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Cher lecteur,
Tu m’as manqué. T’imagines même pas comme je suis content de te retrouver. Je t’ai pas oublié, tu sais. Mais il s’est passé tellement de choses dans ma vie ces dernières semaines. J’ai trop hâte de te raconter. Mais tout d’abord, je te prie de m’excuser pour cette longue absence.
Comment ça, quelle absence ?
Hein, tu t’étais même pas rendu compte que j’étais parti, que j’étais plus là, que ça faisait 10 jours que j’avais plus rien posté ?
Quoi ? Tu t’étais même pas inquiété ?
T’as continué à vivre normalement ? Espèce de…
Nan… tout va bien. T’inquiète. Même pas mal. Je vais ravaler ma fierté, et essayer de me rentrer une bonne fois dans le crâne que je suis pas indispensable, et que même après ma mort, le monde continuera à tourner.
Les chansons aussi continueront d’exister, même quand les chanteurs auront cassé leur pipe.
Tiens, à propos de pipe cassée, le 25 janvier, c’est l’anniversaire de la révolution égyptienne. Elle aussi, on l’a enterrée. Elle a été supprimée de tous les livres d’histoires.
Le 25 janvier, c’est aussi le premier anniversaire de la mort de ma tante Enayat. Celle qui m’a élevée.
Quand mon cousin Antonios, me l’a annoncé, j’étais dans mon lit. il était très tard, j’étais fatigué. J’ai entendu son message. Puis je me suis endormi.
Le lendemain, en me réveillant le souvenir du message d’Antonios m’est revenu.
Ah merde, c’était vrai.
Je sais pas si ça te fait ça toi aussi des fois : on t’annonce un truc, et tout devient brumeux autour de toi, comme si t’étais dans un mauvais rêve. Pendant un moment, t’as l’impression que les mots ne font plus sens. Un peu comme ces jeux d’enfants où on répétait une phrase en boucle jusqu’à l’ivresse de ne plus en comprendre le sens.
Papa, pourquoi t’es triste ?
Mais Mathilde, c’était ma tante. C’est elle qui m’a élevée.
Tu la voyais à peine deux ou trois jours par an. Ça change pas grand chose à ton quotidien, papa.
Mais comment tu peux dire ça, ça change tout : elle est morte.
Papa, si Antonios t’avait pas annoncé qu’elle était morte, t’en saurais rien, pas vrai ?
Euh oui, c’est logique…. Sauf que je le sais.
On est d’accord. Mais c’est juste une information. Concrètement ne change rien à notre quotidien. Qu’elle soit morte ou pas, tu vas continuer à faire les mêmes choses que quand elle était vivante.
Mais je SAIS qu’elle est morte ; Je le SAIS que je ne la reverrai plus, que je n’aurai plus mon téléphone qui sonne 10 fois de suite quand elle essayait de m’appeler.
T’as qu’a faire comme si tu le savais pas.
Et là, j’avoue j’ai pas su quoi répondre à ma fille.
Oui, c’est peut-être ça la solution à nos problèmes. Oublier qu’on en a. Un peu comme mon père qui croit encore qu’on est au encore au mois d’août en janvier. Et qui me repose chaque fois les mêmes questions.
Si la la clé du bonheur, se trouve dans le pouvoir du moment présent, bah mon père, est le plus heureux des hommes.
Le jour où j’aurais une bonne nouvelle à lui annoncer, je sais que ça le comblera de joie jusqu’à la fin de sa vie.
Sa vie est devenue un instant présent permanent.
Moi hélas, j’ai encore ma mémoire, mes souvenirs, mes regrets, et la peur que tu m’oublies.
Alors, à demain.
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