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Comment sortir du sentiment d’imposture du praticien en hypnose ?
A mes débuts, j’avais la boule au ventre quand je recevais des clients en séance d’hypnose. Même après avoir été recruté dans une école hypnose pour former des praticiens, et malgré mes années de pratique et de travail personnel, j’ai continué à ressentir cette même peur : celle de ne pas réussir à faire vivre à mes clients et stagiaires des états d’hypnose profonds. Si bien que j’ai progressivement évité de faire des transes formelles en séance.
Je me justifiais en disant que j’avais évolué dans ma pratique, et que je trouvais l’hypnose formelle pas toujours adaptée à certains clients.
Je continue à penser que de nombreux clients viennent chercher dans l’hypnose une solution à leurs problèmes, alors que l‘hypnose est justement pour eux le véritable problème : leur manière de fuir des réalités douloureuses vis à vis desquelles ils se déresponsabilisent, espérant qu’un coup de main providentiel les sorte de là. Et souvent, en tant que praticiens, nous alimentons ce problème de nos clients en leur proposant un changement rapide et efficace, dans un cadre d’amour et de bienveillance, où ils n’auront qu’à s’allonger ou fermer les yeux, pour que leur inconscient fasse le reste. En d’autres termes, et même lorsque nous en sommes conscients, nous jouons parfois à notre insu ce jeu infantilisant de la déresponsabilisation de nos clients.
Ce que je souhaite explorer ici, c’est ce qui se cache souvent derrière la peur de l’échec du praticien, et qui m’a conduit pendant tant d’années à éviter de faire de l’hypnose formelle. Et cela n’a pas grand chose à voir, ni avec la compétence, ni avec l’expertise. Certains appelleront ça le syndrome de l’imposteur, ou un sentiment d’illégitimité. Ce n’est que récemment que j’ai appris à mettre un autre nom dessus.
En hypnose, on appelle transe le véhicule qu’empruntent les clients pour sillonner leurs autoroutes intérieures. Pour monter dans ce véhicule, on utilise des techniques d’inductions, qui aident le client à se focaliser sur la route, à lever certains freins (diminution du facteur de jugement), et à augmenter sa réactivité (meilleure réponse aux suggestions). Notre mission de praticien n’est pas tellement de trouver l’induction qui fonctionne le mieux pour le client, mais de lui apprendre à utiliser une induction pour rentrer en transe.
Autrement dit, ce que nous visons dans une séance d’hypnose à vocation thérapeutique, ce n’est pas le résultat de la transe, mais le chemin du client pour la vivre. Qu’une induction fonctionne ou non avec un client n’a aucune importance par rapport au travail que nous faisons. Nous ne sommes pas en hypnose de spectacle. Et l’erreur que commettent la plupart des praticiens, c’est de vouloir que ça marche à tout prix, oubliant que nous œuvrons au service du client, pas pour notre désir de réussite.
Je le répète au cas où je n’aurais pas été clair. Peu importe qu’une induction fonctionne ou non. Il y a pour moi quelque chose de très égocentré dans cette idée que le praticien devrait réussir à mettre son client en transe. Nous ne sommes pas là pour prouver nos compétences d’hypnotiseur, mais pour aider un client à trouver son chemin de transe.
Et pour cela, il y un moyen d’une simplicité redoutable, beaucoup moins fatigant que d’utiliser des suggestions indirectes à rallonge, avec des présupposes alambiqués, des doubles négations confusionantes avec choix illusoires, et en construisant des chemins d’effets tellement complexes qu’on se perd parfois nous-mêmes dedans.
Il suffit de demander directement au client de chercher le meilleur chemin pour entrer en transe.
Chaque client a développé des stratégies, parfois très créatives, mais toujours efficaces pour survivre et s’adapter au monde. Et l’exploration de la transe hypnotique est une occasion inespérée pour qu’il découvre où IL est doué. Et si quelque chose l’empêche de vivre un état de transe, ce sera alors l’occasion d’explorer avec lui ce que c’est. Parfois ce qui empêche le client de rentrer en transe ce sont des peurs, des croyances, des jugements, qui généralement rejouent la problématique que le client est venu travailler. Alors, plutôt que de considérer tous ces obstacles apparents comme des échecs à l’entrée en transe, je les regarde aujourd’hui comme les véritables raisons de sa venue. Et travailler cela avec le client sera l’occasion d’apprentissages souvent importants.
