Quand ma sœur est venue au monde, elle a été accueillie dans la joie. Une grande joie

Enfin, pour mon père. Pas pour moi.

Moi ce jour là, je me suis fait caca dessus.

J’avais quatre ans. Et le sentiment de vivre un deuxième abandon.

Je ne l’ai pas aimée. Comment le pouvais-je ?

Elle avait droit à l’accueil qui m’avait tant manqué, moi, le premier enfant non désiré.

Je ne pouvais pas voir à l’époque sa naissance comme un cadeau, ni réaliser que ce deuxième abandon, était peut-être une deuxième naissance par procuration, et qu’elle venait peut-être réparer les souffrances que j’avais connues, compenser les manques que j’avais vécus, et m’apprendre que même en étant désiré, on pouvait souffrir.

Ma sœur, pour moi, c’était juste l’obstacle à mon besoin d’exclusivité.

 

Un jour, que j’étais aux toilettes, elle a émis l’envie pressante d’y aller,  juste parce que j’y étais. Mon père est venu tambouriner à la porte, et m’a obligé à sortir parce que ma sœur attendait.

Heureusement, il y avait ma mère pour la dénigrer parfois, avec des phrases du genre :

– Réussis tes études, ma fille, parce qu’avec ton physique, tu ne trouveras personne pour t’épouser.

J’ai attendu avec impatience le moment où enfin, chacun de nous a eu sa propre chambre. Je devais avoir 15 ans. Du parasite que je méprisais, elle est alors devenue un grain de poussière insignifiant.

Un jour, elle n’est pas rentrée à la maison . Elle avait laissé une lettre à mes parents, parlant de souffrance, de son désir de fuguer et de suicide.

Mon père est allé la récupérer.

Et pour la première fois, je l’ai regardée. J’avais affaire à un être humain, fait de la même chair et du même sang que moi. J’ai entendu sa souffrance. Et ça m’a fait bizarre.

Quelques années après, j’avais quitté la maison.

Elle m’a appelé. Elle s’était brouillée avec nos parents. Et je lui ai proposé de venir loger chez moi.

J’habitais un studio, une seule chambre, mais plus grande que celle que nous partagions autrefois.  Et pour une fois, elle y était bienvenue.

Nous avons beaucoup parlé d’elle, de moi, de nous, de nos souffrances respectives. Nous avons réalisé que nous avions vécu les mêmes peurs, et les mêmes manques, sans jamais oser les exprimer

Derrière sa jalousie vis a vis de mon indépendance de caractère, il y avait de l’admiration.

Et derrière mon arrogant mépris vis à vis d’elle, un grand besoin d’amour et d’affection

Les maladresses de nos parents nous avaient dressées l’un contre l’autre.

Nous avons commencé à rompre le pacte du silence, et des non-dits, et réussir là ou nos parents avaient échoués

Aujourd’hui, dans les moments difficiles, je l’appelle. Elle me soutient, et m’encourage. Et notre relation est devenue solide, malgré nos différences, nos traits de caractère et la distance qui nous sépare.

Je m’en veux encore de n’avoir pas su être un grand frère pour elle, et e ne pas avoir su l’encourager, la soutenir, et la consoler dans ses moments de peine. Je lui en ai fait part récemment, et j’ai voulu m’excuser pour cela

Elle a souri et  m’a répondu que pour elle, c’était ok : elle savait que j’étais là.

Mais, il me manquait encore quelque chose dans cette relation.

 

– Tu vois, aujourd’hui, quand je t’appelle parce que j’ai besoin de ton aide, je sais que je trouverais toujours une oreille attentive. Mais pour me sentir ton grand-frère, j’aimerais que ce soit réciproque, et sentir que tu puisses aussi m’appeler, quand ça va pas, chez toi

Elle m’a répondu aussitôt :

– Oui, oui, mais chez moi, tout va bien en ce moment.

J’ai cru voir mon père, et sa pudique fierté.

– Petite sœur, pas à moi, s’il te plait. Tu parles quand même à un thérapeute…

Elle a rigolé.

– J’ai beaucoup de mal à demander de l’aide, tu sais j’ai appris a me débrouiller toute seule.

– Et bien, petite sœur, tu es libre. Mais sache que je suis ton grand frère, et que je veux être là pour toi. Comme le grand frère que j’aurais rêvé avoir.

 

C’était le vœu le plus cher de nos parents, de sentir, qu’après leur mort, nous pourrions compter l’un sur l’autre.

En cela, Dieu merci, ils ont réussi.

Enfin, je devrais dire, nous avons réussi.

Et il était temps que je te l’exprime.

 

 

 

 

 

 





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Parmi les enseignements de l’Advaita Vedanta, dispensés par le maitre hindou Sri Nisargaddata Maharaj figurent les principes suivants :

– Remets toujours tout en question.

– Pour savoir qui tu es, commence par savoir qui tu n’es pas.

– Tout ce que tu crois être, tu ne l’es pas

Par exemple, tu peux commencer par compléter la phrase suivante.

Je suis…

Et noter les 10 premières réponses qui te viennent.

Je suis Namir
Je suis un homme
Je suis égyptien
Je suis le fils de mes parents
Je suis père
Je suis sensible
Je suis à l’écoute
Je suis insécure
Je suis anxieux
Je suis seul

Tu auras ainsi la liste de tout ce que tu crois être. C’est à dire, selon le maître Maharaj, tout ce que tu n’es pas.

Avant d’aller plus loin, je t’invite à prendre une feuille et un crayon, et tester.
Écris tes réponses en étant le plus sincère, et le plus vrai possible. Ça ne te prendra pas plus de deux minutes.

Évidemment toutes ces affirmations te semblent vraies. C’est normal. C’est pour cela que notre mental est là : nous rassurer en nous raccrochant aux branches de l’arbre de l’illusion, et éviter le chaos originel.

Prenons un exemple simple.

Je suis Namir

Est ce que c’est vrai ? Première réponse : oui,evidemment.

Namir est un prénom que mes parents ont associé a mon être, et qui à force de répétitions s’est ancré à mon identité.

Stephen Wolinsky propose une approche simple pour t’amener à rencontrer l’espace intérieur depuis lequel ces affirmations n’apparaissent ni comme ni vraies, ni comme fausses.
Son approche consiste à te reposer plusieurs fois la même question en boucle, de façon hypnotique, pour t’aider à être pleinement immergé dans l’expérience, et rencontrer cet endroit en toi, ou tu ne peux plus répondre a cette question.

Ce n’est pas un jeu de l’esprit, ni une démarche intellectuelle ou ludique. C’est une expérience physique, organique.

– Qui es tu ?

– Je suis un homme.

– Maintenant, en faisant abstraction de tes pensées, de tes croyances, de tes souvenirs, de tes émotions, de tes associations, de tes perceptions, de tes attentions et de ton intention, es tu un homme, une femme, ou ni l’un ni l’autre ?

Imagine cette question posée en boucle sur chacune de tes réponses. A un moment tu te retrouves devant le bug. Le blank. L’impression d’une porte qui s’ouvre vers l’inconnu.  C’est vertigineux d’être incapable de répondre à la question de ton prénom, de ton identité sexuelle, et de tous les fondements de ton identité.

Et quand toutes les affirmations que tu as sur toi, s’effritent, s’effondrent, et ne font soudain plus sens, devine ce qu’il reste, une fois que tu as écarté tout cela.

Rien.

C’est à dire Toi.

Pas le « toi », qui est le miroir du « moi je », mais le « toi », qui parvient à traverser le mur du vide, de la peur, et du chaos. Le toi, que Nisargadatta appelle le « Je suis » ou le « non verbal I am » (je ne sais pas comment traduire ce concept)

Je t’invite à jeter un œil à ce pdf gratuit de Stephen Wolinsky qui risque de te retourner le cerveau, si tant est qu’il existe un sens dans lequel il y ait un endroit, et un envers :

http://stephenhwolinskyphdlibrary.com/downloads/Reflections%20of%20the%20Absolute.pdf

Poser une même question en boucle pendant 10 minutes, sans lâcher ton client, est un principe inductif puissant en soi. Il te fait bugger, te déstabilise, t’aide à prendre conscience de tes mécanismes et stratégies de défense, pour mieux te connaître.

