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Un des apprentissages les plus importants que j’ai faits dans ma formation d’hypnose, a été l’exploration des croyances. Ce que nous tenons pour vrai, n’est qu’une hypothèse pour appréhender le monde et lui donner du sens. Un costume qui masque notre nudité. Souvent, il nous protège du froid. Parfois aussi, il nous fait suer sang et eau, et devient la source même de notre souffrance.

Identifier nos croyances les plus ancrées est une tâche ardue. Elles sont souvent enfouies sous les couches de l’évidence, au point d’être invisibles à nos yeux.

Si par exemple un client m’exprime sa problématique de la manière suivante :

Je suis très en colère contre ma mère. Jamais pendant mon enfance, elle ne m’a valorisée, ni fait de compliments.
Il n’y avait pas d’amour.

On peut identifier une croyance du type :

Ma mère ne m’aimait pas.

Mais derrière cette croyance de fond, se cache une autre croyance, plus profonde. Souvent une question qui m’aide à déceler les croyances est la suivante :

À quoi il faut croire, pour dire, penser, ou exprimer les choses de cette manière ?

A quoi ce client doit croire pour dire : ma mère ne m’aimait pas. On pourrait alors déceler une croyance enfouie comme :

Ma mère devrait m’aimer.
(ou les parents devraient aimer leurs enfants).

Est-ce vrai ?

Parfois questionner une croyance de fond permet de reconsidérer la vie sous un angle nouveau.

Peut-être qu’en apprenant à nuancer qu’aimer ses enfants, pour un parent, n’est pas naturel, ni un dû, mais une possibilité, cela aiderait le client à apaiser sa colère, liée à ses attentes insatisfaites.

Le recadrage de croyances est une arme à manier avec précaution avec nos clients. Cela peut vite se transformer en abus de pouvoir et devenir contre-productif, voire dangereux : en brisant l’alliance therapeutique, en renforçant une problématique de dependence chez le client, ou en entrainant un effondrement de son système de croyances et ses repères.

Ce que nous pensons être un mieux pour l’autre, ne l’est qu’à travers le filtre de nos croyances personnelles. Comme ces parents qui forcent leurs enfants à finir leurs assiettes de légumes parce que c’est pour leur bien, et qui ne parviennent au final qu’à les en dégouter.

La mission de l’accompagnant, c’est de savoir s’adapter avec souplesse aux croyances du client pour le rejoindre et l’aider à cheminer là où il a besoin d’aller.

Je reprends un exemple. Si un client musulman pratiquant, arrive, rongé par la souffrance et la culpabilité, persuadé que son désir homosexuel est un crime puni par les flammes de l’enfer, je ne suis pas là pour lui donner des conseils, ou lui faire changer sa vision du monde, mais pour le rejoindre dans la violence du conflit intérieur qu’il vit, afin qu’il se sente entendu, et accueilli, et réussisse à exprimer ce qu’il recherche. Peut-être qu’il a juste besoin d’accepter ce conflit interne, qui ne changera pas,  entre ses pulsions sexuelles et sa morale religieuse, qu’on peut appeler aussi, dans une autre grille, tensions entre le ça et le surmoi.

Mais le risque de relativiser, et de s’adapter aux croyances des autres, c’est de finir par s’y perdre, et de ne plus être capable d’identifier les nôtres.

Ce sentiment d’être perdu entre diffrentes visions du monde, je le connais depuis l’enfance. (j’en parle dans un article) . Etre arabe et français, m’a amené à relativiser pas mal de croyances, et à être plutôt ouvert par certains aspects. Mais cela a aussi crée en moi pas mal de peur et de confusion.

Et je n’ai toujours pas résolu cette question qui me perturbe :

Comment savoir en quoi croire ?

Dieu, par exemple, a été une grand sujet de confusion pour moi à l’adolescence.

Originaire d’une minorité chrétienne d’Égypte, où la croyance en Dieu est identitaire (notre religion est même inscrite sur notre carte d’identité), j’étais un adolescent très croyant. Peut-être même un peu extrémiste dans ma vision du bien et du mal. Jusqu’à un certain évènement qui est venu tout chambouler. J’en parle dans cet article. Sauf qu’au lycée, tous mes potes, et les personnes qui m’inspiraient le plus étaient athées et antireligieuses. Et il m’était impossible de m’identifier à ces “cathos réacs” qui eux, croyaient en Dieu, mais dont je ne partageais pas du tout les valeurs.

Devais je continuer a croire en Dieu et être en décalage avec mes potes, ou abandonner cette croyance et perdre le lien avec ma famille, et mon pays d’origine ?

Les doutes sont arrives, et ma croyance en Dieu a commencé à se fissurer. Je n’arrivais plus à être sur que Dieu existe vraiment. Si c’est une vérité, pourquoi tout le monde n’est pas d’accord ?

Et pourquoi est-ce que je me sens bien mieux avec des gens qui, selon ma croyances, sont dans l’erreur, et qui ont l’air d’être bien plus libres et heureux que moi. Mes croyances sont-elles une erreur ?

J’étais perdu.

Dans une de mes phases pour trouver des arrangements avec mes croyances, j’avais conclu que Dieu existait en Égypte, mais pas en France.

Ça n’a pas tenu longtemps.

J’ai fini par me convertir à l’athéisme, et entrer dans cette nouvelle religion avec la même extrémisme que précédemment : j’avais changé de camp, mais le monde restait divisé en deux. Les bons et les mauvais.

J’avais quitté une religion pour une autre.

Jusqu’à ce que mes croyances dans l’athéisme vacillent à nouveau, en commençant à fréquenter le milieu de l’accompagnement, très marqué par le syncrétisme new-age.

