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Au pays de l’empereur Tomato-Ketchup
Les enfants sont rois, et ils font la loi
Tournicoti tournicoton
C’est l’année zero de la rébellion
L’heure de la révolte a enfin sonné
L’état de l’enfant roi est partout proclamé !
Les Béruriers Noirs
» Demain, c’est le mot imposé.
Je n’aime pas qu’on m’impose les choses.
Je déteste même.
Mais bon, avec papa, je n’ai presque jamais mon mot à dire.
J’ai l’impression qu’il se prend pour le chef de la famille
Et quand il fait ça, j’ai envie de lui dire, de lui crier
– Mais Hé Ho ! Réveille-toi. On n’est plus en 1800.
C’est pas que les hommes qui décident.
Les femmes aussi sont là. Elles existent, et ont des choses à dire.
Bon, le chrono sonne. Je dois arrêter d’écrire. »
(Mathilde –13 ans)
« Je me sens énervé parce que papa me force à travailler la guitare, et du coup, je ne prends aucun plaisir à le faire.
Je suis d’accord avec Mathilde, je trouve qu’il fait trop souvent son chef. »
(Joachim – 11 ans)
Voilà ce que c’est que de proposer des cercles d’écriture à ses enfants.
Avant la séparation, notre couple était souvent en désaccord sur l’éducation des enfants. Désormais, chacun applique ses règles. Et je réalise que les miennes ressemblent à une liste de devoirs et d’interdits.
Limitation du temps d’écran, obligation de se débrouiller seuls pour les devoirs, d’avoir au minimum la moyenne en classe, de faire leurs activités périscolaires même quand ils n’en ont pas envie, de mettre et débarrasser la table, de ranger leur chambre une fois par semaine, de se coucher avant 21 heures, avec plus ou moins de souplesse en fonction de mon état, ce qui donne un sentiment d’arbitraire,
Il y a aussi des temps de jeux, de dialogue, de partage et d’écoute. Mais je reste décisionnaire, ce qui génère un sentiment d’injustice et de révolte chez mes enfants.
Et je me questionne.
Est-ce que une famille est une démocratie ? Est-ce qu’elle devrait l’être ?
Une chose est sure : mes enfants réclament davantage de liberté, et d’autonomie, et se sentent lésés.
Et moi ?
Quel père j’ai envie d’être ?
Suis-je un Louis XVI, monarque de droit divin, face aux doléances du Tiers Etat, ou un Macron, élu au suffrage universel face à la contestation de la réforme des retraites ?
Comment faire la part des choses entre les décisions qui relèvent de ma responsabilité de père, et favorisent le développement de mes enfants, et celles où j’impose mon autorité pour mes intérêts personnels, pour défendre mon égo, ou avoir ma tranquillité ?
La frontière est floue, surtout quand tu as toi-même eu des relations compliquées avec tes parents. Être parent c’est pas simple. On est d’abord d’anciens enfants, avec nos conditionnements. Et il est difficile de se défaire. Sauf que désormais, tu es celui qui a le dernier mot.
Difficile de limiter le temps d’écran des enfants en leur expliquant que regarder trop Netflix, YouTube, Tiktok et Instagram c’est pas terrible, alors que tu le fais aussi.
Difficile aussi de partager des chefs-d’œuvres du cinéma muet avec tes enfants, quand tu refuses catégoriquement de regarder avec eux les séries qu’ils veulent me montrer ?
Il n’existe pas de guide du bon père, ni de manuel de conduite pour bien élever les enfants.
Certaines méthodes de parentalité positive qui mettent le bien-être de l’enfant en avant affirment avec tellement d’assertivité ce qui est bon ou mauvais, qu’elles génèrent plus de mal-être et de la culpabilité chez des parents qu’autre chose. Et je vois pas trop comment un enfant peut-être bien dans un environnement où ses parents ne le sont pas.
De toute façon, on n’empêchera pas nos enfants plus tard de nous reprocher d’avoir été trop laxistes, ou trop sévères, et de commencer des thérapies pour se défaire de la manière dont nous les aurons hypnotisés.
Deux questions qui m’aident dans ma nouvelle vie de père célibataire :
Quelle relation j’ai envie d’avoir avec mes enfants ?
Quelle relation je n’ai absolument pas envie d’avoir ?
Et cela m’amène à me demander :
Qu’est ce que je suis prêt à faire pour cela ?
A quoi je suis prêt à renoncer ?
Car certaines exigences que l’on a ne sont pas toujours compatibles avec la relation que l’on souhaite créer.
Ça demande de se connaître. C’est à dire que de faire erreurs, se questionner, et rectifier.
Ce qui est chouette avec les enfants, c’est qu’ils sont vivants, présents, dérangeants, et qu’ils seront toujours là pour pointer tes erreurs, et t’aider à te questionner.
Même si c’est parfois pénible à supporter.
Comme quand ils te tiennent tête, cherchent à négocier toutes les règles de la maison dès qu’elles ne leurs conviennent pas, te soulent de demandes, t’envoient balader quand tu leur parles, ne te répondent pas, et refusent de reconnaître leurs torts quand ils en ont.
Ces derniers temps, avec mes enfants, nous avons mis ensemble quelques règles participatives pour les impliquer dans les décisions familiales.
Comme faire ensemble les menus de la semaine, nous raconter les moments marquants de nos journées, faire un système tournant pour le choix des films familiaux, partager des moments en tête à tête… et faire de temps en temps des cercles d’écriture ou chacun peut exprimer ce qu’il souhaite sans être critiqué, ni commenté par personne.
Alors merci à mes enfants de me remettre en question, et de m’aider à devenir un père un peu plus souple, et à l’écoute.
Et de laisser l’empereur Tomato-Ketchup là où il est.
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