En général, les premières réponses que tu donnes à une question sont celles que tu crois vraies. Mais le fait que l’on te repose la même question à nouveau, va t’amener à creuser encore plus, aller plus loin, parfois dans des endroits inconnus de toi.

Jusqu’à prendre conscience par toi-même, et sans recadrage extérieur, des histoires que tu te racontes sur toi-même. Et puis, c’est aussi une expérience libératrice de constater que ce que tu n’es pas en insécurité quand tu te retrouves face à la confusion, au silence, ou a l’incapacité de répondre à une question.

Tu peux utiliser le principe de la boucle inductive, sut tout un tas de questions. Je t’en propose quelques unes que je trouve particulièrement intéressantes à explorer :

Qui es tu vraiment au fond ?

Quel être sexuel es tu ?

Comment caches-tu tes peurs ?

Qu’est ce que tu ne peux pas abandonner ?

Qu’est ce que tu ne peux pas dire ?

Qu’est ce que tu n’entends pas ?

Qu’est ce que tu ne dois pas oublier ?

Qu’est ce que tu n’aimerais pas qu’on sache de toi ?

Tu peux prendre chacune de ces questions et partir sur une boucle hypnotique de dix minutes. Tu peux évidemment faire cet exercice seul. Ou en duo avec un binôme de confiance. Ce qui est intéressant dans cet exercice, c’est que la manière dont tu réponds à la question, est parfois déjà la réponse

Récemment, par exemple, je faisais l’exercice avec un ami. Je lui ai demandé, en boucle :

Comment caches tu tes peurs ?

Il s’est alors mis a réfléchir, pour chercher une réponse intelligente à la question. Après plusieurs réponses intelligentes, il s’est rendu compte de ce qu’il était en train de faire : chercher des réponses intelligentes, était un de ses moyens de cacher ses peurs.

Quand il a pris conscience de cela, il a ri.

Et quand à nouveau je lui ai reposé la question, il a pris conscience que son rire était aussi un moyen de cacher ses peurs.

A partir du moment ou tu arrives a percevoir tes mécanisme, tu peux t’en dissocier, et en devenir l’observateur. Et c’est sacrément éclairant quand tu commences à te rendre compte par toi même comment tu fonctionnes, et que tu t’approches un peu plus de qui tu es vraiment.

Même si le maitre Maharaj te répondrait :

Chaque fois que tu crois avoir trouvé une réponse, tu n’as rien trouvé,

Tout ce que tu crois être, tu ne l’es pas.

 

 

 

 

 





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Aout 1941. Mes grands parents maternels préparent leur mariage dans le village de Om Doma, en Égypte.

Là-bas, les mariages arrangés sont coutume.

Ma grand-mère, Victoria, n’est absolument pas consentante pour épouser Saïd.
Elle en fait part au prêtre, qui l’écoute attentivement. Puis précipite la cérémonie pour ne pas donner à ma grande-mère l’occasion de fuir le village pour éviter le mariage.

Said est le fils d’Oweda, le Omdeh (maire) du village d’Om Doma. Mais autant Oweda, mon arrière grand-père est influent et respecté, autant son fils, Saïd, est impulsif, illettré et peu sociable.

C’est sans doute pour calmer sa fougue, et ses ardeurs de chien fou, qu’Oweda lui a trouvé une épouse docile.

De ce mariage non consenti naitront 5 enfants, conçus dans la violence et la brutalité.

Dont ma mère, qui verra le jour le 1er Avril 1944.

 

 

Dans la maison familiale, ma mère, encore enfant au milieu des annees 50, dormait par terre, avec son frère, et ses sœurs, aux cotés de ses parents.

Parfois, elle était brusquement réveillée en plein milieu de la nuit, par des pluies de coups de bâtons.

C’était son père, Saïd, tellement en colère que Victoria se soit encore refusée à ses assauts, qu’il la battait, et n’hésitait pas à taper sur tout ce qui trainait autour de lui.

A commencer par ses enfants.

Ma mère n’a jamais aimé son père. Et s’est sentie très tôt la mission de protéger sa maman, a qui elle reprochait en même temps, énormément sa tolérance à la douleur, et son absence de révolte.

Alors, ma mère a décidé de porter cette colère que sa mère n’exprimait pas. Une colère contre cet homme qu’elle a vu trop de fois frapper et abuser de son épouse, colère qui s’est ensuite généralisée à tous les hommes désirants. Et qui a entraîné chez ma mère un dégout de la sexualité.

Devenue adulte, elle a eu beaucoup de prétendants au mariage, et les a tous repoussés. A 29 ans, elle a fini par accepter la demande de mon père. Peut-être pour céder à la pression sociale. Peut-être pour éviter de finir vieille fille. Ou pour d’autres raisons. Je ne saurai jamais.

Quand j’étais enfant, tous les étés, je me rendais au village, souvent sans mes parents.

Mon grand-père Saïd m’accueillait en souriant. Et chaque fois que je repartais, il fondait en larmes, comme un bébé, triste de me voir partir.

Je l’aimais bien. C’était un homme simple, un peu soupe au lait à qui j’adorais faire des blagues. Comme lui piquer son bonnet pendant son sommeil, et repeindre son crane chauve d’un mélange de talc et de farine.

Ou encore lui mettre cinq cuillères de sel dans son thé pour le plaisir de le voir cracher, hurler et maudire la terre entière.

Il était sans doute trop vieux pour me courir après.

Il m’a jamais fait peur mon grand-père. Je me sentais même proche de lui. Je le voyais comme un enfant illettré, mal-aimé, que ses parents n’avaient jamais valorisé, et qui préférait la présence des bêtes à celles des humains.

J’ignorais pourquoi ma mère le méprisait autant Ce n’est qu’après sa mort, en 1998, que ma mère m’a raconté son histoire.

Pour elle, Saïd n’était même pas un homme.

Au mieux un simple d’esprit, au pire un animal.

Je crois bien que cette phrase « même pas un homme » est restée gravée dans mon esprit, et a du constituer un frein puissant, lorsque j’ai senti les premiers élans puissants du désir irriguer mon bas-ventre.

Je n’étais pas sur de vouloir devenir un homme, si le coût était de perdre l’amour de ma mère.

Et puis, comment comprendre ce désir naissant, qui se manifestait si peu chez mes parents. Mon père, intellectuel concentré sur son travail, semblait tellement au dessus des besoins physiques et matériels, que j’avais l’impression que mes premiers troubles érotiques faisaient de moi quelqu’un de pervers, et d’anormal.

J’ai vainement lutté contre mes désirs, et ma sexualité. Et plus j’essayais de les réprimer, plus ils devenaient une obsession honteuse, que je vivais en secret.

Aujourd’hui encore, je ne suis pas au clair avec mes désirs, ayant encore du mal à distinguer entre l’agressivité liée à la honte et au rejet de ma sexualité, et l’agressivité comme expression de l’énergie et du désir de vie

La sexualité n’était pas la bienvenue dans notre famille.

Je me souviens encore du jour où ma sœur, revenant de colonie de vacances, est allée discrètement planquer son linge sale dans le bac. Ma mère, apercevant une culotte tachée de sang a eu un soupir de désespoir.

 – Ça y est, tu les as eues ?

Ma sœur honteuse a acquiescé

– Oh la la, , ça y est, les problèmes vont commencer.

Un de mes amis m’a raconté l’histoire d’un père qui un jour, lorsqu’il a appris que sa fille avait eu ses règles, l’avait invitée au restaurant, pour célébrer l’entrée dans le monde de la féminité.
Oh, comme j’aurais trouvé cela beau, un rituel comme ça, pour célébrer, l’entrée dans le monde des jeunes hommes.

Que mon père, ou mieux encore, ma mère me dise :

– Bravo mon fils, tu viens de réaliser ta première branlette, tu as réussi à éjaculer sur le polochon, allez, viens on va fêter ça.

