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L’intérêt d’écrire régulièrement, sans chercher de résultat, c’est qu’il arrive parfois, qu’un simple texte jeté en 5 minutes surgisse comme une Révélation, exprimée par une Intelligence Supérieure, qui te connait mieux que toi-même, et t’envoie des messages parfois prémonitoires.
Un samedi matin pendant un des mes exercices d’écriture, j’ai écrit un couplet.
Je vivrai cette vie sans toi
De ma tristesse je ferai joie
Et la vie me fera roi
Je ne sais pas d’où il est sorti. Je sais juste que j’ai ressenti de la tristesse en l’écrivant.
Jusque là, rien d’extraordinaire.
Dans l’après-midi, avec mon fils Joachim, nous nous sommes promenés dans la forêt, en face de notre maison.
– Papa, t’es triste que Grand-mère soit morte ?
– Bien sur, Joachim. Qu’est ce qui t’a fait penser à elle ?
– Elle me manque.
Quand ma mère est morte, en 2015, Joachim avait 3 ans. J’ignore ce qui lui reste d’elle. Même s’ils sont tous les deux nés un 1er avril, et que cela a sûrement créé des liens.
– Tu crois au Paradis ?
– Non. J’aime pas trop cette idée.
– Moi je crois que si je fais des choses biens dans ma vie, j’irai au paradis.
– Ah ? Et qui décidera si tu as fait des choses bien ou pas ?
– Bah, moi. Dans mon cercueil, je réfléchirai à ma vie, et après… je verrai si je peux aller au paradis. Et je pourrai aussi décider de revivre une autre vie.
– Joachim, qu’est ce qui t’a raconté ça ?
– Personne, je le sais.
Ma tristesse est bien antérieure à la mort de ma mère, même si elle s’est accentuée depuis : elle a accompagné mon histoire, mes échecs professionnels, mes scénarios inachevés, mes séparations amoureuses, l’exil familial, notre héritage de minorité chrétienne dans un pays musulman. Elle était sacrément profonde, cette tristesse.
Pendant des mois, c’était devenu mon principal objectif de travail en thérapie : m’en débarrasser.
En vain.
– Ferme les yeux. Quand tu les rouvriras, tu seras au dernier jour de ta vie. Quelques minutes avant ton dernier souffle. Et là, décris ce que tu vois.
– Je suis sur mon lit de mort et….
– Et que se passe-t-il ?
– Je vois…
Il y a eu un silence.
Et la tristesse est revenue. Insondable. Comme une vague me submergeant. Et J’ai plongé dedans.
Le thérapeute est resté silencieux.
La gorge nouée, j’ai réussi à articuler quelques mots.
– Enfin, je vais pouvoir m’en aller. Et retrouver….
Le silence s’est prolongé. Les larmes ont coulé, pures, belles, intenses.
Deux silhouettes se trouvaient debout devant moi, silencieuses.
Mes parents
J’étais si triste de vivre cette vie et de perdre mes parents, que la mort m’apparaissait comme une libération. Ainsi donc, si je me fiais à cette projection de mon imaginaire, cette tristesse allait m’accompagner jusqu’au dernier jour de ma vie. Et jusqu’à la fin, je resterai leur enfant.
Merde.
Bizarrement, j’ai senti comme un grand soulagement.
Et puis j’ai compris.
J’ai compris que je devais abandonner
Abandonner non pas la tristesse, mais le désir de m’en libérer
Et ça m’a fait un bien fou.
Je vivrai cette vie sans toi
De ma tristesse, je ferai joie
Et la vie me fera roi
Alors aujourd’hui, je t’écris depuis cette tristesse.
Cette tristesse de celles et ceux dont le corps a quitté l’enfance malgré eux, pour qui l’entrée au collège de la vie a été un déchirement.
Cette tristesse de celles et ceux qui, même entourés, se sentent seuls, ou différents.
Cette tristesse des abandonnés, hypnotisés par leur manque, accrocs à leur besoin de recevoir, plus qu’à leur désir de donner.
Aujourd’hui, cette tristesse est là. Elle est une des sources même de mon écriture.
Les alchimistes transforment le plomb en or.
Mais nous, nous pouvons transformer toutes nos souffrances en lettres d’or. Et faire de nos expériences personnelles un baume universel.
Alors, si tu ressens de la souffrance, plutôt que de chercher à la fuir, ou t’en débarrasser, sers-t’en. Raconte la. Fais en ton essence créative, ton moteur de guérison.
Ce samedi, le soleil perçait sous les arbres de la forêt, et faisait scintiller la lumière sur nos visages. J’ai souri à Joachim.
–Tu sais Papa, moi je crois qu’on se reverra dans une autre vie. Et peut-être que ce sera moi, ton papa, et toi tu seras mon fils.
– Peut-être, Joachim. Qui sait…
– Ou alors, j’ai été ton papa, avant. Et c’est pour ça que t’es devenu mon papa, aujourd’hui. Tu sais, ça se trouve, grand-mère, elle est déjà revenue. Peut-être que maintenant, elle est Berlioz.
– Berlioz, notre chat ?
On est rentrés.
Berlioz, allongé sur le canapé, nous observait tranquillement.
Joachim a pris son micro, comme il le fait parfois, et dans sa chambre, s’est mis à improviser un slam au rythme dansant et joyeux
Sans toit, c’était difficile
Trouver une place sur cette ile.
Sans Toi, c’était difficile
Trouver ma place sur cette ile.
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