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Faut que je t’avoue un truc : j’ai failli devenir un gourou.

C’est tellement facile d’avoir de l’emprise sur les gens.

Si t’as un ego bien développé, une certaine tendance à la mégalo, un besoin d’être au centre, d’avoir raison et de tout contrôler, alors t’es dans de bonnes dispositions pour le devenir.

Si en plus de ça, t’es cultivé, tu manies l’art du storytelling et aimes raconter des histoires, citer des trucs incroyables qui te sont arrivés à toi ou à tes clients, que tu sais convaincre, créer de la confusion, faire des raccourcis et orienter la réalité dans le sens de tes convictions, t’as de sacrés atouts.

Il ne te reste plus qu’à développer une certaine connaissance de l’humain et de ses biais, et apprendre quelques techniques d’hypnose et de manipulation. Tu pourras alors rejoindre ton futur disciple là où il a mal, calibrer ses réactions, identifier ses souffrances profondes et appuyer dessus, avant de lui faire miroiter qu’il a un potentiel incroyable tapi au fond de lui.

Et grâce à un savoir qui t’a été révélé (peu importe que ce soit par les esprits de la nature, ou à l’occasion du dernier livre que t’as lu), tu vas lui montrer le chemin de la libération.

Un gourou, c’est pas forcément un escroc. Certains sont sincèrement convaincus par leurs discours.

Ça ne les rend pas moins inoffensifs pour autant.

Mais personne ne pourrait devenir un gourou si, en face, il n’y avait pas des gens disposés à devenir des adeptes.

Parce qu’un gourou n’a aucun pouvoir à part celui que tu lui donnes.

 

 

Et c’est ça qu’est le plus flippant au fond : Notre putain de disposition à croire aux miracles, et au solutions magiques quand il s’agit d’éviter les deuils et les souffrances. 

Et notre capacité étonnante à devenir des enfants dociles, pour ne pas dire des moutons, et enterrer notre esprit critique et notre discernement.

Cette tendance à devenir un mouton, je t’avoue, je l’ai aussi.

Tout petit déjà, j’étais en recherche de maîtres, de guides, de modèles. Je pourrais sans doute identifier les failles psychiques sur lesquelles s’est construit mon besoin d’idéalisation des figures d’autorité, mais le constat, c’est que j’étais un fan à la poursuite d’idoles à vénérer.

Très chrétien jusqu’à mon adolescence, j’ai ensuite basculé dans l’athéisme et l’anarchisme mais avec la même mécanique  : je continuais à voir le monde en deux camps, celui des ignorants, et celui des éclairés, détenteurs de vérité.

Des années plus tard, j’ai perdu ma mère, et là, j’ai commencé à m’intéresser à l’hypnose. J’y suis un peu entré comme on rentre dans une religion. La souffrance et les deuils sont des terreaux propices à ce qu’on appelle quête spirituelle, et qui est souvent une manière de ne pas accepter une réalité qui nous fait trop souffrir.

J’avais l’impression d’avoir enfin découvert, grâce à l’hypnose les clés pour comprendre le monde. Et sans m’en rendre compte, j’avais commencé à glisser vers des croyances « new age ».

Et lorsque les relations avec ma femme se sont tendues, qu’elle me reprochait d’avoir un jargon et des réactions qui ne me ressemblaient plus, ça ne faisait que me conforter dans l’idée qu’elle ne pouvait pas comprendre. Forcément, elle n’était pas aussi éclairée et avancée que moi.

Mes professeurs étaient-ils des gourous ? Avaient-ils une volonté consciente d’avoir de l’emprise sur moi ? De briser mon discernement pour me faire adhérer à de nouvelles croyances ? Ou simplement faisaient ils partie d’une entreprise qui propose des produits, et cherche à fidéliser sa clientèle ?

Ayant eu l’opportunité de passer d’élève à formateur,  j’ai réalisé, lors des premiers stages que j’ai donnés en Égypte, à quel point c’était difficile de résister à la tentation de devenir un gourou.

C’est tellement flatteur pour l’ego d’avoir des clients ou des stagiaires qui t’admirent, qui te voient comme quelqu’un de génial, que tu peux vite te retrouver prisonnier de cette posture. Entre l’admiration et l’idôlatrie, la frontière est faible. Et je me suis parfois retrouvé face à des stagiaires qui buvaient mes paroles, ou me demandaient des conseils comme si j’étais détenteur d’une connaissance suprême, à confondre mon point de vue avec la vérité.

Demain, je te parlerai de ce qui m’a permis de ne pas devenir un gourou, malgré mes prédispositions.

Mais ce que je voulais te dire, c’est qu’on a une responsabilité partagée toi et moi.

Celle de résister à la tentation de devenir des gourous.

Et de nous libérer de notre prédisposition à être des moutons.

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4 réponses
  1. lili
    lili dit :

    ça fait un bout de temps que je me demande ce que je vais faire du reste de ma vie. Jamais fait gourou. C’est peut-être le moment de tester?
    Accompagnement de gourou en devenir, tu fais ça aussi? ^^

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