J114 – Le voleur

J’ai envie d’écrire sans peine et sans efforts.

Sans que mon stylo ne saigne

Et entendre dans le reflet de mes histoires le murmure de ta voix ébahie

Toi, qui te souviendra de moi, et un jour dira : Tes écrits m’ont nourri

Au vide et au silence, je préfère les critiques

qu’elles soient du sel qui pique, ou du baume sur ma plaie.

Ma plaie, ce tourbillon d’où sortent des notes, de la fumée, et des harengs.

Tu sais ce qu’il advient de l’enfant perdu dans la foret ?

Celui que ses parents venaient rassurer, quand il sanglotait

Il fait quoi de sa peine maintenant, le petit qui a mal ?

Ceux qui pouvaient apaiser ses sanglots ne sont plus.

Il peut crier de douleur, hurler de rage, laisser couler ses larmes.

Ou se remettre à marcher.

C’est pareil pour l’écriture.

Quand plus personne ne te lira,

et que tu t’en foutras enfin de pleurer sur ta feuille,

Quand il ne sera plus question que de laisser s’échapper les harengs dans le ruisseau de l’écriture,

alors ton encre coulera, ni belle, ni laide, ni charmante, ni obscène.

De tes doigts surgiront des cris, des chants,

un esprit mystérieux prendra forme

de démon, d’ange, ou d’autre absents.

Ces mots que j’écris, ce ne sont pas les miens.

Je les ai volés la nuit dans ton sommeil.

Continue à rêver sur tes deux oreilles

Je remplis mon encre au ruisseau de tes larmes