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Dans cette rubrique de mon blog, je donne la parole à des collègues, amis, hommes et femmes courageu(x)ses qui se racontent dans leur rapport à l’intime, au désir, à la sexualité, au regard de l’autre, à la honte, la culpabilité. Où ils/elles en sont aujourd’hui, et comment ils/elles ont évolué, ce qu’il/elles ont réussi à dépasser, ou avec quoi chacun bataille encore sur ce sujet qui nous appartient tous.
Voici donc le témoignage de Nouria.
Quand Namir m’a proposé d’écrire un texte pour son blog, j’ai d’abord été très honorée par la proposition, puis toute excitée et stimulée par le challenge :
L’idée, c’est de parler de sexualité, d’intimité de comment tout ça se vit, ou ne se vit pas, de comment ça me confronte ou au contraire me transporte.
Livrer des choses dont ce n’est pas forcément facile de parler en espérant que ça puisse donner l’élan à d’autres d’en faire autant .
Et puis après, j’ai été morte de trouille.
Plus j’y pensais, moins j’étais inspirée.
Alors j’ai lâché et je me suis dit que j’allais dire à Namir que finalement je ne le sentais pas.
Finalement, ça m’a réveillée en pleine nuit et je me suis questionnée:
Nouria, pourquoi tu ne parles tout simplement pas de ce qui a été très difficile, même si c’est moche et que tu en as honte ? Pourquoi ne pas parler de ce chemin de résilience?
Je me suis levée, j’ai pris du papier et un stylo et j’ai tout posé d’un seul jet.
Je suis une femme.
Et je suis une femme sensuelle et désirante.
Aujourd’hui je peux le dire même si pendant très longtemps ça n’a pas été le cas. J’ai vécu de longues années un couple complètement dysfonctionnel dans lequel le souci majeur était le sexe.
J’ai vécu presque 15 ans un couple qui n’était pas foutu de faire l’amour dans la joie et qui a transformé le sexe en arme de destruction massive. 15 ans avec la sensation d’être sexuellement inadaptée, handicapée, complètement incompétente, anormale…
15 ans à m’entendre dire que si dans ce putain de couple on prenait pas son pied, c’est parce que JE n’étais pas capable de faire l’amour, parce que JE n’avais pas de désir.
Et ce qui est terrible c’est que j’y ai cru.
J’ai commencé ma vie sexuelle enfant avec un monsieur très mal intentionné et ce de manière répétée, et forcément, ça laisse des traces…
Ce compagnon a été le premier homme à qui j’en ai parlé. Justement pour pouvoir lui donner des clés.
Lui disait bien sûr que de son côté tout allait bien, qu’il avait une sexualité tout à fait épanouie. Et mon trauma, ben ça l’emmerdait. La double peine en quelque sorte. L’horreur de ce qu’à vécu l’enfant , et la punition derrière. Comme si c’était déjà pas assez compliqué de se dépatouiller avec ce truc.
J’ai donc vécu 15 ans de culpabilité, de tristesse, de sensation d’être une mauvaise compagne et une amante nullissime. J’ai subi (et je prends aussi toute ma responsabilité) le harcèlement, les supplications, le chantage, et même une forme de viol conjugal. Le sexe était devenu une monnaie d’échange pour avoir un peu de tendresse ou de considération … plus il y avait de commerce, plus je me sentais violée.
Et plus je ressentais ces sentiments affreux, moins j’avais envie de faire l’amour…
Enfin, avec lui.
Parce qu’en vrai, en secret je crevais d’envie de faire l’amour.
Mon corps était malheureux, autant que ce que j’étais malheureuse. Alors je m’imaginais d’autres hommes et je faisais l’amour dans mes pensées, seule, parce que je ne me suis jamais autorisée de relations extra conjugales. Je suis bien trop loyale.
Et dans la tête, c’était le chaos: pourquoi je fantasmais sur d’autres hommes et n’étais pas foutu de donner au mien ce qu’il attendait?
