COMMENT PARLER DE SOI SANS ÊTRE CHIANT

L’autre jour, j’ai rencontré Eugène, un gars à l’air sympa lors une formation, et je lui ai demandé :
 

 Salut, tu fais quoi dans la vie ?

 
J’ai jamais autant regretté d’avoir posé cette question.
 
10 minutes de monologue, où Eugène, ingénieur passionné, m’a raconté en détail la mise en conformité des failles de sécurité dans les serveurs des entreprises de l’information.
 
J’ai acquiescé poliment alors qu’au fond de moi ça hurlait :
 

Au secours ! Comment le faire taiiiiire
sans passer pour un rabat-joie ?

 
Ce qui est nul dans cette histoire, c’est qu’Eugène, ça l’intéresse sûrement ce qu’il dit.
Il ne se rend juste pas compte qu’il est chiant.

 
Comment tu fais, toi, quand tu te présentes, ou que tu parles de ton travail pour toucher ton interlocuteur ?

Je me suis beaucoup posé ces questions dans l’écriture de mes films. J’y étais souvent le personnage principal, et j’y racontais mon histoire, ou celle de ma famille, tout en cherchant à ce que les spectateurs se sentent concerné par le film.
 
Pour moi, Eugène a deux problèmes majeurs dans sa communication.
 

Le premier, c’est qu’à aucun moment, il ne parle de lui.

Il se contente de te donner une description de ce qu’il fait : son travail, la technique, ce qui a peu de chance de t’intéresser, sauf éventuellement si tu fais le même job que lui.
C’est une erreur fréquente que font beaucoup d’indépendants que je rencontre : ils parlent davantage de leurs outils et de ce qu’ils font, que de qui ils sont.

 
Imagine un instant qu’au lieu de sa description factuelle, Eugène te parle de ce que ça lui fait de réparer les failles dans les réseaux : pourquoi ça l’anime, ce qu’il ressent en le faisant, et là où ça le fait vibrer à l’intérieur de lui.
Il te parlerait alors de ses valeurs, de ses envies, de son engagement, de son désir d’excellence, de son besoin de se sentir utile, de sa fierté à trouver des failles et de les résoudre, parce que c’est comme un jeu de détective pour lui, et que ça lui rappelle peut-être de supers moments de son enfance, etc…
 
Ça, c’est le premier point qui rendrait sans doute Eugène beaucoup plus touchant.
 

Le deuxième problème d’Eugène dans sa communication sur son métier, c’est qu’à aucun moment il ne te parle…. de toi.

 
Par exemple, si tu veux raconter à quelqu’un : 
 
Je suis allé à l’aéroport, et au moment de passer au guichet, j’ai réalisé que j’avais pas mon passeport.
 
Tu as plus de chances de toucher ton interlocuteur, si tu lui pose quelques questions au préalable, pour le connaître. Du style :
 

Ça t’est déjà arrivé, au moment de payer,
de te rendre compte que t’avais pas de sous sur toi ?

 
Et s’il te répond oui (ce qui est probable), tu peux ajouter :
 

Et tu te souviens de ce que t’as ressenti ce jour-là ?

 
En faisant ça, tu rends ton interlocuteur disponible pour écouter ton histoire, parce que tu l’as impliqué, et connecté à ses émotions. Et là, tu peux lui parler de toi.
 
Tu vois l’idée ?
 
Mais le truc qui me chiffonne le plus dans cette histoire, avec Eugène, c’est que je l’ai laissé parler pendant 10 minutes.
 
Alors que j’aurais tout simplement pu lui dire :
 

« Hey Eugène, tu sais, moi ce qui m’intéresse, en vrai,
c’est pas ton travail, ou ce que tu fais, mais plutôt pourquoi tu le fais.
Comment la vie elle t’a amené là… qu’est ce que ça t’apporte tout ça…. « 

 
Au lieu de ça, j’ai rien dit, et j’ai juste acquiescé poliment, en attendant qu’il se taise.
Pire, j’ai même fait semblant de m’intéresser à ce qu’il disait.
 
Qu’est ce qui m’a empêché à ce moment-là, de lui demander :
 

Eugène, qu’est ce qui fait qu’un jour tu t’es dit
« tiens, j’vais bosser dans la sécurité informatique  ?
Et quand tu le fais aujourd’hui, ça t’apporte quoi?

 
En vrai, j’ai pas osé.
J’ai pas osé être vrai.
 
Bon, je vous dit ça maintenant mais à l’époque, ma première réaction ça a surtout été de me dire :

Eugène, il  est chiant.

 
Parce que sur le coup, j’étais incapable de reconnaitre ce que je ressentais vraiment. Et j’avais plutôt tendance à rejeter la responsabilité de mon ennui, sur le discours d’Eugène.

Alors j’ai commencé à me demander, c’était quoi le risque pour moi de l’interrompre à ce moment là ?
 
La peur de blesser, de prendre ma place et de m’affirmer ?  
De rentrer dans une relation authentique et vraie ?
Pour être tout à fait franc, je ne l’écoutais pas.
Et je ne m’écoutais pas.
 
Finalement peut-être qu’Eugène était chiant dans son discours, parce que je l’étais dans mon manque de présence.
 
Et il est probable que si j’avais posé ces questions, j’aurais eu une chance de découvrir à quel point c’est quelqu’un de chouette, Eugène.
 
Alors, qu’est ce qui fait que je ne me suis pas autorisé à être vrai avec Eugène ?
 
Pour répondre sincèrement à cette question, il faudrait remonter le temps, et faire un arrêt sur image sur le micro-film instantané et fugace, qui s’est déroulé dans ma tête, à ce moment précis.
 
J’y trouverais probablement les raisons inavouées qui ont fait que j’ai préféré faire semblant de l’écouter, que de m’intéresser vraiment à lui.
 
C’est pas très agréable, ni facile à faire de rendre conscient, ce que notre esprit cherche à nous cacher.
 
Mais c’est le prix de l’évolution.
 
Je découvrirais alors peut-être que j’étais plus préoccupé par ce que je voulais montrer de moi, et comment je voulais apparaître devant lui, que par une envie sincère d’entrer en relation.

C’est un travail long et difficile de bien se connaitre. Ça demande d’accéder à son propre fonctionnement et à ses émotions, sans jugement et avec une réelle curiosité.
Or on est souvent plus doué pour voir les fonctionnements des autres, que les nôtres.
Parce qu’il est impossible à un miroir de se renvoyer sa propre image.
Il sait réfléchir l’image des gens qui le regardent, et éventuellement se reconnaître à travers eux.
 
C’est ce qui m’est arrivé avec Eugène.
 
Et puis, la connaissance de soi est une chose, et le chemin pour s’appliquer à soi-même les principes d’un réelle attention à soi et à l’autre, est une discipline de chaque instant.
 
C’est aussi pour cette raison que j’adore écrire. C’est mon moyen de parler de moi, à travers des textes dans lequel les autres peuvent se reconnaître.
  
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Namir 🖐🖐🖐🖐

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