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J’ai une question à te poser. Une question simple. C’est une question que j’aurais aimé qu’on me pose des années plus tôt. Je pense qu’elle aurait changé ma vie de couple. Et peut-être ma vie tout court.

Si j’oublie de te la poser, avant la fin de cet article, rappelle-le moi, s’il te plait.

Parce que pour moi, c’est le bazar, en ce moment.

Une relation qui se termine.

Le fantôme de ma mère dont la disparition me hante encore.

Mon père qui décline dans sa maison de retraite.

L’appartement de mes parents, avec son mobilier et ses bibelots à ne savoir qu’en faire.

La perspective d’entrer dans le monde des papas célibataires et divorcés.

Cette cinquième décennie de ma vie, que je quitte bientôt, avec mon ventre qui s’épaissit, mes cheveux qui se font la malle : je dois bien l’admettre : je vieillis.

Et ça m’amène à me poser plein de questions sur la vie, le désir. Et l’amour.

 

Un jour, je suis tombé amoureux de Margaux. En tout cas, c’est comme ça que je lui ai présenté mon désir de pousser plus loin la relation amicale que nous avions.

Elle était belle, blonde, pétillante et dynamique.

Et  elle m’a dit

– Ben, non, Namir. Je t’aime beaucoup. Mais comme un ami.

Déjà que pour moi, me déclarer c’est ouvrir un cœur saignant.

Et bien, le « non », c’est comme un coup de couteau dans ce cœur saignant. Ça fait tellement mal, que c’est parfois plus simple de ne pas l’entendre ce « non », et de s’inventer des fictions :

– Elle n’a pas vraiment dit non.

– Peut-être qu’elle pense oui, mais qu’elle le sait pas encore.

– Et si elle pense pas oui, peut-être que…. ça viendra.

– Patience. Un jour elle m’aimera.

– Tiens, tu vois, aujourd’hui, elle m’a appelé trois fois.

Parce que chez moi, non, c’est pas non. Le consentement, tout ça, j’ai jamais vraiment appris.

Quand on ne t’a pas autorisé enfant à exprimer ton « non, » et à ne pas l’écouter, quand malgré tout, tu l’exprimais, c’est pas évident pour toi d’entendre celui des autres.

Alors, j’ai continué à fréquenter Margaux, à rester ami avec elle, en me racontant que rien que sa présence et son amitié étaient un cadeau, et que c’était mieux que le vide et le manque. En fait, secrètement, j’avais l’espoir qu’elle finisse un jour par me dire oui, et que nos corps, enfin, s’étreignent.

Ah les fictions !

Cette capacité géniale de l’humain à vouloir créer un monde qui s’accorde à tes désirs. C’est sympa pour faire des films.

Mais dans la vie, c’est une source de souffrance permanente. Et le pire, c’est que tu t’y complais.

Parce que la seule autre alternative que tu vois, elle te fait mourir de peur.

Alors, oui, quand je partageais des moments avec Margaux, c’était intense. Et j’avais tellement envie que ça dure plus longtemps, que lorsqu’on se quittait, ça générait une frustration encore plus intense que le plaisir de partager du temps avec elle.

Quand tu manques, mec, tu manques.

Un peu comme dans cette misérable chanson:

« Laisse moi devenir l’ombre de ton ombre,
l’ombre de ta main,
l’ombre de ton chien »

 

L’autre alternative, c’est quoi ?

Accepter la souffrance, et faire le deuil.

Pas le deuil de mon désir. Celui-là, il a le droit de vivre. (Même si je sais pas toujours pas comment l’accueillir). Mais le deuil de la fiction.

Accepter le rejet et la frustration, et que le monde ne te réponde pas oui tout le temps.

Accepter la séparation originelle. Même si, cette séparation est peut-être, elle aussi une fiction. Mais c’est un autre sujet. Ou pas.

En tout cas, j’ai continué à attendre que le désir de Margaux envers moi change.

La source de la joie se trouve peut-être de l’autre côté de cet évitement de la souffrance, quand enfin tu apprends à accorder tes désirs au monde dans lequel tu vis.

Ce qui est est.

Si elle ne t’aime pas, alors, c’est la seule réalité qui existe.

Gère ta frustration. Accepte le.

Et grandis.

Ben non.

J’en étais pas là du tout.

Comme Arturo Bandini, dans  « demande à la poussière », j’étais le héros de mes nuits, le poinçonneur de mes fantasmes.

«  Un jour, tu verras, Margaux, que tu es passé à côté d’un type génial. Tu pleureras en te disant : comment j’ai pu passer a coté de lui. J’étais aveugle. Namir est l’homme de ma vie.  »

Oui, je suis du genre à me faire ces délires.

J’ai rêvé, fantasmé, et j’ai entraîné mon imagination à inventer pleins d’histoires. Et puis, comme dirait Léo : avec le temps.…

 

On est restés copains avec Margaux.

J’ai gardé mon désir dans la poche droite de mon pantalon.

On est même partis en vacances ensemble, à l’étranger, avec elle, mon meilleur pote, et quatre autres filles, dont la suave Fiorentina, à la beauté saisissante.

Dans ce pays étranger, Margaux avait des comportements qui m’agaçaient, se plaignant de la qualité des chambres, du manque de confort, et de l’attitude des habitants de ce pays.

