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Il y a des années dans ma to-do-list, j’avais noté : faire un marathon.

La cinquantaine approchant à grands pas, les kilos en plus, ont fini par envoyer cette idée aux oubliettes.

– J’ai décidé de m’inscrire au marathon de Paris

– Waouh, t’es courageuse. Tu l’as déjà fait ?

– C’est l’occasion. Après mon cancer du sein, je me suis dit : profite. Le marathon est dans 6 mois, et on a déjà commencé un entrainement préparatoire avec mon père qui le fait tous les ans. C’est trop cool de se dépasser.

Parfois, croiser la mort d’un peu trop près, te remets dans la vie, et t’aide à te reconnecter, à ce qui est bon pour toi.

J’ai souhaité bon courage à ma copine, et ai repris mon chemin vers l’appartement paternel. Et devant l’immeuble familial, une pub pour le semi-marathon de Boulogne qui démarrait dans une semaine.

Bon, est ce que la Vie ne serait pas en train de me faire une grosse suggestion, là ?

J’ai appelé un pote, me disant que s’il acceptait de le faire avec moi, je m’y inscrirai.

– Nan, merci, Namir. Dimanche, je me repose peinard, moi !

Le refus des autres, c’est souvent l’occasion de te demander ce que tu veux vraiment, et d’arrêter de te planquer derrière des validations extérieures, pour écouter tes désirs.

Je me suis inscrit.

Et juste après, j’ai flippé grave.

Une semaine pour m’entrainer à parcourir 21km, moi qui était jamais allé au delà de 12 ?

C’était chaud.

Et puis le jour J est arrivé.

Je suis sorti de chez moi, seul avec ma peur.  Dans la rue, des bénévoles ont commence à me saluer, des coureurs s’entrainaient déjà, d’autres arrivaient du métro par centaines. J’ai vu les barrières, les rues bloquées. Juste pour nous.

Je sortais de chez moi, seul et dans l’inconfort
Surpris d’en voir huit mille arrivés au même port

Ça y est. Je venais de quitter le rivage de la solitude, pour rejoindre le groupe : des gens de tous âges, de toutes races, de toute la France et même de l’étranger, réunis, dans une ambiance plutôt détendue et bon enfant, par un désir commun.

Enfin, commun…

Lequel ?

Pourquoi ils courent, tous ces gens ?

Ou plutôt : derrière quoi ils courent ?

Tu pars d’un point A, et tu arrives… à un point A. Entre les deux, t’as juste perdu 3 litres d’eau, pleuré ta race, ressenti la douleur, et cru que tu n’arriverais pas à finir. Ouais. C’est quand même un peu vain tout ça, nan ?

Ben bizarrement, c’est ça qui m’a le plus ému ce matin-là. Voir autant de gens venir pour un truc sans finalité matérielle. Juste te découvrir. Savoir jusqu’où tu peux aller. Et comment, lorsque tu crois que tu peux plus, bah tu peux encore…

Le truc étonnant au semi-marathon, c’est qu’il y a quasiment personne qui abandonne.

8300 coureurs.

8300 stratégies de victoire différentes. Toutes valides.

Ça donne une sacré énergie. Et c’est communicatif. Loin des sports où pour gagner, tu dois battre l’autre, l’écraser, ici, tout le monde se bat contre un seul et même adversaire : ses propres limites.

Quand quelqu’un te dépasse, il ne t’écrase pas, il te stimule. Et quand tu crois avoir dépassé un coureur, c’est juste toi que tu as dépassé.

Se dépasser sans rivalité, c’est quand même cool. Pas comme le cycliste de l’autre jour. J’étais épuisé au bout d’une heure de course, et je trouvait plus la force d’avancer, lorsqu’un type en vélo m’a dépassé en trombe, en hurlant :

– Hey, tu peux pas courir ailleurs que sur ma piste, connard !

Sur le coup, j’avais ressenti l’envie de cracher sur sa mère, son père, et tous les siens. Ses mots m’avait tellement activés, que j’avais accéléré le pas :  ma fatigue s’était évanouie.

Faut croire que la colère est un sacré réservoir d’énergie. Ça m’a presque fait rigoler sur le coup. J’ai eu envie de remercier ce cycliste, espérant qu’il y en ait d’autres comme lui pendant le semi-marathon, pour m’aider à extraire de ma violence intérieure les provisions dont j’avais besoin

Mais j’ai trouvé  mieux.

Les réserves,  tu peux aussi les trouver dans l’amour.

Tout le long du parcours, des gens nous encourageaient : des femmes et leur poussettes (bah oui, c’est encore les femmes qui tiennent les poussettes) venues soutenir leurs conjoints, des enfants, et des quidams qui nous applaudissaient, malgré le froid et la pluie.

Sur ma route, j’ai croisé un groupe de coureurs qui poussait un véhicule, avec une personne handicapée dedans.Tout le monde les saluait, et les remerciait pour ce qu’ils faisaient. J’ai eu les larmes aux yeux devant cet élan de solidarité. Cette course me reliait à certaines des plus belles facettes de l’humanité. Chacun dans sa course, y trouvait un sens différent.

Je me suis demandé ce qui me faisait courir. Quand j’étais plus jeune, c’était la superstition.

– Si j’arrive a atteindre ce poteau en moins de 3 minutes, alors Céline sortira avec moi… Et si j’arrive à faire le tour du grand parc en moins d’une heure, alors je serai admis au concours de la Femis

Je venais chercher de la confiance dans la course.

Alors bien sur, y a les aliens. Ceux qui sont déjà sur le chemin du retour, alors que toi t’es sur l’aller. Ils pèsent 20 kilos de moins que toi, ont pas un gramme de graisse, et feront les 21 km en 1h05 minutes. Ceux là ne courent pas dans la même cour que toi.

Je m’étais fixé deux heures pour arriver à mon point de départ. J’avais un compteur avec une alarme toutes les 30 minutes, et une playlist musicale pour me redonner la patate pendant la dernière demi-heure.

Au fur et a mesure de la course, j’ai tenté de gagner quelques secondes supplémentaires. Le dernier kilomètre a été le plus difficile. J’avais sans doute commence à accélérer trop tôt, pour finir à 1h53m30s.

J’étais cuit. Mais fier. Si fier. Traverser l’effort et la souffrance, pour apprendre à te connaitre un peu plus, et rencontré cette joie là, ça vaut le coup.

– Bravo papa ! Félicitations. Mais est-ce que tu as eu du plaisir à courir, ou t’es juste content parce que t’es arrivé au bout ?

Je me la suis souvent posée souvent cette question. Courir est-il un moyen ou un but en soi ?

– Non, fiston Je n’ai pas pris de plaisir a courir. Je crois que j’ai juste aimer réussir.

Puis j’ai revu ma courses, les étapes par lesquelles j’étais passé. Ma peur quand j’étais seul dans la rue, les rencontres, les encouragements, les sourires, les paysages que j’ai croisés,  la forêt que j’ai traversée, les coureurs qui poussaient cette dame handicapée.

Non, je n’ai pas ressenti de plaisir à courir

Mais j’ai aimé être entouré de milliers de personnes, qui avaient un si bon état d’esprit

J’ai aimé être dépassé par des gens qui allaient vite.

J’ai aussi aimé prendre conscience que gagner ne rime pas avec écraser l’autre, ou être plus fort que lui. L’autre en face, il te stimule, il t’inspire, et te donne la force d’avancer.

Ce n’est pas du plaisir que j’ai ressenti, fiston dans la course

Mais de la joie.

Et toi je serai vraiment curieux de savoir, pour quoi tu cours ?

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