OÙ EST PASSÉE MA MÈRE?

Ce texte a surgi lors d’une visite au cimetière. J’y ai vu mon père laisser couler une larme sur la tombe de ma mère. Il faisait beau. Et je me suis senti en paix.

Où est passée ma mère ? 
C’est le sujet de mon prochain film
Depuis qu’elle est morte, il  y a 5 ans, j’ai traversé pas mal de déserts, j’ai été emporté par des tourbillons, échoué sur de drôles d’îlots, et c’est un euphémisme que de dire que je me suis posé pas mal de questions.
J’ai aussi recroisé Dieu sur mon chemin, et je me suis demandé si c’était pas, là aussi, une fuite.  Comme un moyen de pas accepter la souffrance de la perte et de la séparation, et de soulager ma peine.
Mais bon, la question est toujours là, non résolue :  Où est passée ma mère ?

– Dans ton cul.
Ah oui, lui, c’est mon connard intérieur

– Ouais merci, cher connard, je comprends le message. Cette questions n’a peut-être aucun intérêt pour toi, et t’es du genre pragmatique, concret. Le genre de type qui avance comme un bulldozer, qui se fraye un chemin dans la vie sans regarder en arrière. Ok, je comprends. Mais j’ai pas envie de lâcher cette question.

 – Elle est dans ton cœur, Namir
Ah, lui, c’est mon bisounours intérieur.
– Ouais, elle l’a toujours été dans mon cœur. C’est pas la question. Je me demande pas : où est passé l’amour que ma mère m’a donné, mais vraiment : Où est-elle ?

Cette énergie qui l’animait de son vivant, qui agitait ses membres, sa pensée, faisait vibrer sa voix, a-telle pu se dissoudre dans le néant ? S’est elle métamorphosée en autre chose? Réincarnée en chat ?
C’est même pas qu’elle me manque, en fait.
C’était aussi une emmerdeuse, ma mère.
Comme ce jour où, à 15 ans, je lui avait offert un mini-ventilateur pour sécher son vernis des ongles. J’y avais mis tout mon argent de poche.
Sa réaction a été :

– Nan, mais t’as payé ça combien ?

Avant de me pourrir la gueule parce que je ne savais pas quoi faire de mon argent.

Aujourd’hui, je me suis habitué à son absence, et j’ai même accepté que son souvenir se soit progressivement effacé de la mémoire de mes enfants. Il ne leur reste plus que quelques fantasmes imaginaires, issus des histoires que je leur ai racontées d’elle.
J’ai juste envie de savoir si, au moment où j’écris ces lignes,  il y a une infime chance que, quelque part dans l’univers, ma voix lui parvient.
Où donc es-tu, maman ?
Si quelqu’un a son adresse, je veux bien qu’il lui transmette mon message.
J’ai l’enveloppe, le timbre, le facteur est devenu un pote.
Mais je sais pas où l’envoyer.
Alors, des fois que l’internet fonctionnerait aussi dans l’au-delà, je me permets de le poster ici :
Merci à toi.
Et à toutes les mères qui nous ont donné la vie, élevés, supportés.
Y a quand même un truc bizarre avec la vie.
Je crois que si on perdait pas les gens qu’on aime, bah elle aurait pas le même goût.
Alors, si vos mères sont encore vivantes, même si elles vous soûlent en ce moment, même si elles se comportent comme des emmerdeuses, décrochez votre téléphone et dites leur : Merci, maman
Et si elles vous répondent :
– T’es sûr que ça va ? Tu as fumé quelque chose ?
Ou alors :

– Oh la la, toi t’as un service à me demander…
Et bien, vous n’aurez qu’a leur faire suivre cet article.
Elles aussi, elles ont peut-être une mère à qui elles aimeraient dire « je t’aime ».

 

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