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Dans cette rubrique de mon blog, je donne la parole à des collègues, amis, hommes et femmes courageu(x)ses qui se racontent dans leur rapport à l’intime, au désir, à la sexualité, au regard de l’autre, à la honte, à la culpabilité. Où ils/elles en sont aujourd’hui, et comment ils/elles ont évolué, ce qu’il/elles ont réussi à dépasser, ou ce avec quoi chacun bataille encore sur ce sujet qui nous appartient tous.

Voici donc le témoignage de Valérie.

Soyons clairs dès le départ : je ne vais pas parler de sexe. Parce que moi, le sexe, ça me saoule grave. Tout le monde en parle tout le temps, c’est une obsession. Le sexe et l’argent, j’en ai ras la casquette.

D’ailleurs, je n’ai ni l’un ni l’autre.
Faut croire que j’en veux pas.
Surtout, ce que je ne veux pas, c’est obéir à cette injonction que j’ai dû entendre, selon laquelle il faudrait avoir une vie sexuelle épanouie pour être épanouie. On n’inverse pas un peu cause et conséquence, là ?

Et si en fait c’était la même chose ?
Si, comme disent les matheux, il y avait équivalence ? Je me sens épanouie si et seulement si… bla bla bla.
En vrai ça me fait chier, tout ça. C’est trop fatigant. Et puis j’ai pas choisi.
Enfin « si si, tu as choisi », dit la petite voix.
Je lui réponds que je sais, et aussi que je l’emmerde, tiens, puisqu’on
en est au paragraphe caca, la phase anale, comme dit l’autre, peut-être que je suis restée coincée là, après tout.

Je voulais dire, avant qu’on m’interrompe, que je ne voulais pas, à la base, consciemment, tout ça, avoir une vie sexuelle complètement… morte.
Je ne voulais pas que mon mari cesse tout rapport après quelques mois de vie commune, comme ça, comme si on oubliait.

Moi je demandais, comme une enfant abandonnée, eh ! c’est pas normal, on est un couple. Si on baise pas, on n’est plus un couple. Mais quand le sexe est pour l’une un moyen de ne pas se sentir abandonnée, pour l’autre de pénibles pulsions, moches et encombrantes, forcément ça ne peut pas fonctionner.

Et puis finalement, c’est plus tranquille comme ça. Entre nous, il n’y a plus cette pression de la performance.
Oui, messieurs, moi aussi, bien qu’étant femme (oh que c’est bizarre de dire ça !), je ressens cette pression de la performance.
Il faut jouir.

— Tu as joui ? demande l’homme essoufflé.

— Euh… oui oui, répond la jeune fille qui se demandait quand il allait enfin terminer son marathon.

Surtout qu’il ne remette pas ça, pitié !

Une scène d’ado me revient, dans une chambre à l’écart de la piste de danse.

— Tu vas jouir, oui ? demande le mec agacé. Il est en train de limer comme un forcené, il n’en peut plus de se retenir.

— Oooh ah ooooh… répond la fille sur le dos, les jambes écartés la culotte pendante sur une cheville.

Ayé. Comme ça il est content et surtout, il me fout la paix.

Mais non, bien sûr que non, je n’ai pas joui, espèce de connard ! Mais si tu veux, tu peux continuer à me tringler dans les coins de couloir quand ta copine danse avec les autres. Je suis bonne, je suis jeune, et je fais semblant, bien mieux qu’une pute. Parce que j’ai besoin, c’est ce que je crois, de donner mon cul, ma bouche, mon sexe, pour exister. Alors tu peux tout me faire, va, surtout ce qu’elle ne veut pas que tu lui fasses.

— Tu y prends goût, hein ? fait le mec en me sodomisant.

J’ai poussé un râle. De douleur.

Pauvre con.

Un jour, j’ai rencontré un homme, j’avais une vingtaine d’années. On a baisé comme des fous dans une douche. J’ai encore une cicatrice sur le genou, après plus de trente ans.
Ça n’en finissait pas, la douche coulait, ma peau s’usait.