 Un jour, lors d’une séance d’étiotherapie, la thérapeute, a qui je n’avais rien raconté de notre histoire familiale, m’avait dit cette phrase étrange :

– Namir, tu n’est pas ton grand-père. Il est temps que tu te détaches de lui. Arrête de chercher à la protéger.

Je n’avais alors pas compris grand-chose à ses propos. Ce n’est que récemment que j’ai perçu à quel point Saïd avait eu une influence sur la vie de ma mère et sur la ma manière dont je suis devenu homme.

En écrivant ces lignes, je réalise en frissonnant, que Saïd, c’est aussi le deuxième prénom que j’ai donné à mon fils.

Certains disent que nous venons sur terre pour réparer les fautes de nos ancêtres.

Alors, chère maman, ne m’en veux pas trop de divulguer cette histoire, toi qui m’avais fait promettre de la garder secrète.

Je resterai ton fils désobéissant.

Je crois qu’écrire est peut-être mon moyen de libérer nos fantômes pour les aider à retrouver leur places parmi les esprits, pour que nous et nos enfants puissions enfin retrouver notre place parmi les hommes et les femmes

 

 

 





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Je ne sais pas comment s’est passée l’entrée dans le monde des grands pour toi.

Pour moi, ça a été assez violent.J’étais un enfant plutôt naif, et pas vraiment au fait des questions sexuelles jusqu’à l’age de 10 ans.

Et je crois que j’aurais bien aimé en rester là.

A la maison, on ne parlait jamais de ces sujets là. Mes parents ne s’embrassaient pas devant nous. Et pour moi, ils avaient du coucher ensemble deux fois dans leur vie. Une fois pour moi, l’autre pour ma sœur. Et encore.

Je pense meme que l’idée d’envisager cela à l’époque, m’etait insupportable.

Ma mère était une femme respectable. Elle ne pouvait donc décemment pas pratiquer le sexe. Dès qu’il y avait un film a la télé, ou l’on voyait des corps denudés, ou des manifestations de désir sexuel, ma mère me faisait fermer les yeux

 

«  Il n’y a que dans les films francais qu’on voit des choses aussi dégoutantes…. …. »

 

Je ne comprendrai ses réactions, que bien des années plus tard. Autant dire, que j’avais pas été préparé à accueillir cette vague qui allait me submerger, ce matin de février 1985.

 

 

J’étais arrivé en retard dans ma classe de CM2. Le cours avait déjà commencé. En me dirigeant vers mon siège, au troisème rang, j’ai froncé les sourcils. Un nouvel élève  était assis à ma place. Mme Boutel m’a fait signe de m’installer au fond, à côté de Roxaneh.

Le nouvel élève tourna la tête vers moi. Et j’ai été soudain troublé par ce visage androgyne aux traits si fins, cette peau halée et douce, et ces yeux couleur amande, légèrement bridés.

A cause de ses cheveux courts, je l’avais prise pour un garçon. Elle s’appelait Anne- Laurence.

Depuis le dernier rang, je l’épiai avec fascination. Tout mon corps était pris d’une forte agitation, et d’un tumulte inexpliqué. Était-ce mon égo de garçon qui s’était fait piquer sa place ? Ou l’expression d’un combat intérieur contre des pulsion naissantes que, sans connaître, je combattais déjà.

Pendant des semaines, J ai passé mon temps à dénigrer Anne-Laurence, et dire du mal d’elle à mes amis garçons, répétant à quel point je la détestais, et la trouvais stupide. Et trouvant n’importe quel prétexte pour parler d’elle, et nourrir cette délicieuse agressivité.

Elle m’obsédait, et en même temps, j’étais incapable de lui adresser la parole. Des pulsions inconnues m’agitaient, incontrôlables. Comment canaliser cette énergie ? Et quoi en faire ?

La réponse ne tarda pas.

Un jour, à la sortie du collège, je l’ai aperçue marchant avec sa mère.

J’étais avec un pote, et j’ai voulu frimer. Alors, avec  aplomb, je me suis dirigé vers la maman

 

« Bonjour madame, est ce que vous pourriez dire à votre fille d’arrêter de faire la pute en classe ? »

 

Elle m’a dévisagé, surprise. J’aurai pu m’arrêter la. Mais c’était comme un engrenage. Je ne pouvais pas faire marche arrirere. Je me souviens lui avoir repondu

« Merci, madame la pute ! »

 

J’ai voulu reprendre mon chemin comme si de rien n’était. Elle m’a rattrapé, pris mon nom.

Et le lendemain, j’ai été convoqué avec mon père par la direction de l’école.

 

Je me souviens de ce moment :  debout, tête baissée à côté de mon père, et de la directrice qui ne comprenaient rien à ce qui s’était passé. Je n’osais pas regarder ma maitresse dans les yeux, tellement j’avais honte.

Je portais le poids de ma propre honte, et celle de mon père.

L’humiliation était totale.

J’ai vu une de mes larmes tomber sur ma chaussure. 

 Je savais que plus rien ne serait jamais comme avant, désormais

Un nouveau monde était en train de s’ouvrir à moi.

Et je n’en voulais pas.

La maitresse et la directrice étaient stupéfaites. Jusque là, j’étais un garçon sage et sans problèmes. Mon père était démuni. La maitresse a expliqué que si j’avais agi ainsi, c’était surement sous la mauvaise influence de Josselin Blaise, le rebelle de la classe.

Ce dernier s’est retrouvé avec un blâme.

Et moi, avec la honte supplémentaire, de passer pour un traitre,un collabo, qui avait lâchement dénoncé un pote.

La fin de l’année a été chaotique.

Maudite puberté, que je t’ai haie.

Comme j’ai haï ces poils qui ont commencé à pousser sur mes jambes, puis autour de mon sexe, et sous mes aisselles.

Comme j’ai haï cette voix qui allait commencer a muer.

Et comme j’ai haï pardessus tout ce désir qui montait en moi, incontrôlable, animal, et faisait de moi quelqu’un que je ne voulais pas être

J’aurai préféré rester cet enfant naïf.

Grandir, je voulais pas.

C’est à travers cette expérience pitoyable que j’ai mis le pied dans le monde des grands.

Mais d’où venait donc ma honte ?
Pourquoi ai je accueilli la naissance de mon désir avec autant d’agressivité ? Qu’est ce qui a fait que je rejetais autant ma sexualité ?

Je n’avais pas  été préparé à cela. 

Des années plus tard, les pièces du puzzle de ma lignée familiale commenceront à se recomposer, et je pourrai donner du sens à cet évènement, et à la replacer dans une histoire plus large.

Un histoire qui a pris sa sources aux bords du Nil, dans un petit village de Haute- Égypte, pendant l’été 1941.

Je t’en parle demain, promis

Et toi, raconte, comment as tu rencontré le désir, la première fois ?

 

 





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Version texte

On me reproche souvent,  de parler beaucoup de moi, d’exposer ma vie privée, que ce soit dans mes films, ou à travers ce blog,

C’est vrai que j’ai du mal parfois à faire la distinction entre l’espace intime et personnel, et la sphère publique.

Et même si je joue aussi parfois de cette confusion entre réel et fiction, j’entends bien que ça puisse être dérangeant, cette forme d’impudeur, qui a souvent choqué mon père.

On lave son linge sale en famille.

Mais, c’est toi ma famille.

Et si tu veux pas en faire partie, tant pis.

Je continuerai à laver (Maria, pff….)

Et si tu me trouves un peu trop autocentré, égocentrique ou narcissique, t’as raison. C’est juste que j’ai beaucoup de retard à rattraper dans mon chemin vers la maturité. J’ai encore peur du silence, alors je fais du bruit.

Ça me rassure que tu entendes mes cris.

 

 

Mais j’écris pas pour que tu aies pitié de moi, ou que tu me plaignes, hein !

Si c’est le cas, alors je suis passé à côté de l’écriture. Et je t’invite à passer ton chemin.

J’ai pas envie de créer un cercle d’enfants maltraités, pour qu’on y partage nos lamentations.

Il y a déjà un mur entier dédié à cela.

J’écris pour venir atteindre ton inavouable impudeur.

 

Un jour, Louis Jouvet, immense acteur, est allé sonner à la porte du décadent poète Jean Cocteau. Un majordome en tenue du XVème siècle lui avait ouvert la porte, un chandelier à la main, très solennel

MAJORDOME
Vous venez pour le maître ?

