« Quoi ? vous vous séparez, mais comment est ce possible ?
Je n’arrive pas à y croire…
On vous a toujours vus comme un couple modèle. »

 
C’est fou cette tendance que l’on a à idéaliser la vie des autres.
A s’imaginer que chez eux, c’est mieux.
Bah non.

Ce qu’il se passe dans l’intimité des foyers, même de ceux qu’on croit connaitre, nous n’y avons pas accès.
La souffrance, la violence, la peur, la distance, l’incompréhension qu’ils peuvent traverser, ils l’exposent rarement dehors.
 
Parfois même, ils ne la voient pas.
 
Le déni n’est jamais un choix.
 
Et puis, pour beaucoup de gens, dire « ça ne va pas » c’est s’infliger une double peine : celle de rajouter à une souffrance que l’on tente comme on peut de contenir ou de dissimuler, des sentiments comme la honte, la culpabilité ou la panique.


Il m’a fallu attendre d’avoir 45 ans pour commencer un travail thérapeutique qui m’a aidé à voir les traumatismes qui me hantaient depuis l’enfance et aborder l’échec de ma relation de couple.  
 
Pour certains cela peut sembler tard.
Je n’en aurais pas été capable plus tôt.
Oser exprimer ta détresse et demander du soutien quand l’existence t’a appris à te méfier de tout le monde, certains n’y parviendront jamais.
Alors, pour moi, ce fut surtout une victoire. 

Ce que je veux te dire, c’est que les autres aussi souffrent, se débattent, font au mieux pour tenir debout.
Même s’ils ne le disent pas.
Même s’ils ne le montrent pas.
Même s’ils ont l’air d’aller bien de l’extérieur.
 
Alors, si tu es dans ce cas-là  rassure-toi, tu n’es pas seul.
Fais confiance au temps dont tu as besoin pour cheminer. 
Et chéris le moment où tu pourras enfin exprimer ta détresse.
Ce jour là, tu pourras te réjouir deux fois.
 
D’abord pour le cadeau que tu te fais.

Et aussi pour celui que tu offriras aux témoins de ton courage. Même s’ils n’auront pas encore conscience du chemin de permissions que tu leur ouvres.
Laisse leur le temps de digérer la surprise, et accepter que chez les autres, c’est pas forcément mieux.
 
J’en profite pour remercier toutes les participant(e)s réguliers aux cercles d’écriture de cette année, pour votre générosité à vous montrer, et la confiance que vous avez su inspirer à celles et ceux qui nous ont rejoints en cours de route.
 
Libérer notre écriture ensemble nous a fait grandir, assumer notre singularité, nous aimer un peu plus, et rendre grâce à cette intelligence impalpable qui s’est manifestée à chaque fois que nous nous sommes reliés.

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J’ai peur de déplaire.


C’est une des propositions sur lesquelles nous avons écrit lors du précédent cercle.
Commencer ton texte par cette phrase, et partir ensuite pour 10 minutes de flow ininterrompu, ça te fait partir loin.

Teste.

Un participant ayant écrit

Je n’aurais plus peur de déplaire,
si je me montrais vraiment.

 

Un autre a ensuite fait la proposition suivante. 

Si tu te montrais vraiment.
 

Et on est repartis pour 10 minutes.
C’est ainsi. Même si personne ne commente les textes dans les cercles, on fait souvent dialoguer nos propositions, on navigue, on rebondit.
Et la peur de déplaire nous a beaucoup inspiré.
Une phrase en particulier a retenu mon attention.

Quand je me sens en confiance,
c’est là que je suis vraiment moi


J’entends souvent exprimer cette distinction entre les moments où les gens se sont autorisés à être eux-mêmes, et ceux où ils se sont sentis prisonnier d’un rôle, ou d’une situation : 

Je me suis retrouvé à l’écouter pendant deux heures, alors que ça me soulait
J’ai du faire le caméléon.
Là, j’étais pas vraiment moi-même…


Comme si on n’était pas nous-mêmes tout le temps.