Et comment cet homme pourtant si doux et si tendre au départ avait-il pu se transformer de la sorte et n’être plus capable de la moindre empathie à mon égard?
Qu’est ce que je pouvais faire pour qu’il aille mieux?
Comment aller vers lui sans me faire violence?
Je passais mon temps en thérapie en pensant que je devais probablement être une perverse narcissique.
Bref, heureusement je suis partie. Mais 15 ans… c’est long…
Je me sentais brisée. Je pensais être incapable de faire l’amour pour le reste de ma vie. J’avais complètement intégré le fait de ne pas être capable comme une vérité absolue.
Puis, peu de temps après la séparation, j’ai rencontré un homme. Ce genre de mec hyper viril, très ancré dans sa masculinité. J’ai toujours pensé avoir un peu peur de ce type d’homme , c’est pas ce qui me faisait le plus fantasmer. Mais ça c’était avant . Parce que lui…
Je remercie encore la vie de l’avoir mis sur mon chemin. En un regard, je me suis sentie tellement belle et désirée, j’ai adoré ça. Je lui ai dit que j’avais très peur, que j’étais terrorisée même, et j’ai été entendue, pour de vrai. Et en pas plus de temps qu’il n’en faut pour se jeter l’un sur l’autre, je me suis sentie pleine de désir, ouverte, réceptive, jouissante, vivante!
Il ne s’est pas servi de ma vulnérabilité pour me dévaloriser mais au contraire pour me sublimer. Avec lui je me suis autorisé tout ce que j’avais refoulé pendant bien trop longtemps.
Pouvoir sentir ça enfin, après toutes ces années de souffrances, ça a été tellement réparateur. Ça m’a fait du bien à tellement d’endroit du corps, du cœur, de la tête…
On a passé trois jours ensemble et chacun a repris sa route.
Je suis repartie vraiment chamboulée, mesurant à quel point selon ce que l’autre décide de faire de la vulnérabilité qui lui est offerte, on peut vivre des choses diamétralement opposées.
Depuis, même si je sais que je suis toujours en chemin avec ma sexualité et que de toute façon c’est probablement le chemin de toute une vie, au moins je sais que je suis capable de la vivre et d’aimer ça.
Je me sens désirante, vraiment désirante.
Et j’aime me sentir désirée.
J’ai moins honte de ma vulnérabilité. C’est pas parce qu’on a été victime de violences sexuelles et de viols répétés qu’on ne peut pas aimer le sexe.
Je ne m’autorise pas encore tout à fait à l’exprimer complètement, mais par contre, je sais que je ne laisserai plus jamais personne me faire croire que je ne suis pas adaptée, handicapée du sexe, pas normale, ni qui que ce soit essayer de faire de moi quelqu’un que je ne suis pas.
Je ne veux plus avoir à brimer le désir qui m’anime parce qu’en brimant cette énergie de vie je me fane, je ne sais plus qui je suis ni ce que je veux, et je perds le goût à tout.
Depuis un certain temps, je suis seule parce que j’ai eu besoin de temps de moi à moi pour me reconstruire avant de me rebalancer dans une vraie relation et que les aventures que j’ai eu depuis ma rupture n’ont pas été fructueuses.
Mais je suis heureuse aujourd’hui d’être connectée à mon désir et à ma sensualité, même si je n’ose pas encore toujours le laisser transparaître.
La sexualité, si elle peut être source de beaucoup de souffrance a aussi quelque chose de sacré, qui peut nous faire grandir et nous hisser vers le haut quand elle est bien vécue, j’en ai l’intime conviction.
Tout comme je suis convaincue qu’elle peut nous permettre de donner le meilleur de soi et de permettre à l’autre de faire jaillir ce qu’il y a de meilleur en lui.
Et toi, comment vis tu ton rapport à l’intimité, au couple, au désir, et à la sexualité ?
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