Tu veux produire un texte en dix minutes ? Prends une liste de 8 a 10 mots. Mets ton chrono sur 10 minutes. Et écris. Dans la proposition du jour, j’ai rajouté une contrainte supplémentaire.

Voici la liste de mots que j’ai utilisés pour le texte du jour, si t’as envie de tester, avant de lire mon histoire.

Un mot bizarre : Les myosotis / Un lieu : La Bourse
Un gout : celui d’une orange / Une chanson : Let the sun shine
Un souvenir personnel : des chiens qui me poursuivent / peur de mourir
Un personnage : un vieil homme, de plus de 80 ans..
Un nom propre : L’ Ecclésiaste / Un mot : pilier

Et voici la contrainte d’écriture :
Alterne deux points de vues différents dans cette histoire ( par exemple passe d’un personnage à un autre)

Version audio

Version texte

Parfois, la fiction nous amène à écrire des textes plus vrais que vrais. J’avais commencé cet écrit en jouant le jeu du Petit Poucet (une technique d’écriture que je propose dans mes formations, et que tu peux découvrir dans cette masterclass gratuite), et je me suis retrouvé avec un texte plus personnel encore que mes récits de vie. Parfois nous ne choisissons pas ce que nous voulons raconter. Notre écriture le fait pour nous.

« Je suis Waguih. J’ai 86 ans. Et un voile de silence enveloppe mes pensées secrètes. Je ne suis pas habitué à écrire, ni à parler de moi. Mes douleurs le font à ma place. Elles hurlent. Je suis un artisan silencieux du bois de la souffrance.

Et je ne souhaite pas ouvrir la boite des mots.

J’ai un fils, Namir. Je l’aime. Et je m’inquiète pour lui. Sa vie n’est pas facile. Je ne serai jamais rassuré. J’ai une fille aussi, Nermine. Je l’ai chérie comme je l’ai pu. Puis, elle est partie vivre avec un homme à Bordeaux. Ma fille aurait pu être médecin. Et Namir ingénieur. Ils auraient pu avoir une belle situation. Et j’aurais pu mourir rassuré.

Ma femme est morte il y 7 ans. Un an après, mon petit frère, Samih. Et mon grand frère Wadia l’avait précédé quelques années plus tôt. J’ai travaillé pour rembourser mes dettes, et arracher quelque chose à la vie. J’ai eu de la chance. En vrai, je me suis surtout battu. Plus que tout le monde autour de moi. Pour m’extraire de mon environnement de pauvreté et de misère. Qu’est ce qui m’a donné envie de me battre comme cela ?

Il paraît que cette force n’était pas ordinaire. Je voulais que le soleil brille sur notre vie. Sur l’Égypte. Les chiens mont poursuivi. En prison, ils les lâchaient sur nous parfois. Et dans les rues du Caire, ce furent d’autres chiens : mes cousins.

Je suis un enfant de l’abandon. Mon père est mort quand j’avais neuf ans. Ma femme, Siham m’a quittée après 43 ans de mariage. C’est moi qui aurais du partir avant elle, j’avais 8 ans de plus, et j’étais en moins bonne santé. Je lui en ai voulu, de m’avoir abandonné.  Elle était mon pilier.

La vie est en guerre contre nous. Aujourd’hui, je suis en maison de retraite. Je suis fatigué. Épuisé. Je veux partir. Je ne veux pas regarder ma vie, ni ce que j’ai accompli. J’ai fait mon devoir. J’ai vraiment fait au mieux. Je n’aime pas que Namir me pose des questions sur moi, m’épluchant comme une orange sanguine ; je sens le gout amer du sang dans ma bouche. Ça explose. Mes intestins me brulent. Mais la mort ne veut pas venir. Je vais partir quand même, rejoindre Siham. Enfin, si je me souviens encore d’elle. Parce que ma mémoire des fois….

Mon fils est venu m’annoncer qu’il s’est séparé de sa femme. J’ai été choqué et inquiet pour lui. Il m’a dit qu’il me l’avait annoncé hier.

La vie n’a pas de sens. J’ai donné tous mes efforts dans un travail que je n’aimais pas, mais dans lequel j’ai réussi. Moi le communiste, j’ai servi la bourse. L’effort a été ma manière d’aimer ma famille et mes enfants. Je ne veux pas être une charge pour eux. Je veux les libérer de ma présence. La vie est un combat. J’ai combattu. J’ai été un bon soldat. Loyal. J’ai exécuté ma mission.

Mes journées sont mornes et ennuyeuses, je reste assis toute la journée sur mon fauteuil devant la télé. Mes deux seules joies sont les appels de ma fille, tous les jours à 17 heures. Et lorsque Namir vient de temps en temps me rendre visite, et m’apporter une bouteille de coca-cola. J’aime beaucoup le coca-cola.

Mais Namir ne vient pas assez. Tiens, le voilà. Cela fait bien longtemps qu’il n’était pas venu.

Lui me répond qu’il est passé hier. »

****

« Papa, qu’est ce qui t’as rendu le plus heureux dans ta vie ? Quels sont les moments que t’aimerais revivre, ou emmener avec toi, comme souvenirs perpétuels ?

Des fois, on oublie ce qui nous a porté, ou rendu heureux.  Parfois on sait qu’on a été heureux en se souvenant de moments ordinaires qui sur le coup, nous paraissaient… ordinaires. Quelle a été ta vie, papa ?

L’Ecclésiaste a écrit :

Il y a un temps pour toute chose. Un temps pour vivre, et un temps pour mourir. Un temps pour aimer. Et un temps pour s’abandonner. Un temps pour fleurir les bourgeons des myosotis, l’herbe d’amour, et faire naitre la vie, et un temps pour arracher les mauvaises herbes qui scorpionnent dans le jardin.

Ce monde est absurde, futile et ridicule. Les espions rodent à la recherche de secrets dont ils ignorent qu’ils en sont les seuls auteurs. Il n’y a rien de secret. Tout est clair. Limpide. Visible. Rien n’est caché. Pas même l’obscurité.

Tout est là.

Même ce que tu ne veux pas voir.

Père, je t’aime. Et je n’aime pas te voir souffrir. Je veux oublier ta souffrance. Suis-je le fils que tu aurais aimé avoir ? As-tu voulu avoir un fils ?

Aujourd’hui, tu souris en me voyant. Demain, tu ne me reconnaîtras pas.

Serai-je encore ton fils ce jour-là, papa ?

Toutes ces questions m’accompagneront même lorsque je serai sans père.

Mais le serai-je jamais ?

D’ailleurs, ai-je encore une mère? Quand les mères et les pères meurent, qui deviennent-ils pour nous ? Cessent-ils d’être nos parents ? Et nous, quand cessons-nous d’être des enfants, leurs enfants ?

Faut-il le décider ? les enterrer ? Accepter d’être orphelins ?  Grandir ?

Âme en colère. Sombre diaphane. Temps qui tue et atrophie les corps, démon maltraitant, héritage infernal, sombre voile de misère, va-t’en,

Let the Sun Shine.

Lumière, viens, et nettoie tout cela. Donne moi le pouvoir d’éclairer la vie des mes enfants, et celle de mes parents.

Que la vie brille.

Adieu papa. »

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