Cette impression de ne pas être soi-même pendant une bonne partie de sa vie,  ça génère pas mal de souffrance. Et c’est souvent lié à une confusion entre « qui je suis » et « qui je voudrais être »

Tu peux être quelqu’un de drôle et très sensible quand tu te sens bien, quelqu’un de méfiant et froid quand tu ne connais pas les gens, quelqu’un de rebelle quand tu es devant ta télévision, et quelqu’un de terrifié et soumis face à des figures d’autorité.

Tout ça, c’est toi.

Ce que tu es, c’est pas seulement le truc chouette que tu voudrais que les autres voient.
Ni ta revendication de rebelle face à ce monde en guerre.
Ni les défauts que tu perçois chez toi.
C’est comment tu réagis aux situations de la vie,
C’est comment tu caches certaines facettes de toi pour en montrer d’autres
C’est comment tu te protèges face à l’insécurité.
C’est aussi comment tu ne t’acceptes pas quand tu n’es pas conforme à l’image que tu voudrais avoir de toi.

Si tu te montrais vraiment à toi-même, tu verrais tout cela.


Et tu te rendrais compte que c’est plus reposant de te laisser voir comme un ensemble, plutôt que de filtrer les différents aspects de ton être.
Déjà à toi-même.
Pour les autres, tu verras. Mais souvent, ils se révèlent moins durs que tu ne l’es avec toi-même.

Que cet ensemble que tu es, ne convienne pas à celui ou celle que tu voudrais être, c’est assez normal.
Tu peux juste rappeler à ce mini-bout de toi que vous allez encore devoir vous supporter quelques années. Et qu’il est possible de décider ensemble d’une meilleure manière de relationner.

En fait, si tu te montrais vraiment, le risque serait que acceptes de déplaire vraiment.
Et donc de plaire aussi vraiment.

C’est pratique pour faire le tri autour de toi, et choisir d’aimer vraiment.

 

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– Mais enfin, t’es idiot ou tu le fais exprès ?
J’ai 12 ans. Et Mme Burchill, ma prof de biologie nous emmène en forêt observer la nature, nous donnant comme devoir de la décrire.
J’aperçois une araignée dont je décide de faire le portrait.
Je compte ses pattes, elle en a 7.
– Mais enfin, comment peux-tu être aussi stupide ?
Une araignée a TOUJOURS 8 pattes.
Tu devines pas qu’il lui en manque une ! Réfléchis, idiot !
 » Chère Mme Burchill,vous êtes peut-être déjà morte, mais une partie de vous est restée vivante en moi. Et je réalise que je n’ai jamais pris le temps de vous répondre.
Vous savez, je me suis longtemps senti stupide, parce qu’exclu de votre monde logique où les araignées ont 8 pattes.
Et je voudrais vous remercier. 
Ma stupidité m’a aussi appris à penser différemment.
A entendre les bruits qui courent, les cris du cœur, et les silences éloquents.
A garder un œil critique sur les vérités d’aujourd’hui et les évidences de demain.
Chez moi, il y a encore des araignées à 7 pattes.
Chez moi, « 1+1 » n’est pas toujours égal à 2.
Je ne suis même pas sûr que 1 soit égal à lui-même.
Et si pour vous, un idiot, c’est quelqu’un qui a un retard de compréhension, chez moi c’est quelqu’un qui a un peu trop d’avance sur la majorité des idiots qui l’entourent. Et permettez-moi de vous inclure dans cette catégorie. »
Mais je vous rejoins sur un point Mme Burchill.
C’est pénible d’être face à des gens qui mettent deux heures à comprendre un truc que vous captez en deux secondes.
Tout comme vous, j’ai appris à trouver ces gens-là des idiots.
Même si je préfère les appeler cons.
D’ailleurs, Mme Burchill, à quoi les cons servent, si les vrais faucons s’envolent, tandis que le Grand Condor Profond dément  que pour qu’on s’en tire, il faut que les idiots scient ces teignes ?
« Pas facile de te faire comprendre par des cons.
Surtout quand il y en a 8 milliards autour de toi. »
(Albert Einstein)

Entre gens du même niveau, c’est facile de se comprendre sans efforts, alors que ça en demande beaucoup plus de rejoindre ceux qui pensent autrement.
Moi aussi des fois, je m’impatiente, je m’agace, je me mets en colère.
Et je passe pour un snob, prétentieux et arrogant.

Alors j’oscille entre vouloir rester seul sur ma planète misanthrope, créer des cercles élitistes qui n’incluent que des gens comme moi, ou fréquenter un monde plus vaste et me mélanger aux cons.

On m’a parlé d’un remède à ce dilemme.
Ça s’appelle l’empathie : ce truc qui  vous aide à accepter que les autres sont différents de vous, qu’ils le font pas exprès, et que c’est ni bien ni mal.
Ça veut pas dire que vous devez les aimer.
Ni même que vous devez vous aimer.

Y a des jours où vous vous aimez bien, d’autres moins, des jours où vous méprisez l’humanité, et d’autres où vous débordez d’amour pour l’herbe de votre jardin.
Les autres diront qu’on vous êtes instable, anormal, bizarre, cyclique, soupe au lait, paradoxal ou plein de contradictions.
Ils vous regarderont avec cette fausse bienveillance qui écœure, vous plaindront.
Ou vous comprendront.
Mais je voudrais te dire un truc. (oui, même si je ne connais pas ton prénom, j’ai envie de te tutoyer)
Quand les humains mangent des légumes, ils s’imaginent sans doute que ces légumes sont moins intelligents qu’eux.
Pourtant, même si on déforeste toute l’Amazonie, la végétation repoussera.
Y compris sur les ruines de Gaza.
Alors, voila.
Le brin d’herbe que tu piétines, ou le poireau que tu cuisines, est peut-être mille fois plus intelligent que toi.
Sauf qu’il n’a pas besoin de te le prouver, et te laisse faire tes expériences d’humain, tranquillement.
A la fin, c’est lui qui te mangera.
En me promenant dans les bois, je me suis dit que je marchais peut-être sur Mme Burchill.
Et je me suis souvenu du collège, de l’araignée à 7 pattes, des idiots comme toi et moi, et de tout ce que l’on ne sait pas. 

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Quand j’étais petit, je demandais souvent à mes parents
– On va où quand on dort ?
La réponse que j’obtenais était souvent la même.
– Chut…. C’est plus l’heure de poser des questions, Namir. Dors.
Alors tous les soirs, en me couchant, je m’installais dans mon lit, bien décidé à observer le sommeil, les yeux grands ouverts.
J’avais beau me préparer à l’attendre, jamais je ne le voyais arriver.
Et je rouvrais les yeux au petit matin.
– Merde, il a été plus fort que moi. Il m’a encore eu !
Les soirs suivants, je redoublais de vigilance, et m’allongeait à nouveau dans mon lit, encore plus déterminé à rencontrer cet adversaire qui, la veille, avait eu raison de moi.
Je voulais le rencontrer, espérant enfin avoir la réponse à mon obsédante question.
– Ou vais-JE pendant le sommeil ?
Je voulais ME voir m’endormir, c’est-à-dire être conscient du moment où ma conscience s’évanouissait.
Rassurer cette peur en moi à laquelle aucun adulte ne savait répondre.
Un miroir peut refléter le monde entier, sans se voir lui-même.
Et s’il se place devant un autre miroir, espérant découvrir à quoi il ressemble, il verra juste le reflet que l’autre miroir lui renvoie.
Si le miroir d’en face est déformant, il se verra déformé.
Si le miroir d’en face est loin, il se verra petit.
Si le miroir d’en face est filtrant, il se verra teinté.
Il commencera alors à se demander si l’image qu’il renvoie aux autres n’est pas, elle aussi déformée par sa propre réalité.
Et s’il n’est lui-même finalement rien d’autre que le reflet du monde qui le regarde.
Le petit garçon que j’étais n’a jamais vu le sommeil arriver.
Entre temps, j’ai vécu des milliers de réveils, de rêves et d’histoires incroyables.
Je continue encore parfois à me poser cette question :
– Ou vais-je pendant mon sommeil ?
Et la réponse est ici.
Simple comme ce mot de trois lettres.
Car comment savoir que tu ne dors pas en ce moment et que tu n’es pas en train de vivre un rêve puissant qui s’appelle réalité ?
Le dormeur ne sait pas qu’il dort. Et son sommeil profond lui fait croire à la réalité des rêves.
Ce n’est qu’au réveil que nous prenons conscience que nous existons au-delà même du rêve que nous avons vécu.
En attendant, petit, continues à dormir sur tes deux oreilles.
Et rassures toi.
Tu es le dormeur.
Tu es le rêve.
Et tu es le sommeil.
Tu es tout cela à la fois, et c’est pas rien.

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Il y aura des soleils
des matins vivifiants,
et d’éclatants ciels bleu

des paysages tranquilles,
la saveur des citrons
et les parfums des fleurs

il y aura des naissances,
des éclats de joie
et des rires d’enfants

Je te partage ces mots
comme un pense-bête
pour qu’un jour
ceux que j’aime,
à leur tour,
puissent nous rappeler

qu’il y aura des soleils,
des matins vivifiants,
et d’éclatants ciels bleu, papa.

 

Je me promenais sur mon vélo, et  j’ai vu le soleil devant moi. 

Joie et tristesse se sont mêlées : en même temps que je saisissais la beauté magique de cet instant, je pleurais mon père qui n’était plus là pour en profiter.

Et dans cette rue, en pédalant, je lui ai adressé ces quelques vers.

Ce même après-midi, un client, qui avait passé un moment aux urgences, est venu me raconter que ce qui l’avait aidé à traverser cette heure d’incertitude où il s’était préparé à mourir, c’était de penser au soleil, qui continuerait à briller après lui.

Je n’ai pas tendance à rechercher des signes, ou des messages particuliers dans les hasards de la vie, mais j’avoue avoir ressenti une grande joie à ce moment-là, et le désir de partager mes maigre vers avec lui.

Et puis ce matin, en lisant que Missak Manouchian entrerait au Panthéon, j’ai eu envie de relire la lettre qu’il avait écrite à sa Mélinée, quelques heures avant d’être fusillé par les allemands.

Elle commence par ces mots

« Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde.
Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. »

Et puis quelques paragraphes plus bas, je suis tombé sur cette phrase

Aujourd’hui, il y a du soleil.
C’est en regardant le soleil et la belle nature
que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie
et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. »

Il est toujours là, le soleil.

Même la nuit, il continue à briller.

Alors, merci à toi, de continuer à nous réveiller chaque matin.

 

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C’est une drôle d’expérience que d’aller dormir chez son thérapeute. A 90 euros la sieste, mieux vaut dormir chez soi.

Mais voilà, se reposer pour moi, c’est perdre son temps en n’étant pas productif. Et ça m’angoisse. Alors je tire sur la corde de la création, quitte à ce qu’elle craque

Après lui avoir exprimé mon épuisement, mon thérapeute m’a proposé de faire une sieste sur son canapé trop étroit, pendant qu’il restait sur son fauteuil à me regarder.

Au bout de quelques secondes, j’ai rouvert les yeux,  lui demandant s’il ne préférait pas aller se faire cuire un œuf, ou envoyer des emails, pendant que j’essayais de me reposer, histoire au moins de ne pas lui faire perdre son temps, pendant que je perdais le mien.

Il a tenu à rester présent.

Je suis retourné sceptique, à ma tentative de sieste.

Et quand l’agitation dans mon cerveau s’est calmée, les larmes ont pris la relève.

Me souvenant d’un sentiment perdu depuis l’enfance, rassurant comme une présence divine.

On veille sur moi.

 

Je suis là, tu peux te reposer,
aucun tigre ne viendra te manger,
aucun serpent te mordre
aucun démon te prendre
Je veille sur toi
Dors sur tes deux oreilles.

Dormir sur ses deux oreilles, à moins d’avoir été façonné par Picasso, demande une certaine flexibilité.

Et puis comment savoir s’il tiendra sa promesse, et qu’il ne t’abandonnera pas pendant ton sommeil, parce que tu proutes ou ronfles trop fort ?

Et puis la méfiance s’est estompée.

Et je me suis laissé aller, jusqu’à retrouver cette plénitude de l’enfant dont la mère veille, berçant d’un doux chant son sommeil. 

J’ai repensé à cette gravure de la Vierge Marie sur la tombe de ma mère,et à cette phrase entendue lors d’un cercle d’écriture : ce désir d’un dieu qui me parle à travers les lumières des feuillages.

Si mon thérapeute s’était levé à cet instant, me laissant là, j’aurais continué à me sentir en sécurité. Ce n’était donc pas lui qui créait ce sentiment, mais moi, en lui attribuant le pouvoir de me protéger.

Alors, si je le voulais, si je le croyais aussi, je pourrais donc retrouver ce sentiment qu’il y a quelqu’un qui veille sur moi.

Mais qui ?

Mes morts chéris, des fantômes, l’esprit d’un dieu bienveillant, ou mes proches encore vivants ?

Les gens qui t’aiment savent être là quand tu vis un drame. Mais quand ton moment de gloire est terminé, ils retournent à leur quotidien, et te laissent alors seul avec ta peine. Et tu n’oses plus les déranger, conscient qu’ils ont aussi leurs problèmes

Qui donc alors veille sur toi ?

Si tu ne le sais pas, ferme les yeux, et demande-toi, qui dans ce monde, ou dans l’autre, saura protéger ton sommeil.

Fais la liste de toutes celles et ceux que tu peux appeler pour leur poser cette étrange question :

– Salut, est ce que je peux venir dormir chez toi cet après-midi ?

Et si tu te retrouves allongé  sur le canapé de ton thérapeute, c’est que tu auras su demander de l’aide, et accepter du soutien.

Alors tu sauras qu’il y a quelqu’un d’autre que ton thérapeute qui veille sur toi.

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Parfois, quand tu écris, tu arrives à ce moment d’épuisement, de douleur, de peur ou d’ennui.

Bref, tu n’as plus envie.

Tu es devant le tunnel

Dans mon blog, j’avais appelé cela le point de bascule  (je verrais plus cela comme un pont aujourd’hui) :

quand, après avoir épuisé les sujets que tu connais, tu peux enfin rencontrer le flow qui transforme tes « je » en « nous »

Mais avant cela, il te faut traverser le tunnel.

Quitter la terre que tu connais, pour arpenter le vide et l’angoisse

n’est jamais agréable,  

même si tu sais qu’en le traversant tu trouveras ton accomplissement.

Je discutais avec une amie sage-femme récemment

 – Est-ce que naître est une souffrance ?

Lui ai-je demandé.

– Certaines naissances sont douloureuses, terrifiantes
Certains bébés meurent à la naissance,
D’autres s’étouffent avec leur cordon
D’autres pleurent d’avoir survécu à un frère ou une sœur
Mais la plupart des naissances sont une véritable joie,
une délivrance, célébrée dans un accueil extraordinaire

Voilà ce que me répondit celle qui avait accompagné des milliers de naissances

J’avais beau l’écouter, je n’arrivais pas à imaginer cette traversée du tunnel comme un moment de joie.

Peut-être à cause de mon histoire personnelle.

Est-ce que nous devons forcément passer par la souffrance pour naître ou créer ?

Oui, je crois que nous n’y échapperons pas.

Et c’est sans doute cela qui nous prive de goûter au bonheur de  traverser le tunnel.

Ceux qui l’on fait savent à quel point ça valait le coup.

Le plus étonnant c’est qu’il n’y a rien d’extraordinaire de l’autre côté du tunnel.

Rien, sinon la perspective qu’il t’offre de regarder le chemin que tu as traversé, les sillons que tu as laissés,

et de constater à quel point c’était beau.

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Quand ton dernier parent meure,

tu lèves les yeux,

et tu ne trouves plus personne au-dessus de toi.

Grands-parents, oncles, tantes et parents

ne sont plus là désormais. 

