Version audio

 

Version texte

– Il ne reviendra plus

J’étais dans l’appartement de mon père depuis une semaine. Ça fait bientôt un an, qu’il l’a quitté pour une maison de retraite. Alors que je rangeais et nettoyais la salle de bain, jetant quelques bacs de gel douche, des rasoirs et autres crèmes apaisantes, une pensée à fait irruption, comme un pop-up :

Il ne reviendra plus. Papa ne reviendra plus jamais dans cette maison.

Et une tristesse profonde m’a saisie. J’ai senti un vide dans mon sternum. Et toute mon énergie a chuté.

Je le connais bien, ce mélange de nostalgie, de manque, et du sentiment d’être incomplet.

 

Quelques jours plus tôt, mon pote Nader était venu dormir dans l’appartement familial.  La chambre où je voulais l’installer, ressemblait à un entrepôt.

Il faut dire que ma mère avait deux spécialités :

La première, c’était faire les soldes chez Tati, et de ramener  tout ce qu’elle trouvait à -80%, pour le stocker dans la maison. Certains de ses achats sont encore dans leur emballage.

Et l‘autre, c’était de rien jeter. Même l’énorme magnétoscope VHS  Mitsubishi 1987 hors d’usage, et nos jouets d’enfants rouillés.

Ma mère gardait tout. 

Pour faire de la place dans la chambre pour Nader,  j’ai commencé à trier dans les bibelots

– Ce cendrier malgache, tu penses que je le garde ?

– Tu le trouves beau ?

– J’en sais rien. Il me rappelle ma mère. Mais j’arrive pas à la « voir » en soi.

– Si c’est un objet que tu prends plaisir à regarder, et que t’aurais envie de le mettre chez toi, garde-le. Sinon, balance.

– Nader, cette nuit, ma mère va se venger de toi. Son fantôme va venir dans ton sommeil et te défoncer la gueule !

On a rigolé.

Trois jours plus tard, dans la salle de bain, l’émotion a fait irruption, d’un coup .

– Il ne reviendra plus

J’ai eu envie de pleurer mon père, ma mère, les miens, les souvenirs envolés, la maison.

Et le passé.

Et soudain je me suis demandé : est ce que je tiens à cette pensée ? 

Puisque c’est cette phrase qui génère toute ma tristesse, ai-je un quelconque intérêt à penser  » mon père ne reviendra plus » ?

Je pourrais penser :

– Hey, chouette, on peut réaménager l’appartement, faire une super déco, et lui donner une nouvelle vie ? »

Mais non,

Je ressentais comme l’envie de plonger dans cette pensée, une besoin profond d’être aimanté par cette tristesse, et me réfugier dans le manque.

Une part de moi voulait s’y accrocher.

Je suis allé écouter cette part.

Un fond de plainte sourde, des larmes anciennes que je n’avais pas pleurées. Celles d’un enfant en manque, inconsolable, qui cherche du réconfort.

Et ne sachant où le trouver, il va se blottir dans les bras de la tristesse

Ce manque était devenu mon refuge, ma zone de réconfort.

C’est étrange à dire, mais j’ai réalisé que j’avais besoin de ce manque.

– Qui serais tu sans ce manque, Namir ?

– Un adulte. Quelqu’un qui agit, qui passe à l’action, qui pourrait donner ces bibelots à Emmaüs, et  faire une déco plus  sympa dans l’appartement familial.
Je serai un homme qui avance.

Sauf que pour l’instant, je me sentais très enfant.

Un enfant de 7 ans dans un corps de 48 ans.

– Hey petit, de quoi tu manques ?

– Les miens me manquent. Je les ai perdus.

– Tu sais quoi ? Avec mes outils créatifs, je te propose d’aller les rencontrer un par un.  Retrouver tous les tiens, et échanger avec eux, même s’ils sont deux cent.
Tu pourras leur rendre ce qui leur appartient, et récupérer ce qui est à toi. Pour qu’à la place de ce manque  d’eux, que tu ressens, tu puisses mettre autre chose qui te complète. Ça te va ?

– Je comprends pas

– Tu peux apprendre à remplacer ce sentiment de manque par une autre forme de sécurité. Il n’y a aucune raison que ce manque reste à de vitam eternam.

– Et abandonner mon manque ?

– Si tu es d’accord pour dire au revoir à ce sentiment.

– Définitivement ?

– Oui. Laisser partir cette tristesse, et ces lamentations sur ton passé. Je sais c’est pas facile parce que c’est un choix de vie. C’est un nouveau regard sur le monde. Dire adieu a la tristesse et la plainte. Tu serais ok ?

– Non pas encore laisse-moi un peu de temps.

Ce que j’ai fait ce jour là, a été de mettre en application un apprentissage puissant inspiré des travaux de Byron Katie, que j’essaye d’appliquer, autour de la notion de responsabilité.

Quand une pensée arrive, qui te fait souffrir, tu as le choix.

Tu peux la laisser t’hypnotiser.

Ou la laisser passer.

Tu peux lui dire:

Non, je ne joue pas avec toi.
Même si tu es un refuge confortable.

Ou te demander qui tu serais sans cette pensée.
Que que soit le choix que tu fais, il ne sera ni bon ni mauvais. Puisque tu ne deviens plus victime de cette pensée, mais tu prends la pleine responsabilité.

C’est comme ça, je crois,  que tu peux récupérer ton énergie.
Mais il faut déjà en avoir envie.

 

 

 

 

 

 



Prénom

Learn more about Mailchimp’s privacy practices here.


N’hésite pas à me faire part de tes réactions : tes commentaires m’aident à faire vivre ce blog. Parfois même, de nos échanges pourra naître un article.

Et soutiens moi en partageant l’article que tu as préféré dans tes réseaux.

3 réponses
  1. Isabelle
    Isabelle dit :

    J’ai mis plus de 3 ans à m’autoriser à changer les meubles de place, à enlever certaines peintures faites par mon père que je trouvais tristes et morbides. S’il les avait placées ici au mur, c’est qu’il les aimait, non ? C’était tellement difficile de m’avouer que, moi, je ne les aimais pas, que ce n’était pas ma sensibilité, que je respectais son travail, ses apprentissages, sa fierté de découvrir ce mode d’expression. Mais mon Dieu, que c’était difficile de les décrocher ! Je confondais « je t’aime Papa » avec « Je n’aime pas tout ce que tu as produit ».
    Cela fait 15 ans maintenant, et mon fils qui vient d’emménager pour quelques mois dans la maison a demandé : « Je peux enlever ses peintures, maman ? Certaines me dépriment. »
    Mon Dieu, quel soulagement !
    Et c’est la 3ème génération qui m’autorise à ressentir. A ne pas confondre le lien d’amour et la loyauté.
    J’ai le droit de prendre possession de la maison. Enfin !

    Répondre

Trackbacks (rétroliens) & Pingbacks

  1. […] en lisant ton article ce matin, je me demande quel rôle jouent ces objets ayant appartenu à nos parents.. Sont-ils […]

Répondre

Se joindre à la discussion ?
Vous êtes libre de contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *