COMMENT SURVIVRE À UNE RÉUSSITE

Parfois la réussite est ce qui peut t’arriver de pire, si tu ne tu connais pas l’ingrédient secret.

Quand mon premier long-métrage est sorti en salles, il avait déjà obtenu plusieurs récompenses en festivals, et été vu par des milliers de spectateurs.

Mais rien de comparable à ce jour où mon cœur a failli s’arrêter. 

C’était une avant-première parisienne, un dimanche matin, trois jours avant la sortie officielle.

Devant la salle de cinéma,130 inconnus faisaient la queue pour mon film.

Mon regard s’est arrêté sur un un vieil homme avec une casquette de marin. Avec sa canne, il a avancé jusqu’à la caisse, et tendu, en tremblant un billet de 10 euros.
Et l’imposteur en moi s’est réveillé.

“ Qu’est ce que t’as fait, Namir ? T’as pas honte ?

T’es qui pour inciter ces gens à débourser leurs sous, et t’accorder leur temps pour tes délires personnels ? »

Ce dont je rêvais depuis tellement d’années se réalisait sous mes yeux, et au lieu de me combler,  ça me terrifiait.

J’ai imaginé l’homme à la casquette ressortir déçu, et réclamer ses dix euros.

Et la tristesse a pris le relai.

Ma peur s’est évanouie après la projection, laissant place à une joie intense.Un happy end bien mérité, après tant d’années d’efforts.
L’histoire aurait pu s’arrêter là.
Mais ce soulagement face au succès n’était que la face cachée d’un leurre qui allait me couper de ma mission créatrice pendant des années.

Après le succès de mon premier long-métrage, et des sollicitations de producteurs, j’ai développé plusieurs projets.

Je ne les ai jamais terminés.

A chaque fois, je sentais qu’il y manquait un truc, mais incapable de savoir quoi.
Et ça a duré un paquet d’années.

Aujourd’hui, j’écris beaucoup plus facilement, et surtout je me sens nettement moins vulnérable face à l’accueil de mon travail.

Alors, qu’est ce qui s’est passé pour que ça change ?

Bah j’ai trouvé l’ingrédient secret, que m’a rappelé le livre de Mark Manson

Et cet ingrédient, c’est de t’en foutre.
J’étais tellement flippé de décevoir tous ces gens qui avaient aimé mon précédent film, que je m’étais forcé, sans en être conscient, à écrire de la comédie, et à pousser mon écriture dans une direction, sans écouter  ce que j’avais le plus besoin d’exprimer à cette période de ma vie.

Mon besoin de reconnaissance primait tellement sur ce que j’avais à dire, que mon travail était dominé par la peur de déplaire, et m’avait éloigné de moi, et aussi d’une relation authentique et profonde avec mon public.

Car si, en tant que créateurs, on a une responsabilité énorme auprès de notre audience, celle de nous adresser à eux, et de les accrocher, nous en avons une autre, bien plus grande encore vis à vis de nous-même : celle de nous en foutre.
Ce que tu as à exprimer se situe bien au delà du succès ou de l’échec de ton travail.

Tu es auteur de ce que tu fais. Pas de la manière dont les autres se l’approprient.

Cela ne t’appartient pas.

Et le désir de contrôler cela peut devenir ton tombeau.

Alors, bien sûr tu dois te dire, que c’est facile à écrire, mais tu te demandes comment  mettre ça en application.

Je te partage ici quelques tuyaux que je donne dans mes formations et qui ont transformé radicalement mon rapport à la création.
1 – Quand tu termines un texte ou un article et que tu t’apprêtes à le publier, demande-toi :

 » Est-ce que j’exprime ça davantage parce que ça me touche, ou parce que je cherche à plaire ? »

Aujourd’hui, cette question me guide dans tout ce que je fais. Si je sens que mon écriture cherche avant-tout à convaincre, à prouver, ou à plaire, je m’arrête pour chercher ma vérité non exprimée, celle qui est parfois inavouable.  J’arrive pas toujours à trouver clairement, mais c’est mon critère pour « apprendre à m’en foutre ».

2 – Le deuxième tuyau que je propose à mes stagiaires, c’est la méthode du partage de textes nuls.

Bien sur, il y a des chances que ton petit cœur se mette à trembler fort au moment d’exposer ton travail au public.
Mais les pires jugements viennent rarement des autres.
Voilà pourquoi, tu n’as même pas besoin de demander de retours quand tu partages ton travail. Contente toi simplement de partager.
En te confrontant volontairement à ta peur du jugement, tu vas te rendre compte qu’après plusieurs expositions, qu’il se passe un phénomène étrange : ton cerveau réagit moins, et la peur diminue progressivement.

Et puis surtout, en vrai, les gens ils s’en foutent que t’écrives des trucs nuls. Si ça les intéresse pas, ils vont juste l’oublier.

Je sais que cette approche d’exposer un travail insatisfaisant est  confrontante, et je te conseille pour te lancer, de rejoindre un groupe dans lequel tu te sentes en sécurité pour faire tes premiers pas.
C’est très libérateur.

Le but d’apprendre à t’en foutre, c’est de te protéger aussi bien de l’ivresse du succès, que des insultes blessantes.

Imagine qu’il y a un artiste terrorisé à l’intérieur de toi, qu’il est comme un enfant, et que ta mission, c’est de le soutenir, de l’encourager, et de croire en lui.
Même si tu es le seul pour l’instant.

En apprenant à t’en foutre, tu pourras enfin mettre ton énergie dans ce que tu as à exprimer.

Et quand des gens achèteront tes écrits, t’écouteront, ou t’admireront, tu seras content pour eux,

mais tu ne le prendras plus personnellement,

Car leurs jugements ne t’appartiennent pas.

Le risque serait de croire que ta valeur dépend du nombre de tes « likes ».

Le citronnier ne se demande pas si ses citrons sont bons, ou s’il ferait mieux de produire des oranges.
Alors, continue patiemment à souffler ta vérité

Ceux qu’elle inspirera ne sont peut-être pas encore nés.

Namir

P.S. :  Si cet article t’a plu, rejoins ma communauté ici. Prochaine formation pour  L’écriture enchantée du 22 au 26 Novembre 2021 à Paris😏