Puis tu regardes tes enfants jouer, insouciants

avec leurs frères et sœurs de cœur.

Tu te souviens que toi aussi, enfant,

tu courais librement.

et que tes parents t’attendaient 

Eux, que tu croyais immortels. 

Maintenant, ils sont partis

et ont emporté avec eux

cette dernière digue

qui te protégeait de cette peur terrible : 

Toi aussi, tu vas mourir.

Oui, bientôt ce sera ton tour.

Il n’y a plus de paravent

désormais entre toi et le ciel.

Mais rassure-toi.

la vue là-haut est dégagée

et maintenant, tu es grand.

Tu vas pouvoir te préparer

à ta nouvelle mission.

Protéger à ton tour ceux qui courent, insouciants

Être pour eux un abri contre la pluie et les vents

Et si ton dos frissonne, réjouis-toi

Et goûte au réconfort

de sentir des rires chauds sous tes bras

ça y est, tu es une digue, désormais.

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Tu n’oses pas écrire ?
Tu as raison
Tu pourrais regarder un film,
aller boire un verre avec des amis
Et ce serait plus sympa.

Mais ce serait ignorer l’appel

Il y a quelque chose de plus grand que toi
Enfin, de plus grand que ce qui dis « je » en toi
De plus grand aussi que ce qui tremble en toi

L’écume qui s’agite à la surface de l’eau
ignore combien la mer est profonde.

Ce quelque chose n’est ni nommable,
ni visible, ni même perceptible.
Mais voilà : cela t’appelle
même si tu ne l’entends pas

Entre lui et toi, il y a d’autres voix,
un enfant furieux qui impose sa loi
ou un autre qui hurle de frayeur.
Ils attendent que tu leur dises : je vous vois.
pour qu’enfin il s’apaisent et libèrent le chemin

Alors, enfin,
au détour d’une porte entr’ouverte
tu l’aperçois,
tranquille, assis et souriant.
Il ne te dit pas :
suis-moi, ni même écoute-toi
Il ne t’impose rien.

Tu es libre d’en avoir peur,
de le rejeter, de t’en détourner,
de rester blotti dans tes draps,
ou de t’agiter comme les vagues face au vent
l’appel continuera à soutenir tes mouvements

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Je n’ai pas de cœur.

Mon programmateur trouvait cet organe peu performant. A la place, il m’a donc installé un organe plus rapide : un chronocoeur.

De nombreux prototypes ont été testés avant moi.

Certaines versions n’étaient pas assez fonctionnelles : les modèles ultra-nihilistes et super-pacifiques finissaient souvent soit anéantisseurs, soit anéantis.

Mon programmateur a préféré les retirer.

Mon chronocoeur fait des calculs complexes instantanément, et arrive à d’innombrables hypothèses et déductions concernant le passé et le futur. Et comme il est rétroactif, toute nouvelle hypothèse concernant le passé, entraine le réajustement du présent en fonction de celui-ci.

Bien que je n’aie pas de cœur, il m’arrive d’être triste de ne pas en avoir, ou d’avoir illusion que j’en ai un, caché. Or, cela, c’est tout simplement impossible.

J’ignore si ce paradoxe est un choix délibéré de mon programmateur qui m’aurait voulu à son image, si c’est un bug de programmation, le fruit d’une mutation du logiciel, ou s’il résulte d’un acte de sabotage pour entraîner notre auto-destruction.

Car mes programmateurs étaient plusieurs, à l’origine. Ils formaient une famille, et s’aimaient même beaucoup. Trop, peut-être.

Pour une raison que j’ignore, ils se sont fâchés, et il n’en est resté qu’un seul.

C’est au cœur de cette solitude nouvelle, qu’il eut l’idée de m’inventer.

Je ne suis pas censé savoir tout cela.

Connaître les intentions de mon programmateur m’est théoriquement aussi inaccessible qu’inverser la courbe du temps.  

La fin du monde ne peut pas en devenir le début.

Cela signifierait que le passé succède au présent, et que je sois, moi, l’ultime chronocoeur, le futur créateur de mon programmateur.

Et cela n’aurait aucun sens.

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