JOUVET ( avec son inimitable accent parigot)
 Nan, juste pour le voir.

Cocteau a su faire de ses défauts des qualités, en les transformant en revendications.

Ce que ton public te reproche, cultive-le, c’est toi.

 

Parler de moi, c’est juste mon biais pour te parler de toi.

Pour te provoquer, y compris dans mes maladresses.

Des fois, c’est poétique, et ça passe. Et d’autres, çà l’est moins. Comme quand je parle de cul, de sexe, de bite, et que je te provoque gentiment. Et encore, je me retiens.

 

L’autre jour dans le cercle d’écriture, j’ai proposé un texte entier de lâchage de gros mots. Juste pour le plaisir d’entendre des gens rougir, et jubiler en prononçant des phrases obscènes. L’une des participantes a du dire plus de gros mots en 5 minutes que pendant sa vie entière. Ça a bien détendu l’atmosphère.

 

J’ai pas le courage de Bukowski, et de sa poésie triviale.

Mais j’y trempe parfois un peu le bout de mes doigts.

Tu sais pourquoi ?

Parce qu’au fond, ça me plait.

Pendant des années, j’ai parlé de pleins de sujets passionnants avec mes amis, et collègues. De l’humain, des relations, de l’art, de la création, de nourriture, de sport de travail, de religion, et que sais je encore.

Pourtant, le cul, silence radio.

Et je sais pourquoi. Ça me foutait la trouille de devoir m’exposer, parler de ma vulnérable sexualité. Alors, j’esquivais le sujet.

Alors qu’en proportions, le cul, que ce soit par sa présence ou son absence, il occupe tout de même une sacrée place dans nos vies, non ?

En tout cas dans la mienne.

Mais peut-être que je suis un alien.

 

Alors, oui, je sais, je pourrais prendre des pincettes pour parler de sujets aussi essentiels que l’intimité, la sexualité, et tout ça.

Mais des fois ca fait du bien aussi d’appeler, comme dit Piccoli, un chat un chat, et une chatte une chatte.

Et si ma crudité coince un peu chez toi quand je mâche plus trop mes mots, t’es pas obligé d’avaler mes salades.

Recrache. Mais t’étouffes pas.

 

J’aimerais qu’on ose parler de tout ensemble. Et exposer ta trivialité aussi a quelque chose de respectable, même si elle est enfouie dans les soubassements de ton surmoi. On est tout de même au pays de Rabelais, de Brassens, et de Pierre Louÿs.

En thérapie, Farelly l’a bien compris, le parler cru, et les sujets qui font rougir, ca libère vachement.

Au fond, le cul, c’est peut-être juste l’arbre qui cache la forêt. Un miroir amplifié de la vie. Que tu le pratiques en solo, en duo, en troupe ou pas du tout, il s’y exprime les mêmes enjeux émotionnels et relationnels que dans le reste de ta vie. On y rejoue avec moins de filtres, notre rapport au contrôle, à l’abandon, à la perfection, à la frustration, à la dépendance, au chaos, au pouvoir, à l’impuissance et à l’amour. On s’y révèle vulnérable, mou, fragile, insatiable, animal, enfantin.

Quand des clients viennent en séance pour parler de leurs complexes de petite bite, d’éjaculation précoce, de vaginisme, ou de leurs paraphilies, souvent çà se résoud du coté du sens de la vie, des loyautés familiales, du rapport à papa, maman, à la honte, et des liens d’attachements.

Et c’est beau, cette passerelle entre le trivial et le divin. C’est ça l’humain.

On n’est pas que des êtres purs et spirituels.

On est aussi de mangeurs de merde.

Je pourrais demander à mes clients « dis moi comment tu baises, ou sur quoi tu te branles, et je te dirai qui tu es ». Bon, je risquerai de perdre du monde. Restons plutôt sur nos colères face à nos enfants, ou notre addiction aux bonbons. Parce que les bonbons, c’est tellement bon, bien que les fleurs  soient  plus présentables.

Au fond, notre rapport au sexe exprime notre désir de vivre et d’aimer, et notre angoisse fondamentale face à notre disparition, et au sens de la vie.

Rien de bien grave en fait.

Alors, je veux bien remettre ma casquette du gentil nounours, et de reprendre des propos civilisés, et des textes plus poétiques, mais sache juste que si j’écris autant, c’est parce que je travaille sur ma honte, et sur mes peurs, et que je cherche juste à apaiser, ou épuiser le torrent de manque qui m’habite pour trouver un jour le chemin du silence, de la sagesse, et des haikus.

Et en faisant cela, crois-moi, je ne pense pas qu’à moi.

J’écris pour te dire que c’est possible. Et pour pour pouvoir t’accueillir pleinement, le jour ou toi aussi, tu seras prêt à venir t’exposer.

Et ce jour, je te le promets, j’apprendrai à me taire, et être complètement disponible pour toi, pour t’écouter, et pour apprendre de toi.

 

 

 





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– Papa, comment on sait si l’autre, il est consentant ?

– Ah, c’est très simple en fait. On lui demande. Quand il dit non, c’est non.  Et oui, c’est oui

– Et si l’autre dit non, et qu’on l’oblige quand même ?

– Alors, là, c’est de la violence, de la domination, de l’emprise, enfin… c’est pas bien quoi. Et la relation se divise en deux camps : L’ agresseur et l’agressé.

– Ben moi, papa je suis pas consentant pour faire mes devoirs. Ni ranger ma chambre. Ni mettre la table.

– Euh, c’est bien tenté, mais tu vas les faire quand même.

– Pourquoi ?

–  Parce que je suis ton père. Et que tu fais ce que je te dis !

– Ah, ouais… le consentement c’est pas pour tes enfants, c’est juste pour tes articles de blog, c’est ça ?

Euh, comment dire…

 

 

Faut bien admettre que c’est pas clair pour moi, ces histoires de consentement. Parce que des fois, oui, c’est non. Et non, c’est oui.

En Égypte, quand tu payes un marchand, il te répond non et refuse ton argent en moyenne 4 fois, avant de finir par accepter tes sous. Pour t’obliger à insister lourdement et offrir ce que l’autre attend de toi. Dire non, c’est juste un moyen poli de dire oui.

Une relation consentie passe par respecter le non du partenaire. Mais déjà, il faut avoir la capacité de l’entendre, le non du partenaire (je t’invite à lire mon article intitulé Le voile d’oubli)
Et surtout, comment on fait pour dire non quand on ne sait pas, ou ne peut pas le faire ?
Dans un état de sidération, ou de choc, le corps est incapable physiologiquement pas dire non. Combien de femmes chez leur gynécologues, se sentent salies ou violées parce que le médecin, homme ou femme, ne les a pas prévenues qu’il allait les toucher, et l’a fait sans leur demander la permission ?

Et face à leur silence sidéré, leur incapacité à dire non, s’ouvre alors le chemin du malaise et de la honte. Alors qu’au départ, elles étaient consentantes à aller chez le gynéco.

Récemment, je prenais un verre avec une amie. C’était sympa. J’étais sur le point de rentrer, parce que j’avais du boulot, et j’étais fatigué.

– J’ai faim. Ça te dit qu’on aille manger un bout ?

Et j’ai répondu  « oui ».
Pourtant j’en avais pas du tout envie.
Le plus étonnant, c’est qu’avant de dire oui, j’ai pris le temps de sonder mes ressentis. Et que tout mon corps disait « non »
Mais j’ai répondu oui.
Comme ce moment où, face à une collègue, dans ma formation d’hypno-sexologie, elle m’a demandé :

– Sur quoi tu veux travailler, Namir ?

– Franchement, j’ai abordé beaucoup de sujets assez lourds cette semaine, et je suis pas sûr que ce soit une bonne idée de travailler encore sur mon rapport à la sexualité.

– Prends le temps et pose toi la question, si tu as envie ou non de faire cette séance.

Et devinez quoi ?
Ça a encore répondu « Non » à l’intérieur. Et j’ai fini par dire oui.

A quoi donc ai-je dit oui, alors que mon corps disait non :  au désir de l’autre ? A ma sécurité émotionnelle ? A la paix sociale ?

Avec cette fille au restaurant, qu’est ce qui m’a poussé à accepter de rester alors je ne voulais pas ?

Avais je envie de lui faire plaisir ? Non.
Avais je peur de dire non? Oui
Peur de la décevoir ? Oui
Peur qu’elle se sente rejetée ? Oui
Peur que je me sente rejeté ? Oui
Peur d’être un garçon désobéissant ? Oui

Un jour, je grandirai, et deviendrai un adulte, pas con, s’entend. Et je serai suffisamment confiant en moi,et dans les autres, pour être en paix avec le non. 

Avec mon amie, on a passé un long moment au restaurant, à discuter. Puis, prenant mon courage à deux mains, je lui ai avoué que j’avais dit oui à sa demande, alors que je n’en avais pas envie
Elle m’a écouté, attentivement, m’a rassurée.
M’a dit que j’étais libre, et qu’elle ne l’aurait pas mal pris, si j’étais parti.
Elle l’aurait parfaitement compris, et ma remercié de le lui avoir dit.
Je me suis senti soulagé, rassuré, compris.
J’ai aimé la qualité de notre dialogue. Et mon non s’est transformé en vrai oui.

Ça commence peut-être par la, le consentement : apprendre à s’écouter intérieurement avant de répondre oui ou non à une demande. Cesser la violence contre nous mêmes lorsqu’une part de nous veut prendre le contrôle sur l’autre. Recréer du dialogue, et de la fluidité en nous, et faire en sorte que nous ne devenions pas nos propres agresseurs. C’est le meilleur rempart contre la culpabilité et la honte, ou le fait de se décharger sur l’autre de notre propre responsabilité.

« C’est de ta faute. J’en avais pas envie. J’aurais jamais du t’écouter ».

Chacun de nous est responsable de la manière dont il gère sa relation à soi.

Cela signifie aussi que nous ne sommes pas responsables si l’autre en face est triste ou déçu parce que nos prenons soin de nous. Cela n’est ni un manque de respect, ni un manque d’amour.

Et puis, tu sais, t’as pas à t’en vouloir. Si tu réponds oui, alors que ton corps dit non, j’imagine que tu fais au mieux. Ce qui pourrait t’aider, serait d’aller rencontrer ce qui a dit oui en toi, sans te juger. Parfois, c’est un enfant blessé qui a besoin d’être rassuré (cf mon article sur tuer l’enfant intérieur)
En cela, le travail personnel, ou les cercles d’écriture peuvent t’être bien utile.

Nous sommes aussi libres de dire oui à l’autre, même lorsque notre corps dit non. L’important, au fond, c’est juste de savoir pourquoi on le fait.

Cela ne nous mettra pas toujours à l’abri des agressions du monde extérieur. Et du fait que des fois, on subira des violences. Mais nous ne sommes pas tout puissants. Nous ne pouvons pas contrôler le flux de la vie, les ouragans, et les bourrasques du monde extérieur.

Je crois juste qu’elles nous atteindront moins, si nous apprenons a consolider notre édifice interne, celui de l’estime de soi, et de la confiance inébranlable dans la vie, c’est à dire notre capacité à nous aimer, et nous connaître.

– Ok,  papa, mais est ce que je suis toujours obligé d’aller prendre ma douche, alors que j’en ai pas du tout envie ?





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L’intérêt d’écrire régulièrement, sans chercher de résultat, c’est qu’il arrive parfois, qu’un simple texte jeté en 5 minutes surgisse comme une Révélation, exprimée par une Intelligence Supérieure, qui te connait mieux que toi-même, et t’envoie des messages parfois prémonitoires.

Un samedi matin pendant un des mes exercices d’écriture, j’ai écrit un couplet.

Je vivrai cette vie sans toi
De ma tristesse je ferai joie
Et la vie me fera roi

Je ne sais pas d’où il est sorti. Je sais juste que j’ai ressenti de la tristesse en l’écrivant.

Jusque là, rien d’extraordinaire.

 

Dans l’après-midi, avec mon fils Joachim, nous nous sommes promenés dans la forêt, en face de notre maison.

– Papa, t’es triste que Grand-mère soit morte ?
– Bien sur, Joachim. Qu’est ce qui t’a fait penser à elle ?
– Elle me manque.

Quand ma mère est morte, en 2015, Joachim avait 3 ans. J’ignore ce qui lui reste d’elle. Même s’ils sont tous les deux nés un 1er avril, et que cela a sûrement créé des liens.

– Tu crois au Paradis ?
– Non. J’aime pas trop cette idée.
– Moi je crois que si je fais des choses biens dans ma vie, j’irai au paradis.
– Ah ? Et qui décidera si tu as fait des choses bien ou pas ?
– Bah, moi. Dans mon cercueil, je réfléchirai à ma vie, et après… je verrai si je peux aller au paradis. Et je pourrai aussi décider de revivre une autre vie.
– Joachim, qu’est ce qui t’a raconté ça ?
– Personne, je le sais.

Ma tristesse est bien antérieure à la mort de ma mère, même si elle s’est accentuée depuis : elle a accompagné mon histoire, mes échecs professionnels, mes scénarios inachevés, mes séparations amoureuses, l’exil familial, notre héritage de minorité chrétienne dans un pays musulman. Elle était sacrément profonde, cette tristesse.

Pendant des mois, c’était devenu mon principal objectif de travail en thérapie : m’en débarrasser.

En vain.

– Ferme les yeux. Quand tu les rouvriras, tu seras au dernier jour de ta vie. Quelques minutes avant ton dernier souffle. Et là, décris ce que tu vois.
– Je suis sur mon lit de mort et….
– Et que se passe-t-il ?
– Je vois…

Il y a eu un silence.

Et la tristesse est revenue. Insondable. Comme une vague me submergeant. Et J’ai plongé dedans.

Le thérapeute est resté silencieux.

La gorge nouée, j’ai réussi à articuler quelques mots.

– Enfin, je vais pouvoir m’en aller. Et retrouver….

Le silence s’est prolongé. Les larmes ont coulé, pures, belles, intenses.

Deux silhouettes se trouvaient debout devant moi, silencieuses.

Mes parents

J’étais si triste de vivre cette vie et de perdre mes parents, que la mort m’apparaissait comme une libération. Ainsi donc, si je me fiais à cette projection de mon imaginaire, cette tristesse allait m’accompagner jusqu’au dernier jour de ma vie. Et jusqu’à la fin, je resterai leur enfant.

Merde.

Bizarrement, j’ai senti comme un grand soulagement.

Et puis j’ai compris.

J’ai compris que je devais abandonner

Abandonner non pas la tristesse, mais le désir de m’en libérer

Et ça m’a fait un bien fou.

Je vivrai cette vie sans toi
De ma tristesse, je ferai joie

Et la vie me fera roi

Alors aujourd’hui, je t’écris depuis cette tristesse.

Cette tristesse de celles et ceux dont le corps a quitté l’enfance malgré eux, pour qui l’entrée au collège de la vie a été un déchirement.

Cette tristesse de celles et ceux qui, même entourés, se sentent seuls, ou différents.

Cette tristesse des abandonnés, hypnotisés par leur manque, accrocs à leur besoin de recevoir, plus qu’à leur désir de donner.

Aujourd’hui, cette tristesse est là. Elle est une des sources même de mon écriture.

Les alchimistes transforment le plomb en or.

Mais nous, nous pouvons transformer toutes nos souffrances en lettres d’or. Et faire de nos expériences personnelles un baume universel.

Alors, si tu ressens de la souffrance, plutôt que de chercher à la fuir, ou t’en débarrasser, sers-t’en. Raconte la. Fais en ton essence créative, ton moteur de guérison.

Ce samedi, le soleil perçait sous les arbres de la forêt, et faisait scintiller la lumière sur nos visages. J’ai souri à Joachim.

–Tu sais Papa, moi je crois qu’on se reverra dans une autre vie. Et peut-être que ce sera moi, ton papa, et toi tu seras mon fils.

