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Tu connais l’ingrédient le plus vendu au monde ?
Il est proposé partout : au restaurant, au supermarché, dans les formations, dans le sexe, sur internet. Partout. C’est le Graal. Tout le monde poursuit.
Alors t’as trouvé ?
Un indice : c’est l’escalier du bonheur. Et tu peux te l’offrir avec et même sans argent.
Il est aussi précieux que l’or pour les chercheurs du Klondike, et aussi populaire que les frites pour les cantines scolaires.
Alors ?
Dernier indice :
Ça commence par p, comme dans « pet ». Et ça finit par r, comme dans aire, ou hère, ou erre, ou ère. Ça en fait des pauvres hères errants qui galèrent dans notre ère solaire.
Je répète : ça finit par la lettre r comme dans « Hair », la comédie musicale du génial Milos Forman, qui justement finit par un air… de chant, cette fois, ce qui est normal pour une comédie musicale. T’as trouvé ?
Pouvoir ?
Non
Pinard ?
Non plus. Pinard ça finit par un « d », comme dans désaltérer. Même’ si le pinard, t’altères, plus qu’il ne te désaltère. De l’eau, du sport…. des haltères.
Bon, j’arrête avec mes jeux de mots, je sais pas ce que j’ai, ce matin.
Alors, voilà, je voulais te parler du…. plaisir.
Bientôt, même l’éducation nationale va en proposer : enseigner avec plaisir.
Fini les coups de craies dans la gueule quand t’avais pas la bonne réponse, les bonnets d’ânes et les humiliations, et les peut mieux faire. Bientôt ce sera les félicitations quand tu auras 2 sur 20, à ta dictée. Mais, c’est super : tu as déjà réussi a avoir deux bonnes réponses. C’est extra. Continues comme ça, tu vas progresser. Et en plus, quelle créativité dans ton orthographe !
Oui, il y a des avantages au plaisir. Quand tu kiffes tes profs, et que tu prends plaisir a les écouter, ça aide, c’est sur.
Mais tu connais le contraire du plaisir ?
Parce que le pluriel d’une haltère, c’est des haltères
Mais, le contraire du plaisir c’est quoi ?
Le déplaisir ? le dégout ? l’ennui ? La souffrance ?
C’est quoi pour toi le contraire du plaisir ?
Quand j’étais petit, je regardais les programmes pour enfants à la télévision. Il y avait des émissions bizarres. Vraiment bizarres. Des dessins animés psychédéliques avec des grenouilles qui jouent de la guitare en bigoudis, une émission pour enfants en langage des signes, des contes orientaux en ombres chinoises, des séries B, et un ciné-club ou on voyait des films du monde entier, et même en noir et blanc.
Bref, c’était un autre monde. Et je ne rêvais pas.
En puis, un jour, un truc étrange est arrivé dans notre maison
Un tout petit truc rectangulaire, qui a change la face de l’humanité.
La télécommande.
Et avec elle, un virus est né
Le zapping.
La possibilité de ne plus laisser de place a l’ennui, et de faire du plaisir le moteur de nos vies.
Avant, il te fallait lever ton cul du canapé, et aller appuyer sur le bouton de la chaine de télé à trois mètres de toi, pour changer de programme. Autant dire, qu’après un bon repas, bah tu laissais la chance au chansons, même les plus mauvaises.
Mais quand zapper est devenu aussi rapide que de cligner de d’œil, et que l’espace qui séparait ton désir de ta décision s’est réduit comme peau de chagrin, et bien, la révolution a commencé.
Tu te demandes c’est quoi le rapport avec le plaisir ?
J’y viens.
Cette foutue télécommande a eu pour conséquence de modifier le contenu de tous le programmes. La télévision qui était alors notre fenêtre sur le monde, s’est transformé en distributeur d’addiction.
La peur du zapping a amené les producteurs a créer des émissions ou l’ennui était absent, au service du seul plaisir immédiat du télespectateur : Captons au maximum leur attention, divertissons les, mais surtout évitons tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à de l’ennui. Et la grande copine de l’ennui, dans la culture, c’est la réflexion et la pensée.