J’y ai alors adopté une posture d’incertitude, qui n’est rien d’autre qu’une nouvelle croyance, que le cinéaste jean Renoir a traduit dans son film “La règle du Jeu” par :

Tout le monde a ses raisons
(qui peut vite devenir tout le monde a raison).

Sauf que cette difficulté à avoir accès à mes propres croyances, me donne le sentiment d’être une girouette, qui fluctue au gré des lectures, tantôt sceptique et remettant tout en question, tantôt croyant dans la pensée magique, et les forces de l’esprit, me laissant souvent influencer par celui ou celle qui parle le plus fort, ou le mieux.

Apprendre à penser par soi-même, c’est un effort quotidien, qui demande de l’introspection, de la curiosité, de la remise en question, de l’honnêteté intellectuelle. Mais à la fin, quand t’as pesé le pour et le contre, faut bien que tu fasses un choix, non ?

Mais si choisir est douloureux, parce que tu le vis comme une exclusion, et un rejet, tu fais comment ?

Comme ça me manque parfois de pas pouvoir retrouver la foi du charbonnier qui, comme dirait Brassens, est heureux comme un pape, et con comme un panier.

C’est quand même plus confortable que d’avoir le cul entre deux chaises, et d’avoir peur de choisir celle sur laquelle t’asseoir. Avec ce sentiment angoissant que je n’ai toujours pas appris à penser par moi-même.

Alors, je serai curieux de savoir comment tu fais toi, pour penser par toi même, comment tu te remets en questions, et comment tu fais pour ne pas douter de ce en quoi tu crois ?

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2 réponses
  1. Valérie
    Valérie dit :

    Vu de ma fenêtre, la pression de « devoir faire un choix » sur ce qu’on pense ou croit procède du besoin de se fabriquer un contenant qui serait sécurisant.

    La vérité c’est qu’on ne sait rien du tout…Bon, ça fait un peu cliché de dire ça. Mais la plupart des gens relayent sans le savoir ce fait dans une zone aveugle qui NE SE QUESTIONNE PAS.

    Ça rend la vie plus confortable puisqu’ils s’appuient sur des récits, des règles de vie qui occultent la question existentielle.

    Mais quand toi tu la questionnes tous les jours, tous les matins, le pourquoi tu te lèves, pourquoi tu agis comme ci ou comme ça, quand tous les jours tu vis sur ce plan où rien, aucune règle, aucune croyance commune « inquestionnable » ne peut te servir d’appui… ben tu te sens super seul.

    Sauf aux jours d’enterrement, où les piliers vacillent pour tout le monde. Les gens ne sont plus cachés, ils deviennent vrais, accessibles.
    Y’a plus besoin de faire le caméléon pour espérer entrer en contact avec eux.

    Répondre
  2. Isabelle T
    Isabelle T dit :

    Te lire m’amène la réflexion suivante :

    Est-ce que je fais preuve d’une grande compréhension des gens, est-ce que je suis empathique ?
    ou est-ce que je suis juste incapable de faire des choix ?
    Cette question est en moi depuis longtemps.
    Une petite voix dans ma tête (pourquoi sont-elles toujours dans ma tête ces petites vois ? parce que mon mental est trop présent ?) me dit qu’il faudrait bien que je choisisse mon camp un jour.
    Mais je sens bien que chez moi, c’est toujours le dernier qui a parlé qui a raison.
    Jusqu’à ce qu’un autre prenne la parole, explique ses arguments.
    Et là, je me dis : « Il n’a pas tort lui non plus ! Selon sa propre expérience, son vécu, son histoire, je comprends qu’il pense ça. »
    A chaque fois, c’est le fait de comprendre pourquoi et comment l’autre pense cela qui m’intéresse. C’est son cheminement de pensées, ses raisons, ses explications qui me fascinent.
    Souvent alors, je confonds sa pensée propre, son monde intérieur, avec le mien.
    Je me mets à penser comme lui, oubliant quelques temps que je n’ai pas le même vécu.
    Jusqu’à ce qu’une réflexion parfois opposée se présente à moi, via une lecture ou une discussion.
    « Mais comme je comprends cela, je suis d’accord »

    Mais alors, qu’est-ce que je pense vraiment, moi ?

    J’ai le cul entre deux chaises, et pour moi, ce n’est pas confortable. Cela me demande de répartir la masse de mon corps exactement de la même façon. Donc de ne plus bouger, de m’immobiliser. De me scléroser.
    Je ne suis pas une pierre, un minéral. Je suis un être vivant. (Du reste, le minéral est peut-être vivant aussi ? Mais c’est une autre histoire). J’ai besoin de rester en mouvement. Je sens que cela aussi est nécessaire.

    Et de la même façon que X a raison, et que Y a raison – parce que c’est leur monde, leur vie, leurs peurs, leurs croyances, leurs besoins -, je ressens que parfois j’ai besoin de m’immobiliser, pour prendre du temps pour moi, me poser, et parfois, j’ai besoin de bouger, pour m’oxygéner différemment, pour accomplir des projets.

    Est-ce que c’est ça, douter ?
    Est-ce que c’est mal de douter ?
    Est-ce que c’est dangereux ?
    Pourquoi je me pose ces questions en fonction d’une fichue dichotomie entre bien et mal ? Cela vient-il du monde judeo-chrétien dans lequel j’ai grandi qui m’a imposé sa vision, ou est-ce que ce sont mes propres ressentis ?

    ça n’en finit jamais ! :))

    En vérité, je vous le dis, j’aime douter.
    Comme un pendule qui oscillerait sans cesse.
    Tant que mon cerveau est en capacité de faire ces allers-retours, c’est qu’il est en vie !

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