Et puis le lendemain, il m’a demandé pourquoi je lui avais joué cette comédie pathétique. J’ai pleuré, lui aussi. Il m’a demandé pardon. J’ai pleuré encore. Et j’ai cessé de faire semblant.

Cet homme-là, aujourd’hui, c’est mon mari.
Et le sexe, nous, ça nous fatigue.
Et aujourd’hui, on est contents parce qu’on est débarrassé.
Et on s’aime. Et on est un vrai couple.

Alors peut-être que je ne dépasserai jamais ma honte. Celle d’avoir été frigide, de n’avoir jamais su dire non et d’avoir toujours fait semblant d’avoir du plaisir, depuis le premier et jusqu’au dernier viol.

Peut-être qu’à bientôt 54 ans, je ne dépasserai jamais la honte de mon corps qui se ramollit, de mon sexe asséché.

Peut-être que jamais je ne partagerai avec un homme cette totale intimité
dont on nous rebat les oreilles. Celle qui est derrière la honte. Vous voyez de quoi je parle ?

Moi, je ne sais pas ce que c’est.
Alors non, je ne vais pas vous parler de sexe, ça remuerait trop de honte et de ressentiments.

Je préfère oublier.

Si ce texte t’as touché d’une façon ou d’une autre, tu peux laisser un commentaire.
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6 réponses
  1. Nadia Boukir
    Nadia Boukir dit :

    Merci Valérie. C’est vrai qu’il y a cette obligation presque obsessionnelle à jouir… Et si tu ne jouis pas, si tu ne peux pas, si tu ne veux pas, si ça ne t’intéresse pas? Tu es malade? un tordu en planque? Frustré(e)? Et puis, si tu jouis trop c’est pas mieux, en fait. La bonne vieille norme, le dogme qui s’immisce jusque dans nos culottes. Faut kiffer mais pas trop et de façon réglementaire. C’est vrai que c’est chiant, en fait…

    Répondre
    • Valérie
      Valérie dit :

      Merci Nadia, ton commentaire me touche. Je me sens rejointe : « faut kiffer mais pas trop et de façon réglementaire ». Voilà. Tout est dit.

      Répondre
      • Nouria
        Nouria dit :

        Merci Valérie pour ton témoignage.
        Même si on vit des choses différentes ,il y a quand même toujours un endroit où l’on se rejoint.
        Et oui, il faut jouir parce que c’est pas fini une femme qui ne jouit pas, mais pas trop hein espèce de catain!!
        Et puis il faut absolument aimer certaines pratiques parce que c’est celles là que TOUTES les femmes aiment nom de Dieu!!

        Moi je suis d’accord à 100 pour 100 avec toi : fuck aux injonctions sur notre manière de vivre ou ne pas vivre notre sexualité!
        Nonmého !!! 🙂❤

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      • Boukir
        Boukir dit :

        Ben oui… Ton témoignage m’as bien fait réfléchir. Je le trouve beau, fort et ça résonne. Peu importe qu’on aime ou pas le sexe. Qu’on s’y adonne ou pas. Qu’on bloque ou pas.. bref.. peu importe le pourquoi du comment, il y des injections, des obligations qui interfèrent et nous empêchent bien trop souvent de juste vivre cet part de notre vie librement. Merci à toi d’avoir osé, c’est juste un gros cadeau que tu nous fais là. 🙏

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  2. Mélanie
    Mélanie dit :

    Merci Valérie ça me touche ta criante sincérité et ça me fait juste dire que nos vie deviennent tellement plus vastes si on cesse de les enfermer dans des injonctions, quelles qu’elles soient.. Je te souhaite te t’épanouir encore et encore de la meilleure façon qui soit pour toi!

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    • Valérie
      Valérie dit :

      Eh oui !
      Et sortir des injonctions… est le travail de toute une vie. C’est comme un jeu, faire tomber des quilles. Je trouve qu’il y a quelque chose de plaisant (je n’ose pas dire jouissif !) à se sentir affranchi de se plier à une règle. Il y a beaucoup de libération, par rapport au jugement que l’on porte sur soi aussi.

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