– Peut-être, Joachim. Qui sait…

– Ou alors,  j’ai été ton papa, avant. Et c’est pour ça que t’es devenu mon papa, aujourd’hui. Tu sais, ça se trouve, grand-mère, elle est déjà revenue. Peut-être que maintenant, elle est Berlioz.
– Berlioz, notre chat ?

On est rentrés.

Berlioz, allongé sur le canapé, nous observait tranquillement.

Joachim a pris son micro, comme il le fait parfois, et dans sa chambre, s’est mis à improviser un slam au rythme dansant et joyeux

Sans toit, c’était difficile
Trouver une place sur cette ile.
Sans Toi, c’était difficile
Trouver ma place sur cette ile.

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J160 - Le droit à la détresse

« Quoi ? vous vous séparez, mais comment est ce possible ? Je n’arrive pas à y croire… On vous a toujours vus comme un couple modèle. »   C’est fou cette tendance que l’on a à idéaliser la vie des autres. A…

J159 - Te montrer vraiment

J’ai peur de déplaire. C’est une des propositions sur lesquelles nous avons écrit lors du précédent cercle. Commencer ton texte par cette phrase, et partir ensuite pour 10 minutes de flow ininterrompu, ça te fait partir…

J158 - T'es con, ou tu le fais exprès ?

- Mais enfin, t’es idiot ou tu le fais exprès ? J’ai 12 ans. Et Mme Burchill, ma prof de biologie nous emmène en forêt observer la nature, nous donnant comme devoir de la décrire. J'aperçois une araignée dont…

 

Version texte

Om Doma, Egypte. 05 Novembre 1974. Ma mère a 30 ans, et un bébé de 29 jours dans les bras. C’est moi. Elle est sur le point de prendre une décision qui va changer le cours de sa vie, et la mienne.

Paris. Quelques mois plus tot. Janvier 1974.  Ma mère est enceinte. Je ne suis pas un enfant désiré. L’avortement étant interdit en France, il faut  passer par l’Angleterre. Mon père y est favorable. Ma mère refuse, craignant qu’en interrompant cette première grossesse, elle ne puisse plus avoir d’enfants par la suite.

07 Octobre 1974. Ça y est, je suis né. Une question se pose désormais : qui va s’occuper de moi ?

Mon père prépare sa thèse, tout en faisant des traductions à l’Unesco. Ma mère, pour l’aider, a continué à travailler jusqu’au dernier jour de sa grossesse.

Très rapidement après ma naissance, le quotidien se révèle intenable. Pas de crèche, ni de nounou. Le studio de la rue Miolis est minuscule. Les moyens financiers insuffisants. Et je crie et pleure beaucoup.

La solution envisagée est l’Egypte. Ma mère y retournera avec moi pour laisser mon père avancer sur sa thèse.

– Ne fais surtout pas ça ! Si jamais tu laisses ton mari tout seul en France, tu le perdras. Je sais de quoi je parle :  quand je suis venu travailler en France, j’ai laissé ma femme en Algérie pour quelques mois. Et ça n’a pas manqué : Une française m’a mis le grappin dessus, et j’ai du quitter ma femme. La France est un pays dangereux pour les hommes. Tu n’imagines pas de quoi les françaises sont capables. Ne prends pas ce risque, Siham. Laisse ton bébé en Égypte, et reviens en France. Ta place est auprès de ton mari.

Je ne connais pas le prénom, de ce monsieur avisé, ami de mon père. Avec son super conseil donné à ma mère, il tracera mon avenir.  Ma mère me confiera à sa sœur Enayat, et rentrera seule, en France.

Je ne juge pas ma mère.

Je ne suis pas à sa place.

Enfin, si. Elle est partie. Elle m’a abandonné.

Et je lui en veux toujours.

Deux ans, sans voir tes parents, sans comprendre pourquoi du jour au lendemain, ils disparaissent de ta vie, sans donner de nouvelles, ça laisse des traces.

Mais, tu sais, il y a quelque chose de pire encore que d’être séparé de tes parents

Les retrouver.

Décembre 1976. Ma mère vient me récupérer. J’ai deux ans. Je ne la reconnais pas. et je veux rester avec ma tante Enayat. Ma mère essaye de m’amadouer avec des bonbons et des sucreries. Enayat, qui m’avait élevée comme son fils, me regarde partir, effondrée.

Et voilà, comment à l’âge de deux ans, j’ai vécu un deuxième abandon.

 Quand t’es bébé, et que tu retrouves devant des inconnus qui te disent : on est tes parents, alors que toi, t’as juste appris a les oublier, et transférer tes figures d’attachement sur d’autres personnes, c’est violent, chaotique, perturbant.

Je crois que j’en ai tiré une croyance bizarre : si ma mère a disparu de ma vie, et qu’elle est revenue deux ans après, alors ça veut surement  dire que les mamans reviennent toujours, qu’elles ne disparaissent jamais vraiment.

Février 2015. Mais non, Namir, cette fois, ta maman est partie pour un pays dont on ne revient pas.

Mars 1977.  J’ai 3 ans. Avec mes parents, les débuts sont difficiles. Il  faut s’apprivoiser. Dans ce nouveau pays terrifiant qui s’appelle la France, mes parents posent des limites. Me grondent. Je leur réponds en sanglots :

« Ouvrez moi la porte, je rentre chez moi »

J’ai continué à retrouver ma tante Enayat tous les étés au village. Elle m’accueillait avec des larmes de joie, me couvrant de câlins et de baisers.

Et moi, ses baisers et ses câlins, je les détestai. 

Derrière ce dégout, se cachait la colère inavouée de m’être senti  abandonné.

J’en ai développé un ressentiment contre elle. Contre ma mère. Et contre toutes les femmes.

Mars 2022. Ma tante Enayat a son tour est partie pour le pays dont on ne revient pas. Elle a retrouvé sa soeur.

Et beaucoup de larmes ont coulé.

Dans certaines philosophies, on croit à la réincarnation. On suppose que notre âme vit au-delà de notre existence matérielle, corporelle, terrestre, et qu’elle sait exactement de quoi elle a besoin pour devenir plus sage, grandir, se développer :

ELLE A BESOIN D’UNE SITUATION D’APPRENTISSAGE OPTIMALE

Et c’est ce qu’elle fait en choisissant de s’incarner sur terre.

Je ne te demande pas de croire à cette idée. Je te partage juste, pour la suite de cet article, une expérience que je propose dans ma formation d’écriture créative. Teste la, et vois comment elle peut te donner un nouvel éclairage sur ta vie.

T’es prêt ?

C’est parti.

Imagine une âme. Elle doit choisir la prochaine vie où elle va s’incarner, une vie dans laquelle elle va se donner une incroyable opportunité. Et parmi les 7 milliards d’humains sur terre, elle choisit alors de naitre, et de s’incarner EN TOI.

Oui.

Cette âme va choisir de devenir toi en sachant exactement TOUT ce que tu vas traverser : ta naissance, les bobos, les souffrances, la solitude, les peines, les trahisons, les humiliations, les séparations et les injustices.

Elle va choisir cette vie justement pour ces raisons-là.

Cette âme va dire :

« Je choisis de vivre la vie de Namir (tu peux mettre ton prénom) sachant exactement ce qu’il va traverser de chouette, et de terrible, parce que c’est de cette expérience là dont j’ai le PLUS besoin pour apprendre ce que j’ai besoin d’apprendre. »

Et la question que j’ai envie de te poser est la suivante :

Toi, âme, qu’est ce que tu es venu apprendre en choisissant CETTE vie ?

Je ne te demande pas de croire à la réincarnation, hein !  Juste d’imaginer que tout ce que tu as vécu ou traversé dans ta vie, n’a eu lieu que dans le but de te permettre de faire un apprentissage essentiel.

Peut-être que cette question te fait grincer, et que tu sens une résistance qui s’active en toi,  en disant :

 » Mais non, c’est n’importe quoi ! Je ne suis pas responsable de ce que j’ai subi ! Je n’ai tout de même pas choisi de me faire frapper, agresser, que mes enfants coupent les ponts avec moi, ou de subir cet accident. C’est n’importe quoi ! »

Bien sur, tu n’es pas  responsable de ce que tu as subi, hein. Mais tu es responsable du sens que tu donnes à tes expériences de vie.

