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Comme tous les parents inquiets des difficultés de nos enfants à s’intégrer à l’école, nous sommes allés consulter des spécialistes, qui de fil en aiguille nous ont conseillés de leur faire passer des tests.
Et le diagnostic est tombé.
TDAH.
Le problème avec les spécialistes c’est que leurs solutions d’aujourd’hui deviennent souvent les erreurs de demain. C’est le piège de la blouse blanche, dont je parlerais probablement dans un prochain articles
Comme ces pédiatres qui dans les années 70 préconisaient aux parents de ne pas céder quand leurs nourrissons hurlaient de faim car il fallait les habituer à manger à heure fixe.
Grâce à leurs conseils éclairés j’avais fini à 1 mois, aux urgences avec une hernie.
Désormais, nous avions une étiquette pour qualifier les troubles de l’attention et l hyperactivité de notre fils.
Devions nous en tenir compte, et suivre les préconisations des spécialistes, avec le risque de l’enfermer dans une case qui risquait d’accroitre son sentiment d’être différent, et de l exclure davantage ?
Ou ne pas nous en soucier, et de peut-être limiter l’acquisition d un meilleur épanouissement, et d’une plus grande estime et de confiance en lui ?
Difficile équilibre.
Dans le doute, on a commencé à suivre un programme d’accompagnement pour les enfants TDAH.
Dès que l’instructeur s’est mis à parler, son débit lent, son sourire dégoulinant d’empathie, ont commencé à me souler. Ne trouvant pas de fonction lecture accélérée sur les conférences en direct, je me suis mis à taper du pied. Et je n’avais pas encore assisté à la litanie des plaintes des autres parents.
– Bah, oui, c’est pas de sa faute s’il comprend pas. C’est parce qu’il est…
– Con ?
– Non, enfin, comment osez vous. C’est un zèbre !
J’ai réalisé que je vivais dans une jungle, entouré de colibris à haut potentiel intellectuel, de girafes hypersensibles, de perroquets dyscalculiques, et de toutes sortes d’oiseaux non binaires avec troubles d’opposition.
Tous victimes d’un terrible mammouth non dégraissé, appelé système scolaire, incapable de s’adapter à leurs besoins, d’accepter leurs différences et de prendre en compte leur spécificités.
Devant tant de bienveillance, mon connard intérieur s’est réveillé.
Au diable cet effet de mode élitiste qu’étaient devenus le diagnostics. Forcement, à 600 euros le test, et sans prise en charge, ce genre de suivi restait réservé à une certaine classe privilégiée, qui sans doute opterait par la suite pour le placement de leurs enfants dans des écoles privées, privilégiant le système du sur-mesure, de l’individualisme à outrance, au détriment de la conscience et de l’intérêt collectif.
Il y a toujours eu des permiers et des derniers, des bagarreurs et des mous du genoux, des rebelles et des rêveurs. C’était normal. Et ces mêmes enfants présentés comme atypiques aujourd’hui seraient passés parfaitement inaperçus il y a une vingtaine d’années.
Le formateur nous a expliqué que les troubles TDAH correspondaient à une déficience neurologique de l’aire préfrontale qui n’arrive pas à filtrer correctement, les distractions et comportements inappropriés, à la base de l’auto-contrôle.
Forcément avec une explication neuro-scientifique, ca passe mieux.
Contrairement à ce que je croyais, il n’y avait pas forcément une augmentation du nombre d’enfants TDAH aujourd’hui. Juste de meilleurs outils pour les identifier.
Il a ajouté que les personnes avec un TDAH, ne comprenant pas pourquoi elles sont différentes avaient une mauvaise estime d’elles-mêmes. Et qu’un moyen pour palier aux carences neurologiques de ces enfants, consistait à les féliciter, les encourager, et les valoriser chaque fois qu’ils réussissaient à faire quelque chose en apparence simple comme faire leurs lacets tout seul, ou mettre leurs assiettes dans l’évier.
J’ai commencé à écouter attentivement les caractéristiques du TDAH.
Problèmes d’attention, difficulté à se concentrer, à rester en place, distraction, problèmes a faire une tache jusqu’au bout comme regarder un film, maladresse, dispersion quand ils vont chercher un objet et qu’ils oublient en chemin pourquoi ils y sont allés, difficultés d’orientation dans l’espace, de lecture des plans, tendance à perdre les objets, colères excessives et impatience, dénigrement, violence, impulsivité et éventuelle opposition à l’autorité.
J’ai senti les larmes monter quand j’ai compris que je cochais toutes les cases.
Tous ces défauts avec lesquels je me débattais depuis des années, dont j’avais honte et que je faisais tout pour masquer. Ce sentiment d’être nul et incompétent parce que je me comparais souvent à des groupes pour qui ce qui était difficile pour moi, leur était fluide et naturel
Je découvrais à 48 ans que j’avais des troubles de l’attention depuis tout petit.
Les étiquettes peuvent parfois enfermer, c’est vrai. Et devenir des freins à ton évolution.
Mais si tu demandes à un enfant de ne traverser qu’au feu vert et qu’il traverse au feu rouge, tu vas peut-être penser qu’il est con.
Et lui aussi va finir par le croire.
Alors que c’est peut-être juste un daltonien qui s’ignore.
Quel soulagement de pouvoir mettre des mots sur des souffrances que tu vis sans jamais avoir réussi ni à les nommer, ni à les comprendre. Quand enfin tu commences à te comprendre, à te reconnaître, et à t’accepter, et qu’au lieu de te flageller pour tes échecs, tu apprends à valoriser tes réussites.
Quelles que soient tes attentes et tes ambitions, ce qui donne de la valeur à ta réussite, n’est pas le résultat que tu atteins, ni la comparaison avec les autres, mais la conscience de savoir depuis où tu pars.
Dans le marathon de la vie, on n’a pas tous la même ligne de départ.
Apprendre à me connaître, m’a aidé à devenir moins dur et moins impatient avec moi-même. Et cette tolérance nouvellement acquise s’est répercutée dans ma relation aux autres.
Alors, il y a un vrai risque à faire diagnostiquer tes enfants.
Celui de découvrir que t’as des déficiences, que c’est pas de ta faute, que tu fais du mieux que tu peux, et que t’as bien le droit de te féliciter pour tout ce que t’as déjà réussi à faire et surmonter jusque là.
Si tu souhaites en savoir plus sur le TDAH, je te conseille cette BD, qui existe aussi en format blog
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