Depuis la mort de ma mère en 2015, mon père trouve le temps vraiment long. Assis toute la journée devant sa télévision, il attend la fin.

– Tu crois qu’il y a une vie après la mort, papa ?

– Non.

– Alors pourquoi tu es si pressé de mourir ?

– J’ai accompli ma mission. Plus rien à faire.

– C’était quoi ta mission ?

– Vous élever, ta sœur et toi. Et que vous n’ayez plus besoin de nous.

Pour Victor Frankl, psychologue, rescapé des camps, la motivation fondamentale de l’humain, bien au delà de la recherche du plaisir, est celle du sens de sa vie.

Sacrée question, avec laquelle je me débats depuis des années.

J’ai même demandé à mon thérapeute quelle était sa vision de la vie.

– Pour nous, en Gestalt, la vie n’a absolument aucun sens. Et mon rôle, c’est justement d’aider mes clients, à traverser leurs angoisses face à cette absence de sens.

Mais si la vie n’a aucun sens, alors qu’est ce qui peut guider nos choix et nos décisions ?

La clé, selon Frankl,  est dans la souffrance. Dans son livre sur la logothérapie, il cite l’exemple d’un médecin d’un certain âge venu le consulter. En grave dépression, depuis la mort de sa femme, il ne pouvait s’en remettre. Il l’avait aimée plus que tout au monde.

Frankl, d’abord démuni devant le désespoir du médecin, lui a demandé :

– Et si vous étiez mort le premier, et que votre femme ait-eu à surmonter le chagrin provoqué par votre décès ?

– Pour elle, cela aurait été affreux. Elle aurait horriblement souffert.

– Et bien docteur, cette souffrance lui a été épargnée, grâce à vous. Et vous en payez le prix, puisque c’est vous qui la pleurez. 

La souffrance cesse de faire mal au moment où elle prend un sens. Elle devient alors un acte sacré, un sacrifice. Finalement, donner un sens à sa vie, reviendrait à répondre à la question : « Pour quoi tu choisis de souffrir ? »

J’ai voulu lire ce passage à mon père, curieux de sa réaction. Dans l’espoir secret de lui apporter un peu de réconfort.

Et je suis reparti triste. Chargé de ma propre peine, celle de le regarder quitter la vie sans joie.

Faire du cinéma, pour moi, c’est avant tout pour immortaliser les gens que j’aime. Savoir que dans un siècle, ou plus, des spectateurs verront mes films, et y feront la connaissance de mes parents, et de gens que j’ai aimés, et magnifiés.

 

– Mais Namir, qu’est ce que ca peut vous faire que des inconnus voient vos films dans 100 ans, puisque vous n’existerez plus ?

– Bah, j’aurais l’impression d’avoir été utile.

– A quoi ?

– A témoigner de l’existence de gens que j’ai aimés.

– Pour quoi faire ? Vous ne serez plus là.

– Euh…

– Vous le faites pour immortaliser les gens que vous aimez, ou pour fuir l’angoisse de votre propre mort ?

Et je suis reparti, perturbé et soulagé à la fois.
Il n’y peut-être aucun sens à la vie, à part l’expérience elle-même. Mais on peut choisir comment la vivre.
Je ne sais pas si le sens que mon père a choisi de donner à sa vie l’a aidé à mieux supporter la souffrance. Peut-être que si. Je reviendrai dessus dans un prochain article. 

Si j’étais professeur des écoles, je demanderai à tous mes élèves : Hey, les enfants, quel sens vous voulez donner à votre vie ?

Quand je suis rentré chez moi, mon fils m’a vu dans un drôle d’état.

Je lui ai parlé de son grand-père qui ne trouvait plus de sens à sa vie, et moi, qui cherchait encore le mien.

– Et toi, Jojo, tu sais quel sens elle a la vie, pour toi ?

– Bah évidemment, papa.

Il a haussé les épaules.

– La vie, c’est jouer à la switch et manger des hamburgers.

Les hamburgers. c’est peut-être ça qui l’a sauvé des camps, Victor Frankl. Qui sait…

Et toi, pour quoi tu choisis de souffrir ?

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11 réponses
    • Namir
      Namir dit :

      Pour moi l’erreur, elle est dans le fait de chercher, comme si c’est quelque chose qui préexistait. J’aurais tendance aujourd’hui a le remplacer par « choisir ». Mais si t’es bien en te posant pas la questions, alors pas la peine de te la poser.

      Répondre
  1. Nouria
    Nouria dit :

    J’aime beaucoup ce passage de l’un des bouquins de Christiane Singer:

    « La vie n’a pas de sens, ni sens interdit, ni sens obligatoire.
    Et si elle n’a pas de sens, c’est qu’elle va dans tous les sens et déborde de sens, inonde tout.
    Elle fait mal aussi longtemps qu’on veut lui imposer un sens, la tordre dans une direction ou dans une autre.
    Si elle n’a pas de sens, c’est qu’elle est le sens. »
    (Extrait de Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?)

    Quel que soit le sens de la vie ,si toutefois il y en a un, je me sens infiniment reconnaissante d’être vivante et de pouvoir marcher sur la Terre, expérimenter la vie avec tous mes sens…Dans cette immensité qu’est l’univers , avoir cette incroyable opportunité d’être vivante sur la Terre,cette merveilleuse planète.
    Quand je suis en manque de sens,c’est à cela que je pense et je suis remplie de gratitude.

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  2. Virginie
    Virginie dit :

    Je me reconnais tout à fait dans tes mots.
    Des que je pense que j’ai trouvé le sens de ma vie, finalement je suis perdue, mes convictions s’envolent et la déprime revient…
    En tous cas, j’aime beaucoup te lire chaque jour.
    Merci

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    • Namir
      Namir dit :

      Merci Virginie. Là ou j’en suis, c’est de me dire qu’il n’y a peut-être rien à trouver. Plutôt à choisir dans quelle direction on veut orienter nos efforts. Qu’en penses tu ?

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  1. […] Et si tu te poses encore des questions, alors peut-être que cet article sur « le sens de la vie » pourrait t’intéresser. […]

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