Et là, j’ai commencé à m’éloigner de Margaux. Le charme de sa beauté physique a commencé à s’estomper, laissant place à une forme d’agressivité croissante, et des moqueries cyniques. Je m’en voulais presque d’avoir pu tomber amoureux d’elle.

Et voilà que Margaux est venue vers moi, trouvant que j’étais un peu distant, et cherchant à créer du rapprochement. Et je ne sais pas pourquoi, plus elle essayait de se rapprocher, plus cela me mettait à distance.

Était-ce mon égo, d’avoir été rejeté qui se manifestait ? Ma frustration qui prenait une autre forme ?

La réalité est quand même bizarre des fois : au moment ou tu commences à accepter qu’elle te dise non, elle vire sa cutille, et vient te dire oui.

Je n’avais plus aucune attirance pour elle. L’enchantement était rompu. On n’a même pas fini les vacances ensemble. Notre groupe s’est splitté en deux.

Je ne l’ai plus revue.

Et cette histoire, s’est drapée d’un voile d’oubli, tandis que je me suis envolé, sur mon vaisseau spatial explorer d’autres fictions.

Ai-je aimé Margaux ?

Peut-être que ce que j’avais ressenti pour elle, était juste du désir, une attirance forte, que, dans ma confusion, j’avais appelée amour. Je ne sais toujours pas.

Et ce désir non entendu par elle, mais peut-être non entendu aussi par moi, s’était propagé comme un feu d’agressivité. Peut-être que c’était de l’amour.

Pour le savoir, il faudrait déjà définir ce qu’est l’amour.

Comme quand tu te sépares de ton conjoint, et que tu n’arrives plus à savoir clairement si tu l’aimes encore, si tu es attaché à lui, ou un peu des deux.

Ça aussi, ça crée de la confusion.

Tu vois, c’est tellement le bazar dans ma tête, que je ne sais même pas quelle fin donner à cet article.

Ni quelle porte il va bien ouvrir chez toi.

En attendant, j’aimerais te poser une question simple.

C’est une question que j’aurais aimé qu’on me pose des années plus tôt. Je pense qu’elle aurait changé ma vie de couple.

Et peut-être ma vie tout court. Comme tu t’en doutes, elle concerne l’amour.

Mais l’article du jour, est peut-être déjà assez long.

Et on n’est plus à jour près.

On s’en parle demain ?

 

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3 réponses
  1. nathalie
    nathalie dit :

    … Privilège de l’âge, pour en faire l’expérience et pour le voir autour de moi.

    Namir, tu connais un peu maintenant mon tropisme avec les histoires, les vraies et les pas vraies. J’ai envie de poser celle-ci ici – une vraie histoire de vie :

    Elle se passe dans les Cévennes. J’ai fait il y a quelques années, la connaissance de Nicole et Bernard et je les adore. Ils ont travaillé toute leur vie dans le cinéma d’animation. Et nous, on était venus faire les petites mains pour un formidable petit festival autour des films animés que Bernard organise tous les étés dans son village – enfin avant le covid. Un soir, autour de leur table, dans leur jardin, ils nous racontaient comment le village avait été dévasté quelques années auparavant, après un épisode de fortes pluies. Ils nous ont raconté que les terrains alentours n’étaient plus entretenus et que les arbres morts restaient dans les forêts. Les torrents générés par la pluie avaient créé un barrage de branches, de troncs d’arbres morts et de boues à mi-pente de la montagne. La force de la poussée avait fini par faire lâcher le barrage et tout son amoncellement d’arbres morts et de boue s’était répandu en quelques minutes dans le village en contrebas, lui-même traversé par une rivière grossie par les pluies diluviennes. Emportant tout sur son passage. Les maisons, les meubles, les objets, quelques personnes, les rêves. Bref, les « vies » de tous les habitants. Le village a mis plusieurs années à se reconstruire, à refaire ses rues, à réparer ses maisons, à panser les traumatismes. Visibles et invisibles. Mais avec l’envie et le besoin de continuer. Ça fait deux ans que je n’y suis pas retournée, mais la dernière fois, tout le monde parlait encore, avec un peu de fierté d’être sortis, même traumatisés, de l’inondation. Ça m’avait beaucoup marquée. J’avais passé des heures au café de la place à écouter les gens, les blessures, les élans de solidarité, la lente reconstruction, le traumatisme émotionnel, la peur que ça recommence.

    Mon cerveau fait des analogies étranges des fois (euh souvent), et je me dis depuis longtemps, que plus on avance en âge, plus les trucs s’amoncellent dans nos vies et plus ça ressemble au barrage du village de Nicole et Bernard. On ne se rend même pas compte du bordel qui est là, qui s’est amoncelé, qui menace de céder. Et ça craque. Et tout ce bordel se répand d’un coup. Et ça coule et ça colle, ça se déverse. On a beau mettre des bottes et des cirés, ouvrir les parapluies, ça traverse quand même. On éponge, on écope. On absorbe. On en sort groggy, sonné. Traumatisé. Bosselé. Avec plein de questions qui sans doute resteront sans réponse. Et on repart. On ne sait pas trop comment.

    Et je me dis, avec un peu d’émerveillement teinté d’une drôle d’impression difficile à décrire – de presque malaise peut-être – qu’elle est drôlement forte, cette fichue vie …

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