétique, divin, à la fois impermanent et éternel, que je sens, que je laisse passer en moi, et qui contribue à ma réalisation humaine : être éveillé à l’amour, c’est être au-delà des croyances et de l’égo. Même si cela aussi est une croyance… évidemment.

Je suis un homme hétéro, je n’aime pas trop les classifications, je sais surtout que j’aime la présence des femmes, leur insondable immensité, leur fascinante et effrayante beauté.
Je me suis souviens questionné sur leur manière d’être en rapport au monde. J’aime aimer et être aimé, comme beaucoup, mais par elles surtout.

Et puis, elles m’ont fait peur aussi. Nombre de fois, j’ai eu peur. Peur de leur amour bien plus encore que de leur absence d’amour.

 

Quand j’étais adolescent, je faisais des rêves de castration : des flashs où mon prépuce était sectionné d’un seul coup, j’en étais tétanisé. Je me demandais d’où venaient ces images si étranges, qui ont peut-être séparé les femmes des hommes, créant ainsi leur revanche sourde : elles ont fait de nous des êtres incapables d’enfantement. De simples géniteurs mortels et puérils.

A 7 ans, je désirais autant les approcher que je redoutais ce moment qui me rendait si vulnérable. Je rougissais instantanément, comme un plaisir tellement déstabilisant. J’apprenais à oser.

A 14 ans, j’ai eu peur de ne pas savoir bien embrasser ma copine Annabelle. Je me comparais, mes attentes étaient déjà conditionnées par ce putain de besoin d’être à la hauteur. Mais de quoi ? De qui ?

Et puis, je me suis vite demandé : c’est quoi être un homme ?

A 16 ans, j’avais peur de ne pas être un homme bandant, adulé, performant. Peur de dire tout ce que je ne connaissais pas des mystères du sexe et des filles.

Plus tard, j’avais peur de ne pas être assez doux, ou de l’être trop. Pas assez homme, viril quoi… quelle drôle d’idée.

Qu’est-ce que tu fous là papa ?

Mon Papa, faux macho avec beaucoup d’humour, et ses élans de mains aux fesses à ma mère en public. Et ma mère qui ne se plaignait pas, on aurait dit que cela lui plaisait aussi.  Elle rougissait en disant « Rhhôô arrête », mais elle souriait. Je regardais cela d’un œil critique avec beaucoup d’empathie pour elle. Je n’avais alors aucune idée du mot consentement.

Un jour vers 20 ans, j’ai passé une soirée avec une copine exaltante, mais tellement entreprenante… je n’étais pas prêt, ni émotionnellement, ni « amoureusement », ni physiquement. Elle m’a littéralement sauté dessus, son parfum était trop fort, son rouge à lèvres trop rouge et collant, son désir gênant, ses mots provocants… j’ai cru qu’elle allait me baiser bien au-delà de mes accords intérieurs… J’ai flippé et je suis parti.

Ça ressemblait à un début de viol, je ne l’ai réalisé que bien plus tard.

J’ai même connu une fille qui m’a harcelé chez moi, avec beaucoup de violence. Simplement parce que je ne l’aimais pas autant qu’elle, disait-elle.  Elle me voulait. La leçon a été longue a digérer… qui suis-je en tant qu’homme dans un moment pareil ? Comment me positionner sans trahir mes valeurs ? Comment accepter d’être rejeté ?

Plus tard encore… découvrir le sexe dans d’autres contextes culturels, où la femme aime être dominée ou même se faire payer, alors que je n’ai jamais toléré la soumission ni la prostitution… jusqu’où accepter… et au nom de quoi, de qui ?

Me laisser approcher par des hommes désirants, alors que je ne savais pas quoi faire avec l’homosexualité… savoir leur dire non parce que je ne les désirais pas, mais qu’ils me permettaient de me poser ce genre de questions… quelle est mon orientation sexuelle réelle ? D’où vient-elle et comment a-t-elle été conditionnée ?

Rencontrer le bondage, et briser mes a prioris sur le sado-masochisme, me rendre compte qu’un fantasme peut être respecté tant qu’il est éthique et dans le consentement pour chacun, sans danger, juste pour stimuler le désir et découvrir son corps autrement. Ses limites, les frontières du plaisir.

Que sais-je de mon désir, de ce qui m’excite ?

Qu’est-ce qui est normal ou pas ?

Alors j’apprends. Je dénoue les cordes de mes croyances.

Plus tard encore… accepter l’abstinence parfois, par respect pour ma partenaire qui peut parfois souffrir physiologiquement, et toutes les valeurs et pulsions qui sont mises à nu… Encore une fois, j’ai appris par le questionnement né de mes émotions. Déstabilisantes.

Me réconcilier avec le porno, apprendre à faire des choix de visionnage en fonction de mes besoins, sans en avoir honte, pouvoir en parler, même à ma partenaire ou à mes amis. Dédramatiser.

Et puis même… penser à ce que sera ma sexualité de vieux, celle que j’aurai à 80 ans ou plus, pour être encore plus libre, et ne rien regretter !

Avec la maturité, la parentalité, mes expériences solo qui se sont adoucies, celles de la fidélité, et les expériences extra-conjugales, j’ai moins peur de l’amour ou des femmes.

Peut-être parce que je crois mieux connaître mon corps, ce que je désire profondément, selon les moments. Je connais mieux mes besoins, ma place, et que l’homme que je deviens sait s’asseoir en lui, un peu, pour ne pas faire déborder cet amour, ni le réclamer à corps et à cris. J’accepte de mieux en mieux mon humanité, mon animalité, mes fantasmes et ma masculinité, j’ai moins peur d’aimer.

Et je rencontre de nouvelles peurs aussi : celles d’être indésirable, ou pire, de finir seul.

Avec un peu plus d’amour pour moi-même. Et ça fait du bien, vraiment.

Ulysse.

 



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1 réponse
  1. Nouria
    Nouria dit :

    Merci à Ulysse pour son témoignage.
    Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage…vers lui et une plus grande conscience de ce qui se joue en lui … 😉

    Répondre

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