Un client que j’accompagnais récemment à tester ses compétences à s’auto-anesthésier, avait réussi, après quelques minutes d’induction, à faire baisser le niveau de sa douleur de 8 à 6 sur 10. Après l’avoir félicité, mon réflexe a été lui dire :
– Super, maintenant que tu es passé à 6, et que tu as vu que tu pouvais influer sur l’intensité perçue de ta douleur, tu vas pouvoir réduire cette intensité à 4.
Voyant que mon client fronçait les sourcils, et supposant qu’il avait des difficultés à aller plus loin dans l’expérimentation de ses compétences, j’avais commencé à faire des suggestions pour l’aider. Il a fini par ouvrir les yeux, agacés.
– Namir, tu me soûles.
Ce fut l’occasion d’un sacré apprentissage.
Pour mon client, passer de 8 à 6 était une véritable victoire, et il ne voyait aucun intérêt à aller plus loin dans ces tests d’anesthésie. C’est à moi que cela ne suffisait pas. Je répondais sans le savoir à un injonction inscrite à l’encre indélébile sur mes carnets de correspondance, et qui avait fini par se graver dans mon subconscient :
Peut mieux faire.
Souvent, au lieu d’être au service de nos clients, nous sommes juste au service des nôtres. Et ces attentes trop élevées, deviennent, si nous n’y prêtons pas attention, un frein à l’évolution de nos clients. Et c’’est aussi la plupart du temps ce qui nous fait ressentir la pression, et la peur de l’échec, et que nous appelons syndrôme de l’imposteur, ou sentiment d’illégitimité.
En voulant faire baisser le niveau d’anesthésie de mon client pour satisfaire MON niveau d’exigence, j’avais suscité en lui une réaction, qui s’est révélée être au cœur de sa problématique : son opposition systématique à toute demande d’effort lorsqu’il la percevait comme une injonction extérieure. Comme nous avions construit un bon rapport (il ne se serait peut-être pas permis de me dire “tu me soûles” si ce n’était pas le cas), nous avons alors pu saisir ensemble l’occasion de cette transe interrompue pour travailler sur sa problématique.
Voila pourquoi aujourd’hui, quand certaines suggestions ne passent pas chez mes clients, je ne cherche plus à les contourner par des évocations. Je préfère les questionner.
Depuis, dans mon approche de praticien, j’ai adopté 3 règles de base :
RÈGLE 1
Fais confiance à ton client.
S’il est impliqué, et qu’il se sent en confiance, il fera toujours de son mieux.
RÈGLE 2
Propose lui un pacte super clair dans lequel il est l’acteur principal.
Explique lui ce qu’est la transe, ce que tu attends de lui pendant la séance (suivre tes instructions, être actif et engagé, et s’exprimer dès que ça lui convient pas) et vérifie qu’il est vraiment engagé.
RÈGLE 3
Laisse le chercher son chemin de transe.
Une fois que vous êtes ok pour aller dans la même direction, fais des suggestions simples, et laisse le chercher par lui-même. Aucune des tes suggestions ne sera plus efficace que celles qu’il décide de se faire à lui-même.
Et surtout, fais attention à ne JAMAIS avoir plus d’attentes que ton client.
Développer avec notre client un rapport d’adulte à adulte, et l’aider à découvrir de quoi il est capable par lui-même favorisera sa responsabilisation et son autonomie. Et cela enlèvera au praticien cette pression énorme qu’est la peur de l’échec de l’induction.
Mais se défaire des attentes a un coût. Cela implique de savoir se taire à certains moments, de ne rien faire, au risque de se sentir inutile, et d’accepter de n’être parfois que de simples prétextes, ou circonstances favorables à l’évolution de nos clients. C’est facile à dire. Beaucoup plus dur à incarner. Parce que l’inaction et l’attente peuvent activer des peurs profondes.
Nous les masquons derrière des mots nobles comme besoin d’aider, bienveillance, posture basse, bonne volonté ou une certaine proactivité. En creusant un peu, on pourrait y trouver la manifestation de notre besoin de contrôle, de toute puissance, ou l’expression de notre désir d’importance et de reconnaissance.
Aujourd’hui, à chaque fois que j’accompagne un client je fais très attention à ne pas avoir plus d’attentes que lui, en me posant cette question :
Est-ce que je veux plus que lui qu’il change ?
Chaque fois que je ressens que c’est le cas, et cela arrive encore, je laisse passer quelques secondes pour revenir à une position plus curieuse et confiante envers mon client.
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