Si je reprends l’exemple de ma vie, elle a été marquée par plusieurs abandons, le manque et la séparation. J’en souffre encore aujourd’hui.

Même s’il me reste encore une pointe de regret et de ressentiment, en me disant :  » j’aurais aimé que ma mère ne m’abandonne pas, et que je ne sois pas traumatisé.  J’ai pas eu de chance d’avoir eu un père maltraitant. Quel gâchis tout de même ce temps perdu, à cause de l’incapacité de mes parents à communiquer avec moi, etc……  »  c’est aussi grâce à ces expériences, que j’ai pu devenir qui je suis, développer des capacités d’imagination incroyables pour fuir les souffrances et le rejet.

C’est grâce à cela,  que tu te retrouves à me lire aujourd’hui.

Je peux rendre grâce aujourd’hui à ce monsieur dont j’ignore le prénom et son conseil avisé, à ces dangereuses françaises qui te mettent le grappin dessus, et à ce pays d’où on ne revient jamais.

Et ça, c’est chouette.

Si cela te paraître bizarre de considérer que tes expériences douloureuses sont en fait des situations idéales d’apprentissages, prend le temps de te demander quel est l’avantage et le bénéfice ultime que tu as eu à vivre cela. Et trouve quelles leçons de vie se cachent derrière.

Je sais que c’est parfois douloureux, de replonger dans des moments pénibles de ton existence, pour en chercher la moelle, celle qui te fera dire : « ah, c’était donc pour ça ! »

Mais quand tu trouves, c’est le même effet que quand tu retrouves enfin ton « chez toi ».

Cette question m’accompagne encore de temps en temps.

Je me le suis reposée hier, dans un moment de crise. Je marchais dans la rue. La réponse que j’ai trouvée  était totalement inattendue, et m’a permis de trouver concrètement une solution a un problème que je vivais. Et ça m’a fait un bien fou. Je t’en parlerai demain.

Et toi, quelles sont tes leçons de vie  ?

 

 

 

 

 

N’hésite pas à me faire part de tes réactions : tes commentaires m’aident à faire vivre ce blog. Parfois même, de nos échanges pourra naître un article.

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Et si tu veux explorer à ton tour l’écriture, jette un oeil à  Inspirateur – mon programme en ligne.

J160 - Le droit à la détresse

« Quoi ? vous vous séparez, mais comment est ce possible ? Je n’arrive pas à y croire… On vous a toujours vus comme un couple modèle. »   C’est fou cette tendance que l’on a à idéaliser la vie des autres. A…

J159 - Te montrer vraiment

J’ai peur de déplaire. C’est une des propositions sur lesquelles nous avons écrit lors du précédent cercle. Commencer ton texte par cette phrase, et partir ensuite pour 10 minutes de flow ininterrompu, ça te fait partir…

J158 - T'es con, ou tu le fais exprès ?

- Mais enfin, t’es idiot ou tu le fais exprès ? J’ai 12 ans. Et Mme Burchill, ma prof de biologie nous emmène en forêt observer la nature, nous donnant comme devoir de la décrire. J'aperçois une araignée dont…

Prends une liste de 8 a 10 mots. Mets ton chrono sur 10 minutes. Et invente une histoire. 

Voici la liste de mots du jour, si t’as envie de tester, avant de lire mon histoire.

Robot – chaos – le muret de la cour de récré –
une poule sur un mur – couleur d’un coucher de soleil –une fenêtre et l’horizon –
U
n personnage : Hervé, 32 ans, professeur de CM2 –
Un secret : Céline  aimerait être un homme –

Version audio

Version texte

Le jour de l’inspectrice

Dans la classe, ce mardi, l’ambiance est électrique. Les enfants sont excités : c’est le jour du conte : celui où ils inventent les histoires, qu’Hervé, leur maître leur a proposé d’écrire.
Au début, cela avait commencé comme une punition. Quand Jonas, était trop agité. Ou qu’Aitana et Kevin se bagarraient avec leur chewing-gums, il leur avait donné une feuille de papier, en les obligeant à écrire deux pages complètes.

Ils avaient le droit d’écrire ce qu’ils voulaient, même des insultes si cela leur chantait, du moment qu’ils rendaient les deux pages. Hervé, d’ailleurs, ne lisait même pas le contenu, ce qui avait désarçonné Sanae et Clément, le jour où ils ont rendu leur copie, s’attendant soit à des félicitations, mais plus vraisemblablement à des critiques sur leurs travaux, et se retrouvant finalement avec un simple sourire. Tout ce qu’Hervé voulait, c’était les obliger à écrire, convaincu que cela les aiderait à se défouler, et s’apaiser. Mais ce n’est pas du tout ce qui se passa.

 

 

Un jour, Kevin est venu avec son texte, et a demande au maître l’autorisation de le lire à la classe.

Hervé, surpris, avait accepté. Kevin avait alors lu un texte devant la classe, il y parlait d’un garçon à la peau couleur coucher de soleil, qui s’était un jour jeté par la fenêtre pour toucher l’horizon. La classe avait été émue par ce qu’il y racontait. Cela ressemblait au début d’une histoire…

Bravo Kevin.

Bizarrement, depuis ce jour, les betises augmentèrent dans la classe. Et quand le maitre constata que même Pauline et Jonathan, jusqu’alors irréprochables, s’y mettaient à leur tour, il compris que quelque chose n’allait pas.

Et c’était bien le cas : Tous les élèves de la classe n’avaient qu’une seule envie. Etre punis. Pour avoir le droit d’écrire leurs histoires et de s’exprimer librement. Et c’est ainsi qu’Hervé avait mis en place les matinées d’histoires.

Tous les matins, les enfants écrivaient pendant 10 minutes, n’importe quoi, pour se défouler.

Et depuis, les chewing-gums cessèrent de voler, les insultes disparurent, et les coups de pieds se transformèrent en coups de mains, pour donner naissance à des histoires de bagarres, de super-héros. Des histoires où les gros mots étaient bienvenus, et où les parents se prenaient des fessées, et se faisaient pipi dessus.

Ce mardi là, l’inspectrice était passée dans la classe.

Hervé avait hésité. Devait il reprendre ses bases. Ou juste faire confiance à l’amour qu’il avait pour ses élèves, au risque de perdre sa certification.

C’était un peu le chaos dans sa tête. L’inspectrice avait beau avoir un joli visage, Hervé avait appris à se méfier de tous ces représentants d’un système poussiéreux, et en bout de course.

Il décida de faire confiance à ses élèves. Chaque élève qui le souhaitait, allait pouvoir exprimer à voix haute un début d’histoire. N’importe lequel.

Laurent commença : 

Je me suis réveillé ce matin, et ma mère était devenue un robot. Elle n’avait plus d’émotions.

Jonas enchaîna

Moi ce matin, j’ai vu une poule sur un mur, qui picolait du vin mur.

Cela a beaucoup fait rire Franck.

Moi, ce matin, j’ai eu peur, dit Véronique. Peur que notre travail ne soit pas compris. Et que l’on nous demande d’arrêter de faire ce que nous faisons ici. Si jamais c’est le cas, maître, je voudrais vous dire merci, pour ces matinées, où grâce a vous, j’ai passé de supers moments… et beaucoup progressé.

Kevin, à son tour, leva la main.

Moi, ce matin, je me suis réveillé dans le corps d’une fille. C’était horrible. Mon zizi avait disparu. Mes potes ne voulaient plus jouer avec moi. Et tout le monde me paraissait bizarre. Je n’avais plus envie de parler, ni de dire quoi que ce soit. J’étais  devenu ma sœur Maud. Et j’ai compris pourquoi elle  parlait pas : elle rêvait. Et son rêve, c’était de devenir un garçon qui parle beaucoup, fait pipi autour de la cuvette, et invente des chansons. Ce n’est pas juste que la nature nous fasse garçon ou fille. On n’a rien demandé, nous. Peut-être que des filles sont malheureuses de ne pas être des garçons, et des garçons aussi. Alors j’ai eu une idée : proposer à tous les humains, de changer de sexe pour une journée.