Alors, bye bye, les emissions qui prenaient leur temps, les mises en scenes audacieuses, les parti-pris radicaux.
Bienvenue au temps de cerveau disponible pour placer des produits.
Le plaisir est passé par là, et à chassé pour toujours l’ennui de nos écrans. Il est devenu la drogue favorite de notre société moderne.
Et voilà, comment, partant d’une télécommande, quelques années plus tard, nous nous sommes retrouvés avec Google, Tinder, Netflix, Uber, Spotify. Fini les files d’attente, fini la frustration, fini l’incertitude.
Tu me plais, je t’achète. Tu me soules, je te zappe.
Quand tu te crois libre de regarder ce que tu veux, d’écouter ce que tu aimes, tu subis surtout les algorithmes des intelligences artificielles, qui nivellent ton gout par le bas, en te proposant sans risque d’erreur, ce que tu aimes déja.
La seule chose qu’on peut pas encore zapper, ce sont nos parents et nos enfants. Eux, faudra vivre avec jusqu’au bout. Car Hélas, on n’a pas encore inventé la télécommande familiale. Mais rassure toi, ça vient.
Je te dis pas que le plaisir en soi est un mal, et qu’on finira en enfer parce qu’on a ete concupiscents, et hedonists. Je m’interroge juste sur l’impact psychique de cette hyper-dstributation du plaisir. Quand le seul moyen que la société nous propose pour gérer notre frustration, et fuir notre souffrance existentielle, c’est de nous promettre de vivre dans l’ile aux plaisirs permanents, faut juste pas s’étonner que nos enfants deviennent hyperactifs, anxieux, et violents.
Je me souviens , à une époque, j’attendais des mois pour voir un film de Lubitsch ou Vigo, j’ecumais les bibliothèques à la recherché d’un ouvrage sur bunuel, et cette attente, lorsqu’elle était enfin recompensée, me remplissait de joie. Je devorais les livres et le films. je m’en nourrissais
Maintenant tout cela est à disposition immediate. et je crois que ca m’interresse moins.
En théorie l’accès de la culture au plus grand nombre est en soi une bonne chose. Mais d’apres mon experience, cela a entraîné une separation encore plus grande entre les gens. On vit de plus en plus entre communautés de gens qui partagent les memes gouts et valeurs. Bonjour la diversité. Et adieu la curiosité et l’effort de sortir de nos zones de facilité.
Alors, bon, je veux pas faire le rabat-plaisir. J’aime bien prendre mon pied. C’est meme un des problèmes de ma vie : j’ai du mal à gérer ma frustration. Mais comment apprendre à le faire, quand la société me propose le contraire en permanence.
Et sans apprendre frustration, on restera toute notre vie des enfants immatures. Mais avec des revenus. Donc les consommateurs idéaux pour cette société.
Un de mes amis me demandait quel était encore l’intérêt d’aller au cinema aujourd’hui que nous avons Netflix, Amazon, et toutes ces plateformes qui nous offrent des films à volonté, que nous pouvons visionner confortablement en restant chez nous devant nos écrans géants.
La salle de cinéma nous propose une chose essentielle: l’impossibilité de zapper. C’est à dire l’opportunité de rentrer dans une expérience où nous sommes contraints de nous engager jusqu’au bout à rentrer dans la vision d’un auteur. C’est beaucoup plus difficile de sortir d’une salle de cinéma au bout de 10 minutes, même si le film ne te plait pas, que de cliquer sur ta souris quand ta série ne te convient pas.
Et c’est le seul moyen, à ma connaissance de garantir des oeuvres exigentes, qui prennent leur temps, et t’apprennnet à retrouver le gout de l’effort, la curiosité et une position plus humble dans notre rapport au monde.
Le pire dans tout ça, c’est qu’on croit qu’on est libres.
Parce que dans télécommande, il y a commande.
Encore faudrait savoir qui commande.
Et je suis vraiment pas sur que ce soit toi.
Bon allez, je te laisse, j’ai le livreur amazon qui sonne.
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