Prends une liste de 8 à 10 mots.
Donne toi une limite de temps de 10 minutes.
Et invente une histoire. 

Voici la liste de mots du jour, si t’as envie de tester, avant de lire mon histoire.

épave – géranium – clepsydre
Titi – bocage – New York – le boxeur 
un secret à placer dans l’histoire : elle aime les femmes
la chanson du train.

 

L’ENTERREMENT DU VIEUX

 

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Version texte

Mon père a été enterré hier. Avec ma sœur, nous avons pris une décision compliquée : celle de le rapatrier à Saint-loup sur celles, son village natal.

Le cimetière est petit. Et il n’y a pas grand monde de la famille enterré là-bas. Mais l’appel du bocage s’est fait ressentir. L’envie de ramener ce corps à la terre qui l’a vue naitre. Même s’il ne restait rien dans son corps de cette terre originelle. Retour au bercail

Ce n’est pas pour lui, qu’on la fait, je crois. Mais pour nous. Pour nous en détacher. Papa nous faisait peur. Même vieux. C’était un boxeur dans l’âme. Le combat était sa marque. Même lorsque maman l’a quitté, il est resté solide comme un roc.

Jamais, il ne devint une épave, titubant, malgré les galons de vins qu’il ingurgitant, il tenait.

 

Maman n’est pas venue à l’enterrement. Elle l’avait assez vu. Et je ne lui en ai pas voulu. Je crois que papa a toujours su que maman préférait les femmes. Et lui non plus, ne lui en a jamais voulu.

Quand elle est partie, après la fin nos études, on a cru que tout allait bien pour Papa. Il continuait à chanter, faire la fête, à tintinnabuler dans la maison. Des trains entiers d’amis débarquaient.

Mais quelque chose lui manquait.

On ne s’en est pas rendus compte tout de suite, c’est plus tard qu’on la vu. Quand les amis de Papa ont commencé à mourir, et que Papa continuait à sourire, et redoubler de joie, en allant se réfugier dans d’autres plaisirs.

Je crois que Maman en partant, lui avait kidnappé sa tristesse. En tout cas, devant nous, il n’a jamais voulu la montrer.

Comme si derrière sa joie apparente, il y avait un interdit : celui de souffrir.

C’est ça, qui, je crois, nous faisait le plus peur.

La seule fois où je l’ai vu affecté et maussade, c’était il y a 10 jours . Ses géraniums étaient morts. Et il ne comprenait pas. Il nous a soûlé pendant 3 jours avec ses géraniums. C’était pas logique qu’ils meurent.

Pour la première fois, j’ai senti qu’il pouvait être perdu.

J’avais une conférence à New York, et j’ai du partir.
Comme souvent, j’avais ma clepsydre mentale. Une bouteille d’eau, que je devais vider avant la fin de la conférence. Je m’obligeais toujours à boire un litre d’eau. Et tant que je ne l’avais pas fini, je devais continuer ma conférence.

Ce jour la, j’avais pas soif. Alors, j’ai brodé. Et pendant que je parlais, je me suis souvenu qu’un jour, notre mère  avait offert des géraniums à mon père. Lui à l’époque, n’aimait pas ça. C’est ma mère qui lui avait appris à les planter.

J’ai tout de suite voulu appeler ma sœur à la fin de la conférence.  C’était trop tard. Papa était mort. Sans souffrir. Comme d’hab, quoi.

J’aurais tellement aimé le voir pleurer, rien une fois. Mais non.

Alors, on l’a renvoyé à sa terre natale, en France. Une terre ou la pluie, je l’espère, mouillera sa peau, et adoucira sa chair.

J’ai pas pleuré non plus ce jour là.

J’ai peur de devenir comme Papa.

 

 



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1 réponse
  1. Mélanie
    Mélanie dit :

    L’épave reposait sur le flanc, au milieu du pont, une clepsydre fêlée dont l’axe restait ancré à la cabine finissait de déverser son contenu sur le bitume. A sa gauche et sa droite, comme dans un ballet finement réglé, les voitures poursuivaient leur route en s’écartant de leurs voies. Le concert de klaxons ne faisait que s’amplifier tandis qu’au volant du taxi jaune un trentenaire surnommé « le boxeur » conservait son calme en mâchonnant régulièrement un cure-dent. Depuis l’arrière du véhicule, elle voyait les maxillaires rouler sous les joues grêlées, au point de ne plus pouvoir détacher son regard des mandibules puissantes.
    En passant près de l’antique grémant échoué au milieu de l’avenue New-Yorkaise, elle serra plus fort le pot de géranium en émail rouge vif, l’odeur, typique, lui montait au nez. Au bout du mât qui se déployait comme une canne de pêcheur au-dessus du flot de véhicules, elle crut apercevoir la femme, cette femme du bocage normand… une de celles qu’elle aurait pu aimer si.. mais personne ne devait deviner, elle détourna le regard, lançant au passage un coup d’œil au molosse. Elle continuait de plaquer le géranium sur sa poitrine et à lui murmurer : « Ça y est mon titi, on est presque arrivé. » Et elle parlait si bas que le chauffeur voyait à peine dans son rétroviseur les lèvres remuer. À la radio il y avait cette chanson qui passait, oui, vous savez cette chanson du train, qui imite ce bruit de roulement sur les traverses.

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