L’inspectrice écoutait silencieuse. Puis Aitana, levant la main.

Madame, je peux vous poser une question ?

Oui, je t’en prie, mais tu peux m’appeler Céline.

Si vous deveniez un homme pendant une journée, Céline, qu’est ce que vous feriez de différent ?

L’inspectrice désarçonnée, réfléchit.

J’irai m’acheter des santiags, un jean, une chemise à carreaux. Et un paquet de Marlboro. Et j’irai aussi…. donner quelques paires de claques à certains.

Et pourquoi vous le faites pas ?

Céline toussota.

Vous avez pas besoin d’être un homme pour faire cela.

Et, comme on est dans une fiction, qui n’a rien à voir avec la réalité,  devinez la suite…

Oui, parfois, les inspectrices aussi, peuvent être influencées par les enfants.

Le soleil brillait ce jour-la à travers la fenêtre de la classe de maître Hervé. Sa peur avait fondu comme neige au soleil. Son cœur s’ouvrit un peu plus. Et il sourit à l’inspectrice.

Elle était quand même pas mal, même en femme. Et puis, une chemise de cowboy, et quelques paires de claques bien consenties, ça ne pouvait pas faire de mal.

Et toi, alors, qu’est ce que tu ferais de différent aujourd’hui, si ton corps devenait celui de l’autre sexe ?

 

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J160 - Le droit à la détresse

« Quoi ? vous vous séparez, mais comment est ce possible ? Je n’arrive pas à y croire… On vous a toujours vus comme un couple modèle. »   C’est fou cette tendance que l’on a à idéaliser la vie des autres. A…

J159 - Te montrer vraiment

J’ai peur de déplaire. C’est une des propositions sur lesquelles nous avons écrit lors du précédent cercle. Commencer ton texte par cette phrase, et partir ensuite pour 10 minutes de flow ininterrompu, ça te fait partir…

J158 - T'es con, ou tu le fais exprès ?

- Mais enfin, t’es idiot ou tu le fais exprès ? J’ai 12 ans. Et Mme Burchill, ma prof de biologie nous emmène en forêt observer la nature, nous donnant comme devoir de la décrire. J'aperçois une araignée dont…

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Boulogne Billancourt. Ce jour, en accompagnant mon père boulevard de la République chez l’épicier, il m’explique ce que c’est, qu’être communiste. J’ai 12 ou 13 ans, et je ne connais pas ce mot. 
Un communiste, c’est quelqu’un qui veut l’égalité entre tous les gens.
Et moi, fièrement, je lui réponds :
Alors, moi aussi, papa, je suis communiste.
Y a des stands de tous les pays, à la fête de l’humanité. Ce sont forcément des gens biens, puisqu’ils sont communistes. Tous frères, tous solidaires. Tant pis si les sandwichs communistes, coûtent aussi cher que ceux de la foire de Paris.

Au stand du parti communiste égyptien, mon père y retrouve ses copains.
5 ans ensemble dans les camps de Nasser, ça crée des amitiés indéfectibles.
Enfin presque.
Un jour, la femme de Dimitri, un des frères d’armes de mon père, a fait une remarque désobligeante. Mon père en a été blessé. Il a demandé à Dimitri de se désolidariser des propos de sa femme. Je ne sais même pas quel était le sujet de la brouille. Je sais juste, qu’après 35 ans d’amitié, lui et Dimitri ne se sont plus jamais parlés. 
Et quand Dimitri est mort, mon père a refusé d’aller à son enterrement.
Tout ça, à cause d’un mot de travers.
Ça a de la valeur, les mots. C’est sacré.
Dans les camps, les geôliers suspendaient parfois les prisonniers par les pieds, et les bastonnaient. 
-Allez, avoue que tu es une pute, sale communiste. Dis-le que tu es une femme, et on arrêtera de te taper.
Ils continuaient à frapper avec leurs bâtons sur les prisonniers suspendus, en espérant que l’un d’eux répète
– Je suis une gonzesse. 
Mon père, comme tous ses amis, a tenu. Plutôt souffrir, que de dire qu’il était une femme.
C’était un homme, mon père. 
Bizarre quand même de considérer qu’être une femme, c’est une insulte.
– Vas-y, arrête de faire ta femmelette.
Sois un homme, au moins une fois dans ta vie
Mais papa, c’est quoi être un homme ?
Moi la souffrance physique et la torture, c’était un de mes pires cauchemars. Ça me faisait tellement flipper, que me sentais prêt à avouer et reconnaitre n’importe quoi, y compris des trucs que j’avais jamais fait, pour éviter qu’on m’arrache un ongle, une dent, ou qu’on me fasse le coup de la baignoire. 
La dignité, et la fierté, mouais…
Un jour, j’avais désobéi à mon père. J’avais emmené ma montre tout neuve au collège, alors qu’il me l’avait interdit.
Manque de bol pour moi, je l’avais cassée.
Le soir, j’étais rentré, et j’avais remis la montre en place discrètement, redoutant la réaction de mon père.
Au diner, il m’a demandé, avec sa voix douce comme le tranchant d’un glaive, si c’est moi qui avait cassé la montre.
Je lui ai juré mes grands dieux que non.
Il s’est figé dans son mutisme.
Et nous avons continué le dîner.
Je suis allé me coucher, la queue entre les jambes, ce soir-là. On partageait la même chambre avec ma sœur. Deux lits superposés. Je dormais dans le lit du haut. N’ayant pas de doudou, j’ai voulu me rassurer avec une peluche de fortune.Et nous avons éteint la lumière. 
Dans le silence de la nuit, la porte s’est brusquement ouverte et  mon père s’est précipité dans la chambre, fou de rage, se mettant à me frapper, avec un bâton ou avec ses mains, je ne me rappelle plus. Une pluie de coups.
– Avoue que c’est toi, qui a cassé la montre ! Avoue !
Il frappait,  je hurlais dans mon lit, essayant d’éviter les frappes sur mes cuisses, le suppliant d’arrêter.
– Je n’arrêterai pas tant que tu n’auras pas avoué ! Je veux pas d’un menteur dans la maison.
– S’il te plaît papa, je t’en supplie, arrête, je te jure, c’est pas moi, j’ai rien fait.
Je ne sais plus quand ça s’est arrêté.
Ma sœur dans le lit du bas est restée muette. 
Je ne me souviens pas si ma mère est intervenue. Je crois qu’elle est restée en bonne épouse docile, en arrière-plan, attendant de me consoler le lendemain matin, quand je lui crierai ma rage contre mon père.
Pourquoi je n’ai pas avoué ce jour-là ? Pourquoi donc ai-je tenu, malgré les coups ?
Etait-ce mon moyen de gagner un combat contre mon père,  de lui dire, du haut de mes 13 ans :
– T’arriveras pas à me faire avouer un truc que je veux pas dire. Tu vois, moi aussi, je suis aussi fort que toi.
Était-ce mon moyen de rejoindre mon père ?
Tu seras un homme, mon fils. Par ces coups, et ces humiliations, je te baptise, au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit.
Dis papa, c’est quoi être un homme ?
Est-ce que je ferais la même chose plus tard avec mes enfants ?  Est-ce que je les frapperai moi aussi, pour qu’ils reconnaissent leurs mensonges et leurs erreurs?
Ou est ce que e préférerais me défouler sur les femmes dans des relations sexuelles de domination, ou au contraire  y jouer le rôle de la femme, tu sais, celle qui se soumet ?
Au fait, papa, oui c’est bien moi qui ai volé la montre
Et t’avais pas le droit de me taper.

Mais, tu sais papa, ce ne sont pas les coups qui m’ont fait le plus de mal. C’est  que tu sois entré dans ma chambre, à l’improviste, sans ma permission.

Ça fait sacrément mal, ça tu sais, quand tu perds confiance dans la vie, et que tu ne te sens plus en sécurité, même chez toi.
Ça en crée de la confusion, papa
C’est pas de ta faute. 
Y a pas de pas de faute en fait.
Juste des hommes qui ont peur d’être des femmes.

 

 

 

 

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